Discussion sur la Loi du 10 Avril 1841

Discussion sur la Loi du 10 Avril 1841

[1] Présentation à la chambre des représentants par le ministre de l'intérieur, le 9 février 1838.

 - Moniteur. Du 16 mai1838. - Premier rapport par M. Heptia.

- Moniteur  des 28 et 31 janvier et 1er février 1839.

- Premier rapport supplémentaire par M. Heptia le 22 janvier 1839.

- Deuxième rapport supplémentaire par M. Heptia.

-  Discussion les 24, 25, 28 et 29 janvier 1839.

- Moniteur  des 25, 26, 29 et 30.- Ajournement de la discussion. -

Reprise de la discussion le 5 février 1840.

-          Moniteur. du 7. - Rapport par M. d'Huart, sur l'article 15, le 14 février 1840.

-           Moniteur. du 15. - Discussion les 6, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 15, 17, 18, 24 et 25 février.

-          Moniteur. des 7, 8, 9, 11, 12, 13, 14, 16, 18, 19, 25 et 26. - Adoption par 45 voix contre 8. -- Rapport au sénat par M. le baron de Macar.

-          Moniteur. des 27 février et 2 mars 1841. - Discussion les 2, 3, 4, 5, 6, 11 et 19 mars. –

-          Moniteur. des 3, 5, 6, 7, 10, 11, 12 et 21.-Adoption par 24 voix contre 8.-Renvoi à la chambre des représentants. - Rapport par M. Peeters, le 20 mars 1841.

-          Moniteur. Du 26 mars 1841. - Discussion le même jour et adoption par 51 voix contre 7.

[2] « Avant d'entrer dans l'examen des dispositions du projet, je crois nécessaire de rendre compte des principes et du système général, adoptés par la section centrale comme bases du projet qu'elle a l'honneur de proposer à la chambre. -

Le projet repose sur deux principes fondamentaux: le premier, que les chemins vicinaux doivent former un ensemble de moyens de communication qui serve de complément aux routes provinciales, dont elles seraient en quelque sorte une branche secondaire ; en second lieu, tous les habitants ayant le droit de se servir, et se servant effectivement des chemins vicinaux, tous doivent contribuer à leur entretien en proportion du degré d'utilité qu'ils en retirent. -- Par application du premier principe ci-dessus énoncé, la section centrale a admis : que tout habitant du royaume peut réclamer contre les plans des chemins vicinaux que les communes feront dresser ; que les conseils provinciaux et, dans certains cas, le gouvernement, arrêteront la direction et la largeur que devront avoir les chemins vicinaux de grande communication. Au moyen de ces mesures les chemins vicinaux présenteront un système d'ensemble qu'ils n'auraient pas eu si chaque commune avait - été libre de classer ses chemins sans égard aux besoins des communes voisines, et sans égard aux plans proposés par celles-ci.

» Le deuxième principe a amené la section centrale à reconnaître dans la loi deux espèces de chemins vicinaux, savoir :

1) ceux de grande communication, qui servent à plusieurs communes, à une province, ou partie de province, et même à des provinces différentes ;

2) les chemins vicinaux qui servent plus spécialement à la commune sur le territoire de laquelle ils sont établis. –

 Cette distinction, qui existe dans la nature même des choses, étant une fois reconnue dans la loi, a amené à introduire plusieurs articles nouveaux dans le projet que propose la section centrale; ainsi, dans le cas où un chemin est utile à plusieurs communes, elles contribueront toutes à son entretien; quand il sera utile à plusieurs communes en même temps qu'à une ou plusieurs provinces, celles-ci pour voiront à une partie des dépenses d'entretien, proportionnée à l'utilité que le chemin leur procure. - Quand un établissement industriel dégrade considérablement un chemin, et que celui-ci lui est d'un grand usage, le propriétaire ou détenteur de cet établissement sera obligé de subvenir à une quotité des frais d'entretien.

» Il aurait été injuste dans tous ces cas de laisser peser la totalité de la dépense sur les seules communes où le chemin se trouve établi, tandis que le chemin est d'une utilité générale et sert peu à ces communes. » (Rapport de la section centrale.)

[3] Le projet du gouvernement portait un article 1er ainsi conçu :

« Un chemin est vicinal, quel que soit le mode de circulation, lorsqu'il est légalement reconnu nécessaire à la généralité des habitants d'une ou plusieurs communes, ou d'une fraction de commune. » - Plusieurs sections critiquèrent cette disposition.

« La troisième section, disait M. Ueptia dans son rapport, observe que la définition que l'article dont il s'agit donne des chemins vicinaux , est vicieuse, et ne donne pas une idée exacte de ce qu'on doit entendre par un chemin vicinal; un chemin étant déclaré vicinal par cela seul qu'il sert à la généralité des habitants d'une ou de plusieurs communes, ou même d'une fraction de commune, sans égard au mode de circulation en usage sur ce chemin, il s'ensuit que la définition peut s'appliquer aux grandes routes de l’Etat, aux routes provinciales, aux chemins de pure exploitation et même à ceux résultant de servitude. De ces observations la section conclut que la définition devait être supprimée, ou tout au moins devait être remplacée par une autre plus exacte ; ce qu'elle reconnaissait être très-difficile, sinon impossible.

» La 5e section observe que l'article en discussion paraît détruire la classification des chemins vicinaux consacrée par différents règlements provinciaux, quoique cette classification puisse avoir certaine utilité pour faire reconnaître à qui appartient la propriété du sol sur lequel les chemins sont établis, et à qui incombe la charge de l'entretien... Pour faire apprécier la portée de son observation, elle remarque qu'autrefois les chemins appelés royaux étaient considérés comme propriétés publiques et étaient entretenus par les seigneurs ou les communautés ; les chemins d'aisance, les sentiers n'étaient considérés que comme des servitudes et tombaient à charge des riverains ou des usagers; la qualification de royaux, ou autre, faisait connaître à la fois le propriétaire du sol du chemin et celui qui était chargé de l'entretenir.

» La section centrale a examiné les divers points sur lesquels les sections avaient attiré son attention. Elle n'a pas cru que la loi actuelle doive décider d'une manière absolue que les chemins sont ou ne sont pas des propriétés de la commune où ils sont situés, ni qu'ils doivent être entretenus par les communes dans. tous les cas où elles en sont propriétaires, car il est des chemins que les communes entretiennent quoiqu'elles n'en soient pas propriétaires, comme il en est dont elles sont propriétaires, qui sont entretenus par des particuliers. Ces points n'ont pas besoin d'être réglés par la loi actuelle ; il est préférable de laisser subsister ce qui existe sans blesser les droits acquis, pourvu que l'on prenne les mesures nécessaires pour assurer la conservation des chemins et leur entretien par ceux qui en ont aujourd'hui l’obligation... Ce but sera atteint au moyen du tableau et des plans des chemins que les communes seront obligées de faire dresser, en vertu de l'art. 2 du projet. Ces plans et ces tableaux indiqueront les chemins qui sont véritablement vicinaux, ceux qui ne sont que des servitudes, ceux qui ne sont que des sentiers; enfin ils indiqueront ceux qui doivent être entretenus par d'autres que la commune de leur situation ; on sent que les règles et les principes absolus qu'on poserait dans la loi, ne pourraient que gêner considérablement les communes lorsqu'elles procéderont à la reconnaissance des chemins et à la confection des plans ; il surgirait inévitablement une foule de contestations sur leur application. Il a paru préférable de s'en tenir, ainsi que le fait le projet, à obliger les communes à constater, par des plans l'état des chemins et leur destination actuelle, sans leur prescrire des règles absolues, en leur laissant toutefois le soin de faire restituer les empiétements, et de leur donner l'élargissement et la direction convenables là où le besoin s'en fera sentir.

» Ces considérations ont porté la section centrale à supprimer tout à fait l'art. Premier du projet :

il serait difficile, dangereux même, de donner une définition qui, à défaut d'exactitude rigoureuse, pourrait donner lieu à des discussions sur le point de savoir si un chemin est ou n'est point vicinal, et qui pourrait amener pour résultat qu'un chemin tout à fait indispensable à une commune serait déclaré non vicinal, tandis qu'un chemin d'aisance peu important serait reconnu pour vicinal, ce qui serait tout à fait contraire à l'intérêt général et à l'esprit du projet de loi. -Au reste, chacun se fait une idée assez exacte de ce qu'est un chemin vicinal , pour n'avoir pas besoin d'une définition pour l'apprendre ; la loi ne dira donc pas ce qu'on doit entendre par un chemin vicinal: ce seront les communes, sous l'approbation des députations des conseils provinciaux, qui désigneront ceux qu'elles considèrent comme tels. La loi n'exige pour cela aucune condition; elle abandonne tout à fait cette appréciation aux conseils communaux et provinciaux, qui prendront pour règle les besoins locaux, la situation et l'état actuel des chemins. Lorsque les communes feront les plans de leurs chemins, elles y comprendront tous ceux qu'elles considèrent comme vicinaux; la voie de réclamation sera ouverte à tous les intéressés; l'autorité supérieure prononcera sur les contestations qui s'élèveront : ces moyens, le bon classement, l'entretien et la conservation des chemins, ainsi que les intérêts des particuliers, seront mieux assurés que par une définition légale de ce qu'on doit entendre par un chemin vicinal. »

(Monit. du 28 janvier 1859.)

La suppression de cet article a été adoptée sans discussion à la chambre des représentants : « Les motifs qui ont déterminé la chambre des représentants, disait M. de Macar, rapporteur du sénat, malgré l'opinion de quelques-uns de ses orateurs les plus distingués, à supprimer l'art. 1er  du projet primitif, sont assez puissants pour que votre commission n'ait pas cru devoir présenter, à ce sujet, de modification au projet qui vous est transmis. »

[4] La sixième section avait pensé qu'il serait dangereux d'obliger les communes à faire dresser des plans, d'abord parce qu'il n'y a aucun moyen de s'assurer de leur exactitude, ensuite parce que ces plans seront très-coûteux et très-difficiles à dresser , et enfin parce qu'il surgira nombre de cas et de discussions dans lesquels on contestera leur force probante, notamment dans le cas d'une contestation entre les deux riverains d'un chemin qui discuteraient sur des questions de limites et d'héritages; elle observait en outre que là où le cadastre est achevé, les plans cadastraux suffisent, sans obliger les communes à en dresser de nouveaux.-Ces observations n'ont pas paru suffisantes à la section centrale pour faire rejeter la disposition proposée, laquelle a été adoptée par quatre membres contre un. La majorité a pensé qu'en admettant même comme réels les inconvénients signalés par la sixième section, ils ne balançaient pas l'utilité que procureront les plans, qui peuvent seuls assurer la conservation des chemins vicinaux et empêcher qu'on y commette des usurpations. - L'exactitude des plans a paru devoir être suffisamment assurée par l'accomplissement des formalités prescrites par le projet : la reconnaissance des chemins sur les lieux, l'affiche, et le dépôt des plans à l'inspection de tous les habitants, la voie de réclamation ouverte à tout le monde, la décision en ier degré de juridiction par le conseil communal, qui possède toutes les connaissances locales, et enfin l'appel autorisé devant la députation du conseil provincial , sont des épreuves qui garantissent que les plans seront minutieusement exacts ou du moins ne présenteront que des erreurs peu nombreuses et bien peu importantes, lorsqu'ils les auront subies, et qu'ils seront définitivement arrêtés par la députation du conseil provincial.

» Quant à l'objection de l'inutilité d'exiger de nouveaux plans là où les plans du cadastre existent et peuvent les remplacer, chacun sent qu'elle porte à faux; en effet, les plans du cadastre ne présentent pas les mêmes garanties qu'un plan spécial fait avec la solennité qu'exige le projet de loi. Lorsque les plans du cadastre ont été dressés, ni les communes, ni les propriétaires riverains n'ont porté leur attention sur la partie qui concernait les chemins vicinaux; chacun s'est occupé uniquement du point de savoir si son héritage y figurait pour sa véritable contenance : il doit par suite s'y rencontrer quelques erreurs, tant sur la direction des chemins que sur leur largeur ; on n'a fait alors aucune attention aux usurpations faites par les riverains, ni aux emprises qu'il conviendrait de faire pour l'élargissement ou la rectification des chemins : d'où la conséquence que des plans spéciaux sont tout à fait nécessaires pour obtenir le résultat que le projet se propose. »

(Rapport de M. Heptia.)

La députation du conseil provincial du Hainaut avait présenté les observations suivantes :

a Il n'existe pas, dans la province du Hainaut , de plans généraux d'alignement et de délimitation des chemins vicinaux; mais seulement dans la plus grande partie des communes, des états de classification des chemins vicinaux, par tableau, qui ont été reconnus tout à fait insuffisants et presque inutiles.- Ils ont été faits généralement avec beaucoup de négligence dans beaucoup de communes ; un grand nombre de voies publiques n'y figurent pas, surtout les sentiers, ce qui occasionne de grandes difficultés lors des suppressions ou des emprises. - Ce mode d'état, par tableau, suppose que partout un même chemin doit avoir ou a réellement la même largeur, ce qui n'est pas exact ; plusieurs chemins assez larges ou trop larges dans certains endroits se rétrécissent dans d'autres, soit à cause des propriétés bâties ou boisées, soit à cause que le chemin se trouve encaissé, soit parce que les riverains y ont fait emprise, ou parce qu'ils ont perdu de leur utilité par l'établissement d'autres chemins ou de chaussées, etc.-On ne pense pas qu'il existe nulle part, dans aucune province, des plans de chemins, ainsi que le suppose l'art. 2 du projet (art. 1er de la loi). Ces plans ne pourraient être faits que sur les plans parcellaires cadastraux, qui sont sur une échelle beaucoup trop petite pour pouvoir y faire figurer la largeur des chemins, encore moins des sentiers vicinaux.- Ces plans, pour pouvoir y indiquer la largeur des voies vicinales, devraient être faits sur une plus grande échelle; ils seraient, dans cette hypothèse, beaucoup trop volumineux.

En effet, les plans parcellaires du cadastre sont faits à l'échelle d'un à 2,500 ; ainsi un chemin d'une largeur de 10 mètres devrait être représenté par 4 millim.; un chemin d'une largeur de 5 mètres par 2 millim.; un sentier de 1 1/2 mètre (ou même moins, 4 pieds ou 3 pieds ancienne mesure du Hainaut) ne serait plus représenté que par un trait; avec la plus grande exactitude, il deviendrait impossible de figurer ces diverses largeurs. Il faudrait faire le plan sur une quadruple ou quintuple échelle pour y bien déterminer les différences des chemins et des parties de chemins et, sentiers, ce qui les multiplierait beaucoup; dans les communes où il y a, par exemple, 10 feuilles de plans parcellaires, il en faudrait 40 ou 50 feuilles.

» Les communes reculeront devant la dépense qu'ils devront leur occasionner; il faudrait d'ailleurs, faisant ainsi ces plans sur une plus grande échelle, diviser les sections du plan cadastral; les feuilles se raccorderaient bien difficilement; il serait au surplus impossible de déterminer exactement, sur de semblables plans, ce qui est prescrit par l'art. 5 du projet de loi. - On pourrait, à la vérité, lorsque tous les chemins et sentiers auraient été classés sur le plan cadastral, faire des plans particuliers de chaque chemin sur une échelle de grandeur suffisante pour bien déterminer les diverses largeurs, ainsi qu'il se fait pour les routes à construire, mais ce serait un ouvrage considérable et très-frayeux, vu le grand nombre de chemins qui existent sur le territoire des grandes communes. On ne peut croire que ce soient de semblables plans que le projet de loi entende faire exécuter. Le mieux paraît être d'obliger les communes à lever des copies du plan cadastral parcellaire par section, et d'y faire figurer tous les chemins et sentiers vicinaux, avec l'indication du nom de chacun et un numéro qui se reportera à leur état descriptif. »

M. Cools qui, dans la séance du 6 février 1840, reproduisit ces observations, proposa une mesure qui avait été indiquée par les députations du Brabant, du Hainaut et de la Flandre-Orientale :

« Il s'agissait, disait-il, de se borner à dresser, d'après les plans cadastraux, des plans qui contiendraient uniquement les chemins, et lorsque ces plans ne seraient pas complets, on y ajouterait les chemins et les sentiers manquants : ces plans auraient exactement la même dimension que les plans cadastraux, et l'on pourrait les placer dans le même meuble; mais comme la dimension n'en serait pas suffisante pour indiquer tous les aboutissants et la largeur exacte des chemins, il faudrait les compléter par des tableaux supplémentaires. »

« La députation provinciale, lui répondit M. de Theux , ministre de l'intérieur et des affaires étrangères, a donné à l'article en discussion une interprétation que cet article ne comporte point.

Il n'est pas nécessaire de faire figurer la largeur des chemins vicinaux sur le plan ; il suffit d'indiquer cette largeur. »

M. Desmet : « Il me semble, messieurs, qu'il est impossible de faire servir les plans cadastraux; les art. 2 et 3 (art. 't et 2 de la loi) n'exigent pas seulement l'indication de la largeur actuelle des chemins, ils exigent aussi l'indication de la largeur que les chemins doivent avoir ; or le cadastre ne donne que la largeur actuelle. - Dans la Flandre-Orientale, lorsque les décrets de Marie-Thérèse concernant les chemins vicinaux ont été portés, la largeur de ces chemins a été constatée par des procès-verbaux; ces procès-verbaux existent, il s'agira seulement de les consulter pour connaître la largeur que doivent avoir les chemins. »

« Je crois, ajoutait M. Dubus aîné, que les difficultés dont on a parlé devront nécessairement disparaître dans l'exécution de la loi; tout dépendra de la manière dont l'article qui nous occupe sera exécuté. A cet égard je ne pense pas qu'il faille absolument rejeter les plans cadastraux; il est bien vrai que ces plans indiquent seulement la largeur qu'avaient les chemins au moment ou le travail du cadastre a été fait, mais c'est toujours là un renseignement extrêmement utile. Une fois que le plan est fait, il ne s'agit plus que de rectifier tout ce qui a besoin d'être rectifié, soit pour reprendre ce qui a été empris sur le chemin, soit pour donner au chemin la largeur nécessaire pour qu'il demeure viable. -- Je pense que l'on pourra se servir très-utilement des plans cadastraux, je dirai même que, dans bien des circonstances où des contestations relatives aux chemins vicinaux ont été portées devant les autorités judiciaires, ces plans ont été consultés avec beaucoup de fruit et sont devenus des pièces du procès extrêmement utiles pour constater les empiétements faits sur le chemin. Et, messieurs, il ne faut pas croire que la dimension de ces plans soit telle qu'il y ait de la difficulté à les manier; j'en ai vu employer dans des contestations où il s'agissait de savoir s'il y avait eu anticipation, oui ou non; et je puis dire que cette difficulté ne se présente nullement.-Je pense donc que M. le ministre pourra très-bien, lorsqu'il s'agira de l'exécution de la loi, utiliser les plans cadastraux et diminuer, sous ce rapport , la dépense qu'il devra imposer aux communes.»

M. Cools : «D'après les explications qui viennent d'être données, je pense que mon but sera atteint par la manière dont on exécutera la loi. Je n'insisterai donc pas pour mon amendement.». (Monit. du 7 février '1840.)

[5] La section centrale avait proposé l'addition des mots et sentiers vicinaux. e 11 a paru nécessaire, disait le rapporteur, de prescrire aux communes de comprendre les sentiers dans les plans qu'elles feront dresser, il est aussi important de maintenir ces communications, qui servent aux gens à pied, que celles qui servent à la circulation des voitures : cette addition était nécessaire pour rentrer dans l'esprit du projet du gouvernement, qui déclarait vicinal tout chemin servant à une généralité d'habitants, quelqu'en fût le mode de circulation. »

« Lors du second vote (séance du 24 février1840), ces mots furent supprimés. « Je ne sais, disait M. Lebeau, pourquoi on a introduit dans la loi les mots et sentiers vicinaux : l'on n'attache pas aux chemins vicinaux, l'idée de telle ou telle largeur ; il suffit que le chemin serve à la généralité pour qu'il soit vicinal. Dans la loi Française on ne parle pas des sentiers vicinaux.

M. Liedts : «Il peut y avoir de la différence entre la loi française et la loi belge sur les chemins vicinaux : en France les chemins vicinaux sont réputés la propriété de la commune; en Belgique les chemins vicinaux sont plus généralement une servitude; et pour maintenir les servitudes de passage, il me semble utile de porter sur les plans les sentiers qui ne sont que des servitudes à charge des riverains. Il importe peu, du reste, qu'on en fasse mention expresse dans la loi. »

«Les chemins vicinaux en Belgique, ajoutait M. Desmet, appartiennent à tous et n'appartiennent à personne, il n'y a pas d'inconvénient à ajouter le mot sentiers; mais quand même on ne l'ajouterait pas, les sentiers ne seraient pas moins compris dans la loi. »

« Je pense, disait encore M. Milcamps, qu'on peut supprimer le mot sentiers, parce qu'évidemment le nom de chemins vicinaux comprend les sentiers qui servent à la généralité : si l'on voulait faire un changement, ce serait de dire sentiers publics au lieu de sentiers vicinaux. Un sentier public est accordé à la généralité des habitants, et sous ce rapport il est assimilé aux chemins vicinaux; cependant on ne peut pas en mettre l'entretien à la charge de la commune, car leur entretien est à charge des riverains. Dans toutes les communes les sentiers sont publics, et l'expression de vicinaux ne leur a jamais été appliquée dans les lois tan t anciennes que modernes.»(Monit. du 25 février 1840.)

[5] M. le baron de Stassart : « L'honorable M. de Rouillé a témoigné la crainte que le délai de deux ans ne fût pas suffisant; je pense, au contraire, que ce délai est assez long; si on n'est pas d'accord pour les plans d'une commune, cela n'empêchera pas de s'occuper des plans des autres communes. Pendant ce temps on instruirait les contestations qui s'élèveraient entre les propriétaires et les géomètres. Je pense donc que l'on peut laisser subsister le terme de deux ans, qui, du reste, ne sera pas tellement rigoureux , qu'on ne puisse le prolonger pour quelques cas exceptionnels.

»Pour les plans qui se confectionnent à la fin de l'année, par exemple, s'il s'élève une contestation, il faudra laisser courir les délais; mais ce sont des cas exceptionnels, et en général je crois qu'on aurait tort d'étendre les délais.» (Séance du 5 mars 1841. Monit. du 6.)

[6] D'après cet article, disait M. Verdussen, il s'agit seulement de faire des plans généraux d'alignement là où il n'y en a pas; mais cet article présente une lacune : il y a plusieurs communes où des plans existent et depuis assez longtemps, mais les défectuosités dont ces plans sont entachés,

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sont telles qu'il vaudrait mieux qu'il n'en existât pas. Je voudrais donc que les plans qui existent soient révisés, et pour atteindre ce but, il suffirait d'ajouter le seul mot réviser dans le 2e S. » (Moniteur du 25 janv. 1839.)

(1) Voyez la note qui suit.

(2) « A la fin du § de l'article 1er, la commission du sénat proposa d'ajouter les mots : qui devront réunir les mêmes conditions que les plans à dresser en conformité de la présente loi; elle proposa également, à l'art. 2, d'ajoutée les suivants, d'après les règles qui seront prescrites par le gouvernement chargé d'en assurer la bonne exécution.

Voici comment M. de Macar, rapporteur, s'exprimait à cet égard :

« Lorsque les plans dont la confection est ordonnée auront été dressés avec le soin et l'exactitude sur lesquels on doit compter, si le projet, pour y parvenir, et qui va vous être soumis, est adopté et que dès lors l'état des chemins soit fixé d'une manière précise et invariable, on peut affirmer que l'on aura fait, pour assurer au pays de bonnes communications vicinales, beaucoup plus que toutes les mesures qui se sont succédé, depuis plusieurs siècles, pour atteindre ce but.-En effet, quand, dans chaque commune, la direction, la largeur de chaque chemin et sentier seront constatées d'une manière irréfutable, avec tous les tenants et aboutissants, il deviendra impossible d'empiéter sur ce chemin, sans que l'on soit toujours à même de faire restituer l'empiétement. -

D'un autre coté, tous ces plans dressés sur une même échelle et sous la même direction, formeront un atlas complet de toutes les communications vicinales du pays, ce qui donnera la possibilité d'améliorer leur direction et de juger avec une entière connaissance celles qui méritent le plus particulièrement de fixer l'attention de l'administration, car on ne peut espérer parvenir à la mise en parfait état de viabilité des chemins vicinaux qu'autant qu'une administration forte imprime un mouvement général et progressif aux travaux d'amélioration de chaque localité, et ces travaux ne peuvent s'effectuer que dans une période successive d'années.

»Vouloir que toutes les voies de communication de chaque commune soient réparées de manière à ne rien laisser à désirer en une seule année, serait impossible ; on doit, sans doute, assurer les communications, mais il faut qu'ensuite les chemins les plus importants et les plus utiles pour assurer en toute saison un accès facile aux grandes routes de l'État soient l'objet de travaux plus spéciaux, qu'on y emploie toutes les ressources disponibles pour arriver soit à les empierrer ou à les paver, soit à les assécher, à les sabler ou à les réparer à l'aide de bois et de fascines dans toute leur étendue, selon les moyens que présentent les localités et souvent il faudra un  laps de temps assez notable pour achever ces travaux.  La confection des plans sur une même échelle, avec toutes les indications prescrites par la loi, et elles sont nombreuses, il faut indiquer d'abord la direction et la largeur de chaque chemin, et ensuite,

1° si son entretien est à la charge de la commune ;

2° s'il est à la charge de plusieurs communes;

3° si, en vertu de titre particulier, il n'est pas à charge des communes, en ayant soin d'indiquer au procès-verbal de reconnaissance les noms des personnes ou des établissements qui doivent l'entretenir ;

 4° les chemins hors d'usage;

 5° les nouvelles communications projetées; la confection de ces plans, disons-nous, est d'une utilité évidente, elle remédie aux inconvénients de l'absence d'une définition de ce que l'on entend par chemins vicinaux, puisqu'une fois ces plans arrêtés définitivement, il n'y a plus, pour ainsi dire, de difficulté possible, et par suite plus d'opposition ni de discussions sérieuses à craindre.

» D'un autre côté, ces plans donneront les moyens de saisir d'un coup d'œil toutes les améliorations que l'on peut espérer dans la direction des routes, et auront pour résultat nécessaire d'amener des rectifications qui rendront à l'agriculture beaucoup de terrain perdu dans des chemins trop larges, tortueux, ou dans des sentiers actuellement destinés à raccourcir les distances, puisque les communications deviendront elles-mêmes plus directes et plus courtes. -- On doit concevoir facilement qu'il résultera des avantages évidents de l'exécution entière de ce système ; car il faut aussi ne pas perdre de vue que, si l'on rend le parcours du chemin plus direct et moins long, il en résultera une très-grande économie dans les frais d'entretien. Ainsi avantage de temps, et facilité pour opérer les transports; acquisition de nouvelles valeurs, en rendant à l'agriculture des terrains naguère improductifs; économie dans les frais, en diminuant la longueur des routes. .

» Mais il est constant que, pour obtenir ces véritables avantages, on ne peut laisser aux soins isolés de chaque administration communale, la confection des plans ; il faut, non seulement qu'un même esprit en dirige le travail, mais encore que l'exécution de tous soit parfaitement identique quant au  matériel, afin qu'ils ne forment qu'un ensemble qui présente un atlas complet de toutes les communications du pays. En confiant donc le soin de ce travail à la direction d'un bureau central, qui serait chargé de choisir, dans chaque localité, les géomètres les plus capables de l'exécuter, qui leur donnerait les instructions nécessaires et qui surveillerait leur exécution, on serait certain d'obtenir les résultats désirés. -

En effet, ces géomètres se rendraient dans chaque commune et procéderaient, d'après les indications et sous la direction des administrations communales, à la reconnaissance de l'état actuel des chemins, dont ils consigneraient les résultats sur des calques formé à l’aide plans cadastraux que possède chaque commune du royaume ; ces calques serviraient ensuite à dresser le plan qui présenterait tout ce qui est prescrit par l’art. 2 du projet sous ce rapport les géomètres ne seraient que des agents absolument subordonnés à l'autorité communale qui est chargée de l'exécution de la loi, et dès lors on n'empiéterait en aucune manière sur les attributions confiées aux administrations municipales et provinciales.

» Pour rendre sensibles les avantages que présente l'exécution de cette entreprise, votre commission a l'honneur de déposer sur le bureau un travail complet exécuté d'après les idées qui viennent d'être exposées, et un projet de règlement pour faire dresser les plans, de la même manière, dans chaque commune du royaume.- Elle pense que leur examen mettra plus à même que toutes les explications possibles d'apprécier l'utilité réelle et permanente qui en résulterait. - Le département de l'intérieur s'est empressé d'accueillir aussi le système qui s'y trouve développé ; il a la conviction que l'achèvement de ce travail, quelque étendu, quelque détaillé qu'il soit, et quelques difficultés qu'il présente, est cependant très possible à effectuer, et votre commission pense que, confier aux soins du ministre qui dirige ce département, il pourra être terminé dans le délai de deux années.

» La Belgique serait, pensons-nous, le seul État de l'Europe qui posséderait le plan de toutes les voies de communication, quelque petites qu'elles soient, qui sillonnent son territoire, avec toutes les indications propres à en faire connaître l'espèce, et à charge de qui incombe leur entretien.

» En résumé, disait en terminant M. de Macar, le rapport qui précède aura, pensons-nous, démontré que le projet de loi soumis à vos délibérations, s'il obtient votre suffrage et celui des autres pouvoirs de l'Etat, apportera des améliorations réelles à la législation actuellement en vigueur ; la confection des plans de toutes les communications vicinales de chaque commune doit fixer votre attention; leur réunion en un plan général par province et pour le royaume entier, telle qu'elle est proposée, pourra s'effectuer facilement, avec une régularité, une uniformité et une exactitude qui semblent ne rien laisser à désirer.

» Ce travail étant complètement achevé, la nature de chaque communication petite ou grande sera reconnue, dès lors plus d'incertitude pour savoir à la charge de qui incombe son entretien, ni quelle largeur elle doit avoir : les conseils provinciaux devront fixer ces différents points : le besoin de définition ne se fait plus sentir ; ce sont des faits qu'ils out à reconnaître. Quelle autorité pourrait le faire mieux ?

» Si, contre toute prévision, ils s'écartaient des principes consacrés par la loi, l'autorité souveraine est alors appelée à les y faire rentrer.

» En admettant, ce qui n'est pas possible, que l'arrêté des consuls en date du 4 thermidor an x, et la loi du 9 ventòse an XIII, n'ayant pas été exécutés dans toutes les communes, ne sont plus obligatoires, leur tâches serait plus difficile ; mais cependant, dans toutes les provinces, on peut constater quelle doit être la largeur de chaque route.

Ce qu’il y à d’important, ce n’est pas que les chemins aient partout la même largeur, selon les classifications à leur donner; mais qu’ils soient, partout, entretenus en bon état de viabilité, qu’ils s'améliorent le plus promptement et le plus convenablement possible. La loi qui est soumise à vos délibérations y a pourvu. Là où il n'y a pas de titre contraire, leur entretien est une charge communale, quelque dénomination qu'on donne à ces communications.

» Les moyens pour parvenir à l'exécution de la loi peuvent varier; il faut seulement que ces dispositions soient telles que, dans toutes les localités, on puisse atteindre ce but.

» Il n'y a pas de loi qui laisse plus à faire aux administrateurs qui sont chargés de son application ; c'est de leur zèle que l'on doit surtout attendre les résultats désirés. Nous n'avons pas dissimilé les difficultés qu'ils ont à vaincre et qui son séquences des lois organiques de nos institutions municipales et provinciales : mais l'esprit d’ordre qui anime la généralité des habitants doit rassurer, et elles peuvent être surmontées.» (Moniteur du 27 février 1841.)

M. le duc d'Ursel : «Je désirerais avoir de M. le rapporteur une explication. Je vois que l’art. 1 er dit que « dans les communes où il n'existe pas de plans généraux d'alignement et de délimitation des chemins vicinaux, les administrations communales feront dresser ces plans. » Et l’article 2 porte que «les plans seront dressés, complétés ou révisés, d'après les règles qui seront prescrites par le gouvernement chargé d'en assurer la bonne exécution.» Dans un article, ce sont les communes qui doivent faire dresser les plans, et dans l’article suivant, c'est le gouvernement qui est chargé d'assurer la bonne exécution des règles qu’il prescrira. Ceci me paraît nécessiter une explication. »

M. le baron de Stassart : « Messieurs, on ne pourrait naturellement pas exclure les administrations communales de la confection des plans, mais ce sera d'après les règles qui seront prescrites par le gouvernement, chargé d'en assurer la bonne exécution, que les plans seront

Le gouvernement déterminera les règles auxquelles les administrations communale se soumettre, et des agents spéciaux seront envoyés par lui dans les communes.-On conçoit que c'est d'après l'impulsion du gouvernement, que les plans doivent être dressés, mais on ne peut pas exclure complètement les administrations communales de cette opération. On ne peut changer les attributions qui leur sont conférées par la loi communale ; d'un autre côté, si l'opération était abandonnée aux seuls soins des communes, il arriverait presque à coup sûr, qu'il n'y aurait pas cette uniformité et cette exactitude qu'il est  si désirable d'obtenir. Il pourrait aussi se faire que des membres de l'administration fussent intéressés à ce que les plans n'aient pas une parfait exactitude, et c'est pour éviter les abus qui en résulteraient, que nous avons proposé de charger le gouvernement d’assurer l’exécution des règles qu’il aura prescrites.

M. le baron de Macar : «  Je sais que c’est à l'autorité provinciale et aux autorités communales à faire exécuter la loi; mais il appartient à l'autorité supérieure de prescrire les moyens d'arriver à la bonne exécution de cette loi. Dans l'espèce, ce sera dans les communes, sous la direction du bourgmestre et des échevins, que les plans seront dressés. L'agent qui sera envoyé par l'administration centrale sera aux ordres de l'autorité communale, pour reconnaître les chemins et remplir toutes les indications que devront contenir les plans. L'art. 2 ajoute que le gouvernement sera chargé d'en assurer la bonne exécution ; pour lever toute incertitude sur son droit d'envoyer ces agents afin d'assurer l'exécution des plans d'une manière exacte, régulière, uniforme, sur la même échelle et avec toutes les indications prescrites, il y aura un inspecteur pour tout le royaume. Je le répète, les plans seront dressés sur les calques des plans cadastraux; ces calques devront être rectifiés sur les lieux dans toutes les localités par les indications des autorités communales; mais toutes les opérations relatives à la confection même du plan seront confiées à un agent spécial nommé par le gouvernement ; c'est le moyen le plus sur de ne point empiéter sur les attributions des autorités communales et d'obtenir un bon travail, qui réponde à ce que vous devez en attendre. »

M. le ministre de l'intérieur : « Le doute émis par l'honorable duc d'Ursel provient de ce que dans l'article 2 il y a les mots : le gouvernement chargé d'en assurer la bonne exécution. Ces expressions sont surabondantes, et j'en demanderai la suppression quand nous en serons arrivés à l'article 2. La mission du gouvernement est d'assurer la bonne exécution de toutes les lois, et ce n'est pas une chose spéciale pour cette loi-ci. La seule chose qui soit spéciale dans la loi actuelle, c'est que le gouvernement, par l'art. 2, aura mission de tracer aux autorités communales chargées de l'exécution de la loi, les règles nécessaires pour que cette exécution soit faite avec régularité et uniformité dans toutes les communes. »

M. de Macar ajouta encore : « Nous n'avons pas cru qu'à l'occasion de la loi sur les chemins vicinaux, nous dussions introduire un changement dans la loi qui régit les attributions des autorités administratives. Nous avons seulement pensé qu'il fallait faire reconnaître les chemins par des hommes en état de dresser les plans d'une manière certaine et invariable. En disant que le gouvernement enverra dans les communes des agents capables, je crois que nous avons fait tout ce qu'il était possible de faire dans l'état actuel de la législation. Si les communes ne veulent pas obéir aux injonctions de la loi, on s'adressera à l'autorité supérieure, et on fera exécuter la loi. Si les conseils provinciaux ne le faisaient pas, il y a au dessus d'eux un pouvoir supérieur. Nous avons donc proposé une disposition afin de donner le plus d'action possible aux agents du gouvernement pour la confection des plans, mais pour ce qui concerne le reste de la loi, nous avons cru que cela rentrait dans les attributions des autorités communales et provinciales, sauf à contraindre celles qui se refuseraient à cette exécution. (Séance du 4 mars 1841. - Monit. du 6.)

A la séance du 5, M. le ministre renouvela sa proposition, M. de Macar lui répondit : « Il est parfaitement juste de dire que le gouvernement est chargé de l'exécution de toutes les lois; mais la commission avait voulu indiquer plus spécialement que c'était au gouvernement, en regard avec les autorités communales, que l'on confiait l'exécution de l'article.

En thèse générale, le gouvernement est chargé de l'exécution de toutes les lois, c'est incontestable ; mais par une espèce d'antithèse, la commission avait voulu faire comprendre que la levée de ces plans était plus particulièrement confiée au département de l’intérieur. Voilà quelle était l'idée de la commission. Il faut bien comprendre que nous avons voulu donner aux géomètres une force plus grande, une indépendance plus réelle, en disant que le gouvernement serait plus spécialement chargé de l'exécution dès plans.»

« Comme c'est moi, disait M. le comte de Briey, qui, dans le sein de la commission, ai fait ajouter le mot bonne, je dois faire connaître au sénat quelle a été ma pensée. Sans l'addition des mots chargé d'en assurer l'exécution, les administrations communales auraient pu dire : Puisque les communes sont chargées de faire dresser les plans, elles sont aussi chargées de l'exécution. - Si les administrations communales présentaient des plans dressés par elles, et qui ne seraient pas faits avec tout le soin qu'ils exigent, le gouvernement dirait qu'ils sont mal faits, mais les administrations pourraient lui répondre qu'ils sont justes. Le gouvernement sera à l'abri de ces difficultés, si on ajoute le mot ‘bon’, parce qu'il pourra dire : Vos plans ne sont pas bons, et il faut les refaire. » (Monit. du 6 mars 1841.)

(1) « La cinquième section a demandé s'il ne conviendrait pas de fixer un minimum et un maximum de largeur, d'après une classification à arrêter par la loi. - La section centrale n'a pas cru que cette fixation de largeur et d'une classification fût possible sans inconvénient; il vaut mieux laisser aux autorités locales le soin de fixer la largeur d'après les besoins et l'utilité de la localité, que de prescrire dans la loi des largeurs qui, dans certains endroits, pourraient être insuffisantes, et qui, dans d'autres, dépasseraient de beaucoup les besoins.

Nous avons d'ailleurs la preuve que les dispositions de cette nature ne produisent aucun résultat. Plusieurs règlements provinciaux avaient consacré une classification des chemins vicinaux dont ils avaient fixé la largeur par classes; ces règlements ont toujours été lettres-mortes, et n'ont pu être mis à exécution, à tel point qu'il n'existe pas de chemin auquel on ait pu donner la largeur légale. »

(Rapport de M. Heptia.)

(2)M. Lebeau: «Comme cette loi doit être principalement exécutée par des administrations qui ne sont pas trop habiles à interpréter les lois, je crois qu'il serait bon de rendre la pensée du gouvernement et celle de la section centrale plus précise qu'elle ne l'est dans l'art. 3 du projet; je crois qu'après ces mots, outre la largeur du chemin, il serait utile d'y ajouter ceux-ci : y compris les fossés. Les fossés sont une condition nécessaire de la bonté des chemins vicinaux; or, il est des communes où cet objet est négligé; il convient dès lors que le langage de la loi soit bien explicite à cet égard. » (Moniteur du 15 janvier 1839.)

M. Dubois : « Je demanderai une explication à M. le ministre sur la partie de l'article ainsi conçue : y compris les fossés, et qui constitue une innovation toute particulière. Est-il porté atteinte par là au droit des riverains auxquels appartient ordinairement la moitié du chemin?»

M. Le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : a 11 ne s'agit pas du tout, au moyen du redressement du plan, de rien préjuger quant à la propriété du chemin et des fossés. Les questions de propriété demeurent intactes. » (Monit. du 7 janvier 1840.)

« Je vois dans l'art. 2, disait, à la séance du 4 mars 1841, M. le baron de Coppens, que le plan indiquera la largeur des chemins y compris les fossés ; mais il y a beaucoup de fossés qui se trouvent le long des chemins et qui appartiennent à des particuliers. Si on les indique sur les plans, on fera tort aux propriétaires, et on les regardera comme appartenant aux chemins. »

« La loi ne peut porter atteinte à la propriété, répondit M. de Stassart; quand on reconnaîtra la largeur des chemins, on n'y comprendra les fossés que quand ils feront partie du chemin. »

«Le sénat remarquera, disait aussi M. Liedts, ministre de l'intérieur, que d'après l'art. 10, combiné avec les autres articles de la loi, il n'est rien préjugé sur les droits de propriétés. En ce qui concerne les fossés, si on les indique comme propriété des communes, alors qu'ils seraient la propriété des riverains, les propriétaires pourraient faire des réclamations, et en supposant que les députations permanentes ne feraient pas droit à leurs réclamations, leurs droits seraient encore saufs, parce que l'art. 10 porte que l'ordonnance de la députation provinciale ne fait aucun préjudice aux réclamations de propriété, ni aux droits qui en dérivent. » (Monit. du 6 mars 1841, 2me supplément.)

(1)    M. Vandenbossche avait proposé le retranchement des mots par suite de recherches et reconnaissances légales.

M. dé Muelenaere combattit cette proposition. «Il  faut conserver l'article tel qu'il est; si la suppression des mots dont il s'agit était adoptée, l'article serait ainsi conçu : u Les plans dressés, révisés et complétés en exécution de l'article précédent, indiqueront, outre la largeur actuelle du chemin, la largeur qu'il doit avoir......» - Mais quelle est cette largeur ? Il dépendra de l'opinion des administrations communales de donner au chemin une largeur quelconque, une largeur indéterminée. Les plans généraux qui doivent être dressés en vertu de l'art. 2 n'ont qu'un but : c'est de déterminer la largeur actuelle du chemin ou bien la largeur que le chemin doit avoir par suite des recherches légales qui auront été faites, sans qu'il y ait lieu, de la part des communes, à payer des indemnités à ceux qui auraient usurpé des parties de chemins. Il faut donc nécessairement conserver l'article.

» L'honorable préopinant confond deux choses distinctes. Si le chemin n'a pas la largeur convenable, il faut recourir à l'art. 10, qui dit de quelle manière il faut procéder pour donner au chemin la largeur qu'il convient qu'il ait.» ( Moniteur. Du 25 janvier 1859.)

A la séance de la chambre des représentants du 6 février 1840, M. Cools, reproduisit la proposition de M. Vandenbossche.  de me souviens, répondit M. Dubus, qu'une semblable proposition avait été faite lors de la première discussion ; on s'est alors opposé au retranchement dont il s'agit en faisant connaître les motifs pour lesquels cette phrase avait été insérée dans l'article, et la chambre a adopté l'opinion du membre qui avait insisté sur cette considération qu'il fallait appeler l'attention des autorités locales sur les moyens de déterminer la largeur des chemins; il ne fallait pas, disait-on, que cette largeur pût être fixée d'une manière arbitraire; il fallait exiger que l'on fît des recherches pour constater l'ancienne largeur légale du chemin. Je pense donc, messieurs, que les mots dont on propose la suppression ne sont pas inutiles, puisqu'ils ont pour objet d'appeler l'attention des autorités locales sur le mode de fixation de la largeur des chemins.»

M. le ministre de l'intérieur et' des affaires étrangères : « Je ferai remarquer, à l'appui de ce que vient de dire l'honorable M. Dubus, que dans le chapitre 1er il s'agit de la reconnaissance des chemins vicinaux, et que c'est le chapitre Ill qui traite de l'élargissement et du redressement de ces chemins. »

A la séance du 5 mars 1841, M. le duc d'Ursel s'exprima ainsi: «L'art. 2 porte : «Outre la larguer actuelle du chemin, y compris les fossés, la largeur qu'il doit avoir par suite des recherches et des reconnaissances légales. »

Toutes les communes vont se trouver dans un grand embarras.

Quelle est la largeur légale ? Reconnaîtra-t-on les règlements faits par les états provinciaux en 1824?

Si on ne les reconnaît pas, vous n'aurez aucune base pour reconnaître la largeur que doivent avoir les chemins. - Dans la province d'Anvers, que je connais plus particulièrement, les ordonnances des états provinciaux ont fait revivre les règlements autrichiens, qui ont établi la largeur des chemins, le mode de plantation, et l'espacement des arbres. Ont-ils encore force de loi? s'ils n'ont pas force de loi, je ne sais vraiment pas sur quelles bases on pourra agir. »

M. le baron de Macar : « Je crois que dans toutes les provinces il sera plus facile qu'on ne pense de reconnaître la largeur des chemins. Dans les Flandres même, il y a eu des placards qui indiquaient la largeur de ces routes. Il y a eu des procès-verbaux de récolement d ans presque toutes les localités des Flandres, sinon dans toutes. A l'appui de ces procès-verbaux viendront se joindre, avec les états de classement de ces chemins dressés sous l'administration des Pays-Bas, tous les anciens règlements. Ainsi, dans la province de Liège il y a des décrets et des ordonnances qui ont déterminé quelle est la largeur des diverses communications vicinales. Dans le Hainaut il en a été de même; dans le Limbourg également, puisque la plupart des communes de cette province faisaient partie de la principauté de Liège; et je crois que dans le Luxembourg aussi la largeur des chemins est déterminée par des règlements anciens. Ainsi, lorsqu'on voudra reconnaître cette largeur, on aura des renseignements suffisants. Il ne faut pas, d'ailleurs, reculer devant les difficultés d'exécution: je crois que tous les fonctionnaires, en y mettant le zèle nécessaire, y parviendront facilement, et que nous nous créons des obstacles qui n'existeront pas. »

M. le comte de Renesse : « M. le duc d'Ursel  a soulevé une question qui déjà était douteuse hier; c'est celle de savoir si les règlements anciens portés par les états provinciaux, avaient encore la force de loi. J'ai fait quelques recherches à cet égard : je vous demanderai la permission de vous les soumettre.

» Aux termes de l'art.137 de notre constitution,  «  la loi fondamentale, du 24 août 1815, est abolie, ainsi que les statuts provinciaux et locaux. - Cependant les autorités provinciales et locales conservent leurs attributions jusqu'à ce que la loi y ait autrement pourvu. » - La question douteuse qui s'est élevée à ce sujet m'a fait faire des recherches, et je vais soumettre à l'assemblée mes observations. L'ancienne loi fondamentale, à l'article 6, dit: a Le droit de voter dans les villes et les campagnes, ainsi que l'admissibilité dans les administrations provinciales ou locales, est réglé par les statuts provinciaux et locaux. -- Art. 7. Les dispositions de ces statuts relatives au droit et à l'admissibilité mentionnés au précédent article, telles qu'elles seront en vigueur à l'expiration de la dixième année qui suivra la promulgation de la loi fondamentale, seront censées faire partie de cette loi. » - Dans le rapport fait, le 13 juillet 1815, au roi Guillaume, par la commission chargée de la révision de la loi fondamentale, on trouve l'explication des articles que je viens de citer.

Elle s'exprime ainsi: «Mais nous avons pensé qu'après un certain temps il fallait mettre un terme au désir d'améliorer, et que la fixité de ce qui était reconnu bon devrait être préférée à la vague espérance de la perfection. Nous vous proposons de regarder après dix ans comme définitives, et comme faisant partie de la loi fondamentale, les dispositions de statuts émanés de V. M., ou approuvés par elle, relatives au droit d'élire les membres des divers collèges et au droit d'y siéger, c'est-à-dire à l’exercice des droits politiques (art. 7). Ainsi on entendait par statuts provinciaux et locaux les dispositions approuvées par le roi, ou émanées de lui par rapport à l'élection des membres des divers collèges. C'étaient des droits politiques. Les attributions des états provinciaux étaient stipulées dans la loi fondamentale; l'article 145 était ainsi conçu : Les états sont chargés de l'exécution des lois relatives à la protection des différents cultes et à leur exercice extérieur, à l'instruction publique, aux administrations de bienfaisance, à l'encouragement de l'agriculture, du commerce et des manufactures, ainsi que de toutes autres lois que le roi leur adresse à cet effet. - Art. 146. Les états sont chargés de tout ce qui tient à 1administration et à l'économie intérieure de leur province. Les ordonnances et règlements que dans l'intérêt général de la province ils jugent nécessaires ou utiles, doivent, avant d'être mis à exécution, avoir reçu l'approbation du roi. »

» J'ai eu encore recours au même rapport de la commission pour savoir le sens de l'art. 146, voici ce qu'elle dit : « Chargés de tout ce qui concerne l'économie intérieure de la province, ils font sous l'approbation du roi, telles ordonnances et règlements qu'ils jugent nécessaires. » - S'ensuit-il que les états pouvaient changer des lois par des règlements ?  La négative, je vais vous la démontrer.

- L'art. 146 ne les chargeant que de l'administration et de l'économie intérieure de la province, à qui incombait-il de faire des lois? la même loi fondamentale vous le dit à son art. 70 : « Le roi présente aux états généraux les projets de lois, et leur fait telles autres propositions qu’ il juge convenables. Il sanctionne ou il rejette les propositions que lui font les états généraux. » Art. 105.

« Le pouvoir législatif est exercé concurremment par le roi et les états généraux. » Art. 119. « Les projets de lois, adoptés par le roi et les deux chambres des états généraux, deviennent lois du royaume et sont promulguées par le roi. »-Ainsi, messieurs, il fallait la sanction des trois pouvoirs législatifs pour qu'une nouvelle loi fût obligatoire.

Les états ne pouvaient donc pas changer des lois ou en créer de nouvelles. - Et certainement les lois françaises qui mettaient à charge des communes l'entretien des chemins vicinaux ne pouvaient pas être changées par des règlements provinciaux. Elles avaient donc force de loi jusqu'à ce qu'elles fussent abrogées par la législature.

Bien plus, messieurs, aux termes de l'art. 2 des articles additionnels de la loi fondamentale, toutes les lois demeuraient obligatoires, jusqu'à ce qu'il y fût autrement pourvu; et les mêmes rapporteurs de la commission de révision s'exprimaient à ce sujet, comme suit : « Elle maintient en vigueur toutes les lois qui régissent les diverses parties du royaume, jusqu'au moment où elles auront été remplacées, avec la célérité désirable, mais sans précipitation, par d'autres lois bien méditées, etc.»

(Art. additionnel 2.)

»Il est donc prouvé à l'évidence, que les états ne pouvaient faire des lois ni les changer, que leurs attributions étaient seulement l'administration et l'économie des provinces, et qu'ils devaient veiller à l'exécution des lois. (Art. 145 de la loi fondamentale.) Il s'ensuit que les états provinciaux pouvaient faire des règlements pour l'entretien des chemins vicinaux, mais conformément aux lois existantes, et c'est comme cela que les tribunaux l'ont entendu. - Les règlements des chemins vicinaux, qui étaient autrement conçus, étaient en opposition avec la loi fondamentale même. - J'ai examiné le rapport de M. Laikem, sur la question, et voici ce qu'il porte : - a La constitution abroge nécessairement les dispositions contraires, mais on a dû conserver les dispositions relatives aux attributions des autorités provinciales et locales, jusqu'à ce qu'il y eût été autrement pourvu. »

M. le ministre de l'intérieur : « L'honorable rapporteur de la commission vous a fait remarquer que la plupart des communes de notre pays possèdent les matériaux pour faire reconnaître la largeur légale des chemins vicinaux. L'honorable duc d'Ursel a demandé si les anciens règlements pouvaient servir de base à cette reconnaissance.

Je crois que ces règlements ont encore force obligatoire à l'heure qu'il est, et qu'aucune loi subséquente ne la leur a enlevée. Bien plus, la législature, dans la loi communale, a consacré cette force obligatoire; car il est dit, au numéro 12 de l'article 90, que le collège des bourgmestre et échevins est chargé « de faire entretenir les chemins vicinaux et les cours d'eau, conformément aux lois et aux règlements de l'autorité provinciale. » Ainsi la législature a donné force obligatoire aux règlements provinciaux sur les chemins vicinaux, tels qu'ils existaient à l'époque de la discussion de la loi communale; la législature s'est exprimée formellement. Toute discussion est donc superflue; le texte de la loi est fort clair et ne peut être révoqué en doute.

» Il pourra se présenter des contestations, mais c'est pour cela que les plans seront exposés pendant deux mois; les propriétaires riverains pourront faire des réclamations dans un délai de deux mois; les députations permanentes se prononceront sur ces réclamations. Si les propriétaires ne sont pas contents de la décision de la députation, leurs droits seront saufs, et ils pourront encore se pourvoir devant les tribunaux.

M. le baron de Stassart : «Ce que vient de dire M. le ministre rend en quelque sorte superflues les observations que je voulais présenter. Je dirai cependant que, outre ce que les placards, dans certaines provinces, avaient prescrit relativement à la largeur des chemins, sous le gouvernement français on avait ordonné aux sous-préfets de dresser l'état des chemins et de déterminer leur largeur.

» Dans plusieurs provinces ce travail a été fait assez imparfaitement, je dois l'avouer, mais dans d'autres il a été fait avec beaucoup de soin. On trouvera donc là de nouveaux renseignements.

Enfin arriva l'arrêté de 1820, d'après lequel les années suivantes on a établi pour chaque commune le tableau des chemins. Ce travail a été fait complètement dans la province de Brabant. Il s'agit maintenant de savoir si cet arrêté est encore obligatoire. Il n'y a aucun doute à cet égard, il est de la catégorie de ceux que la constitution a maintenus en vigueur , et la jurisprudence a confirmé cette opinion ; dans plusieurs procès les tribunaux ont décidé que, jusqu'à preuve contraire, ce qui était établi par les tableaux dressés en vertu de l'arrêté de 1820 était obligatoire. On n'a du reste rien préjugé contre les titres : il est clair que si un individu se présente avec un titre, on ne pourra lui objecter ces tableaux; mais, jusqu'à preuve contraire, les tableaux des chemins faits en vertu de l'arrêté de 1820, sont considérés comme ayant force obligatoire.

» Quant aux règlements provinciaux en ce qui concerne les dépenses d'entretien des chemins vicinaux,' c'est à tort qu'on soutiendrait leur application actuelle, comme l'a démontré l'honorable comte de Renesse; il s'agissait d'un impôt, et il fallait une loi. La loi du 4 thermidor an x reste donc entière. - Je ne pousserai pas la discussion plus loin. Je crois avoir démontré que l'arrêté de 1820 a été exécuté dans presque toutes les provinces, et qu'on y trouvera des indications utiles pour la levée des plans. Quant aux procès, il y en aura sans doute; on ne peut empêcher les gens qui ont un esprit de chicane d'intenter des procès; mais les gens raisonnables s'en garderont bien ; ils savent trop ce qu’il en coûte à plaider. »

M. le baron de Macar : a D'après les explications qui viennent d'être données, il est constant que les règlements provinciaux sur les chemins vicinaux doivent avoir pleine et entière vigueur.

Maintenant, la loi que nous faisons sera générale, et ils devront être rectifiés ou modifiés d'après ses dispositions, mais jusque-là il est certain que l'article 137 de la constitution n'a aboli aucun règlement. Il n'a aboli que ceux qui concernaient les droits politiques. J'insiste d'autant plus sur cette observation, que si, au dehors de cette enceinte on pouvait croire que les anciens règlements ont été abolis, il en résulterait de graves inconvénients que je m'abstiendrai de signaler. » (Monit. du 6 mars 1841.)

(1) a Cependant, on ne doit pas se dissimuler, tout en reconnaissant l'utilité incontestable d'un pareil travail, disait M. de Macar, à la suite du  passage de son rapport transcrit à la note 2 de la page 134, qu'il peut donner sujet à des observations. Ainsi, est-ce qu'il n'en résulterait pas des charges trop pesantes pour la plupart des communes déjà fortes restreintes dans leurs ressources!

Ainsi, ne dirait-on pas qu'il faut s'abstenir de consacrer à une autre destination qu'à la réparation matérielle des chemins eux-mêmes, une somme quelconque! Ces objections ne seraient point fondées : d'abord, la nécessité de dresser des plans ou de les réviser dans le peu de communes où il en existe, a été unanimement reconnue; c'est la disposition de l'article premier de la loi; et en effet, on ne peut rien faire de véritablement bon, sans ce préalable; il faut connaître ce qu'il y a à réparer ou à améliorer avant de mettre la main à d’œuvre. - La commission ne reviendra pas sur ce quelle a dit, quant aux avantages de faire lever ces plans, sous une direction centrale.- On comprend facilement que dans certaines communes il puisse exister des préjugés ou des intérêts particuliers qui pourraient faire un mauvais usage de la disposition de la loi, si l'on devait laisser à chaque administration locale le soin de faire dresser les plans, il vaudrait mieux ne pas l'ordonner.

» La commission se bornera à démontrer, en entrant dans quelques détails, que la dépense est réellement insignifiante pour un travail de cette importance, et qu'il serait facile de la couvrir sans imposer de charge sensible au pays. - La contenance totale du royaume est de 2,942,574 hectares.

 

» D'après les plans du cadastre, il y a, terme moyen, 2,500 mètres de communications vicinales de toute espèce, grandes et petites, sentiers, places, etc., par 100 hectares : un géomètre capable pourra faire en une journée, aussi en moyenne, les reconnaissances sur 100 hectares; à ce compte, il y aurait 29,426 journées d'arpenteur, à raison de 8 fr. la journée; cela fait pour le royaume.

 

. fr. 235,408

2° Pour la confection et la copie des plans et des pièces à l'appui.

a. A raison de 7 centimes par hectare sur la contenance entière des communes, ci pour le royaume,

, fr. 285,900

 

 

b. A. raison de 8 centimes par parcelles contiguës aux chemins, et les parcelles contiguës forment le quart de la totalité des parcelles, ou 1,590,290, ci.

111,225

317,205

3° Pour l'indemnité par jour et les

frais de voyage d un commissaire du gouvernement, calculés approximativement à 5,000 francs par an, ci pour trois ans.

 

15,000

Total général des dépenses de toute nature pour les plans généraux de délimitation des chemins vicinaux, y compris les plans d'alignement des villes.

 

fr. 567,511

 

» Cette somme, divisée par le nombre des villes et communes du royaume qui est de 2,504, donne 225 fr. par ville ou commune, terme moyen. -

Pour faire face à cette dépense deux modes se présentent : l'un consisterait à la faire supporter par les communes, à raison de l'étendue de leurs communications vicinales et des difficultés de l'opération ; mais ce mode n'a point paru convenable à votre commission, par le motif que ce serait imposer une charge trop lourde aux communes peu aisées, d'ou il pourrait résulter que la loi ne recevrait pas son entière exécution. - Il serait plus juste, et c'est ce mode que votre commission a l’honneur de vous proposer, de répartir la dépense entre les villes et communes dans la proportion de leurs ressources, au moyen d'un demi-centime additionnel par franc pendant cinq ans sur le principal des contributions directes de toute nature, ce qui, calculé sur 25,272,596 fr. (formant le principal de toutes les contributions réunies de l’année, comprise du 1er juillet 1839 au 30 juin 1840) donnerait pour cinq ans 631,815 fr.

- De cette manière on aura la garantie que cet immense travail sera entièrement achevé dans une période de très-peu d'années; et qu'ainsi notre pays sera, sous ce rapport, le plus avancé de l'Europe. - Du reste, on se convaincra aisément que cette dépense ne sera autre chose qu'une avance productive, si on considère les avantages qui en résulteront.

» Sans doute, on ne peut se dissimuler que, même un demi-centime par franc de contribution, ajouté aux autres centimes additionnels, ne soit, en dernière analyse, une augmentation de 125 à 150 mille francs environ sur le principal des contributions directes, mais seulement pendant cinq années ; et quoiqu'il soit certain que ce n'est point dans le sein du sénat que l'on entendra s'élever des voix en faveur de la majoration de dépenses superflues, il ne peut pas non plus se refuser à proposer celles nécessaires; ici l’utilité du travail dont le produit de cette légère addition est destiné à couvrir les frais ainsi que les avantages qui résulteront de son achèvement sont démontrés, et les communes y contribueront par la formation de ce fonds spécial, d'une manière, beaucoup plus insensible qu'en se trouvant forcées de supporter isolément les frais de la levée des plans sur laquelle repose l’exécution parfaite de la loi qui est soumise à vos délibérations.

» Ce demi-centime augmentera d'autant les moyens destinés à la réparation des chemins vicinaux, déjà si restreints par le projet de loi, et si, comme tous les renseignements obtenus par votre commission le font espérer, la dépense est moins élevée que celle qui est indiquée ci-dessus, l'excédant étant destiné à augmenter le fonds commun.  Affecté à l'encouragement de la voirie vicinale, il sera possible, si, contre notre attente, les circonstances l'exigeaient, de diminuer d'autant l'allocation à consentir de ce chef au budget.

» Ces considérations rendent nécessaire l'insertion d'une disposition formelle pour autoriser la perception du demi-centime destiné à former le fonds spécial dont il a été parlé; en conséquence, la commission propose d'ajouter . à la loi un article qui deviendrait le 5e et serait ainsi conçu :

« Art. 3. La dépense à résulter de l'exécution des articles qui précèdent, sera couverte par un fonds spécial qui sera mis à la disposition du gouvernement.  A cet effet il sera perçu, pendant les cinq années qui suivront celle de la promulgation de la présente loi un demi-centime additionnel par franc sur le principal de toutes les contributions directes du royaume. - .Il sera rendu compte de l'emploi de ce fonds, et l'excédant, s'il y en a, sera affecté à l'amélioration de la voirie vicinale. »

Lors de la discussion de cet article à la séance du sénat du 4 mars 1841, une question de constitutionnalité fut soulevée et longuement débattue; l'on y prétendit que l'art. 27 de la constitution, qui porte que les lois relatives aux recettes ou aux dépenses de l’état devaient être d’abord votées par la chambre des représentants, s’opposait à ce que le sénat prit l’initiative d’une mesure telle que celle présentée par la commission. A la séance du lendemain, M. le vicomte Desmanet de Biesme proposa l'amendement suivant : -« La dépense à résulter de l'exécution des articles qui précèdent sera couverte par un fonds spécial, qui sera mis à la disposition du gouvernement.

» Il sera rendu compte de l'emploi de ce fonds ; l'excédant, s'il y en a, sera affecté à l'amélioration de la voirie vicinale. »

« Messieurs, disait-il, comme vous l'aurez remarqué, mon amendement n'est que la reproduction du commencement de l'art. 3 de la commission et du dernier paragraphe du même article.

Mon but, en le présentant, est facile à saisir. Hier il s'est élevé des doutes sur la question de savoir si en présence de l'art. 27 de la constitution nous pouvions arrêter le moyen de couvrir la dépense que nous voulons faire et je vous avoue que j'ai moi même partagé ces doutes. Comme nous ignorons quelle serait, sur cette question, la manière de voir de l'autre chambre, il m'a semblé qu'on pourrait, sans rien préjuger, atteindre le but que nous avons en vue ; j'ai pensé qu'il serait peut-être plus prudent de ne pas se prononcer maintenant, et tout en laissant intacts les droits du sénat, d'attendre pour discuter à fond une question qui ne peut manquer de se représenter, une occasion plus importante que celle-ci, mon amendement rentrant d'ailleurs tout à fait dans les vues que la commission s'est proposées. »

M. le ministre de l'intérieur : « J'ai eu l'honneur de communiquer hier au sénat les doutes que je concevais sur la parfaite constitutionnalité de l'art. 3; je n'y reviendrai plus, c'est au sénat juge de sa propre compétence, à prononcer. -

Maintenant je ferai quelques observations en réponse à celles de l'honorable préopinant qui a parlé d'impôt au profit de l’Etat, comme si l'Etat devait supporter la dépense qu'occasionnent la confection des plans ordonnés par les articles 1er et 2 du projet. Messieurs, depuis la révolution l'Etat a été chargé d'une foule de dépenses qui autre fois seraient restées à la charge des communes. Si à présent il n'y a pas réaction, il y a tendance au moins à ne plus grever autant le budget de l'Etat.

Par les dispositions adoptées, il s'agit de mettre toutes les communes du royaume en possession d'un titre légal de leurs chemins vicinaux, de les mettre en possession de plans où les droits de chacun seront indiqués, plans qui serviront de titre pour les communes contre les riverains et aussi de titre pour les riverains contre les communes. C'est une conception heureuse, utile, mais utile surtout aux communes. D’après cela, il serait assez peu logique, me semble t’il, de mettre toute la dépense à la charge de l'Etat. Le gouvernement, l'État n'est pourtant pas désintéressé dans la question, il y a là une mesure d'ordre qui ne peut pas le trouver indifférent ; aussi je crois que la chambre est tombée dans un excès contraire en proposant de faire supporter par les communes la totalité de la dépense de confection des plans. J'ai que l'on ferait chose plus équitable et plus juste, en partageant la dépense, et en faisant supporter la moitié par les communes en en laissant à l’Etat le soin de pourvoir à l'autre moitié. Pour alléger le poids de cette charge, dont on ne peut, au reste, se dissimuler les bons effets pour les communes, on pourrait stipuler qu'elle serait répartie sur quatre ou cinq années, et dès lors elle devient tout à fait insignifiante. D'après les calculs très approximatifs auxquels on s'est livré, la dépense serait d'environ 225 francs par commune ; la moitié pour la commune ferait donne 113 francs, soit en la divisant comme je viens de l’indiquer, une charge annuelle de 25 à 30 fr., ce qui certes n’a rien d'effrayant. - Je dis, messieurs, que ce serait très-peu de chose pour les communes, et pour l'Etat il serait d'autant plus difficile d'exiger davantage de lui, que cette année il est porté au budget de mon département une somme de cent mille francs qui, si elle obtient, comme je l’espère votre assentiment, sera répartie en encouragements et subsides aux communes pour l’amélioration de leurs chemins vicinaux, et déjà à l'autre chambre diverses observations ont été présentées tendant pour la plupart à soutenir que l'amélioration aussi bien que l’entretien des chemins vicinaux doit être entièrement à la charge des communes. Vouloir aller plus loin, vouloir faire supporter en totalité par L’Etat une dépense qui a évidemment un intérêt très-local, s'exposer, je le craindrais du moins, à rencontrer beaucoup d'opposition.

» Si le sénat admet ces vues, il pourra inviter la commission à revoir sa proposition et à la modifier dans le sens que je viens d'indiquer, en partant  du principe que la dépense serait supportée par moitié par les communes et par l’Etat. - Messieurs, je suis ainsi amené à dire qu'il ne me semble pas que la disposition doive s'étendre davantage, et qu'il faille indiquer dans la loi le moyen par lequel la dépense sera couverte.  Je dis même que cette désignation n'est pas dans les usages  parlementaires. La loi en discussion ordonne une dépense, c'est dans la discussion du budget des voies et moyens que la législature examine de quelle manière il convient le mieux de la couvrir.

Je suppose l’amendement de la commission adopté d'après lui il devrait y avoir perception d'un demi-centime additionnel pendant cinq ans. Eh bien ! n'est-il pas vrai qu'au lieu de cette répartition, il serait possible que lors du vote du budget des voies et moyens on trouvât plus convenable de modifier la quotité de la perception extraordinaire, qu'on jugeât préférable de la faire porter sur un plus grand nombre d années ou sur un nombre plus restreint ?  de la répartir sur trois ou six années au lieu de cinq ? La législature ne peut pas se lier elle-même ; et alors que la constitution dit en termes exprès que les contributions sont votés  chaque aunée, on ne peut pas arrêter à l’avance que pendant un temps déterminé telle contribution sera perçue.»

M. le baron de Macar :  Messieurs, je viens proposer un amendement, ou plutôt un changement à l’amendement de la commission.  Ainsi que mes honorables collègues, qui viennent de prendre la parole, je craindrais, en changeant l’économie du fonds spécial, qu’il n'en résultât l'impossibilité d'atteindre le but que nous nous sommes proposé.

En effet, quelque légère que soit la charge qui devra peser sur la commune, en thèse générale, il est cependant vrai de dire que dans les communes pauvres ou peu riches en productions agricoles, et qui ont une grande étendue, relativement à celles où elles sont plus abondantes et dont l'étendue est moindre; il est vrai de dire qu'elles auront beaucoup plus de dépenses à supporter pour la confection des plans, et qu'il sera presque impossible à ces communes d'y faire face ; en effet, les dépenses étant relatives à l'étendue, là où il y aura beaucoup d'espace à parcourir, la levée des plans coûtera infiniment plus, et c'est le cas dans les cantons dont le sol est le moins fertile comme dans le Luxembourg : ce n'était donc que par la création d'un fonds particulier que nous pouvions espérer la réalisation de la levée des plans; c'est ce qui nous a fait incliner à proposer la formation de ce fonds qui n'aurait rien de commun, comme on vous l'a dit, avec le budget de l'Etat, mais qui serait tout à fait spécial à l'objet en question.

Nous n'avons, pas voulu que ce fonds fit partie du budget de l'Etat, je le répète : ce serait un fonds particulier, si je puis me servir de cette expression, qui ne servirait qu'à un seul usage , et qui n'aurait rien de commun avec la comptabilité générale de l'Etat.

 En établissant ce fonds d'une nature particulière à côté du budget de l'Etat, on voulait en assurer l'établissement, en le faisant voter pour un terme de cinq ans, tandis que les lois de finances doivent l'être tous les ans. Si ce mode n'est pas régulier, s'il présente des inconvénients, il y aurait peut-être avantage à adopter le retranchement du paragraphe de l'article qui indique le mode de recouvrement du demi-centime additionnel. »

M. le ministre des travaux publics : « Je pense, messieurs, que l'idée de la formation d'un fonds spécial est bonne en elle-même, puisqu'elle a pour but d'assurer la bonne exécution des plans; cette disposition dont le sénat a pris l'initiative doit produire les meilleurs effets. En laissant au gouvernement la haute main sur ces dispositions, il y aura garantie d'une bonne exécution, et d'autre part les fonds nécessaires à la dépense seront assurés, tout en remettant à une époque plus éloignée  à la discussion du budget, de fixer comment l'Etat pourvoira à ce qu'il devra payer. -

S'il faut laisser, en principe, à la charge des communes l'entretien des chemins vicinaux3 faut-il de même leur faire supporter la totalité de la dépense de confection des plans de ces chemins?

Nous avons cru, messieurs, que ce serrait peut-être aller trop loin; il nous a paru que l'Etat ayant un certain intérêt à voir relever la description de toutes les communications vicinales du royaume, il serait juste de ne laisser à la charge des communes que la moitié de la dépense, et que le gouvernement devrait pourvoir à l'autre moitié. Mais de quelle manière y sera-t-il pourvu? Sera-ce au moyen d'un demi-centime additionnel ?  Je crois qu'il n'est pas nécessaire d'en discuter encore; quoique la création d'un fonds spécial puisse être arriérée, il n'en doit pas moins rentrer dans le budget. C'est ainsi que la taxe des barrières, qui elle aussi forme un fonds spécial, figure au budget; elle y figure quoiqu'on en rende un compte séparé; c'est donc au budget que la question pourra se présenter, quant à l'Etat, .d'une manière plus opportune, et pour leur part les communes arriveront suivant leurs ressources.

» A l'égard de la répartition que vous proposez, on a fait une objection dont je ne veux pas diminuer la gravité : on a dit, et l'on a cité les provinces où le cas pouvait se présenter , que des communes pauvres avaient une grande étendue de communications vicinales, que pour celles-là la charge de la moitié de' la dépense serait très lourde', sinon qu'elle serait extrêmement faible, presque insignifiante, pour d'autres communes dont la population est très-agglomérée et l'étendue peu considérable. Je crois, messieurs, que ce serait là le cas de venir au secours des premières de ces communes, par un subside prélevé sur le fonds porté au budget de l'intérieur pour l'administration des chemins vicinaux; peut-être même au lieu de voir dans ces différences un motif de renoncer à notre proposition y verrai-je un motif de plus en sa faveur, parce qu'il y aura plus de facilité encore d'aider les communes pauvres; celles qui en auront les moyens supporteront en entier le quart de la dépense qui sera mise à leur charge, et l'on verra si par des subsides on ne peut réduire au tiers ou au quart la quotité de la charge des autres.

» Messieurs, l'idée que nous émettons a cet autre avantage qu'elle évite de grossir trop le budget de l’État: il est utile de s'arrêter dans le dégrèvement des communes; déjà depuis dix ans une foule de dépenses qu'elles supportaient,, ont été mises à la charge des provinces et de l'Etat, or je crois qu'il est essentiel de maintenir autant qu'on le peut la spécialité des budgets. »

(Monit. Du 11 mars 1841.)

A la séance du 6 mars l'amendement de M. Desmanet de Biesme fut renvoyé à la commission, qui fit son rapport à la séance du 10; une nouvelle discussion s'engage sur le mode dont il serait pourvu à ce fonds spécial; divers amendements furent produits, et le sénat finit par s'arrêter à celui présenté par M. Dumon-Dumortier qui est passé dans la loi. (Monit. des 11 et 21 mars 1841,)

(1) M. Verhaegen avait demandé : « Peut-on faire courir la prescription à dater du jour du dépôt du plan ou à dater du jour où l'exposition est annoncée par les publications ou affiches ?

Pour moi,. disait-il, je pense qu'il ne faut faire courir le délai de deux mois qu'à dater du jour de la publication ; car on peut ignorer le dépôt des plans, et cependant on encourrait une déchéance. »

« La proposition de M. Verhaegen, répondit M. Heptia, quoique rédigée dans une intention que j'approuve, ne me semble pas devoir atteindre le but de l'auteur ; l'honorable M. Verhaegen ferait partir le délai du jour de l'annonce du dépôt du plan, et non pas du jour de ce dépôt lui-même ; il résulte de là que si l'annonce a lieu quelques jours avant le dépôt, le délai, au lieu d'être plus long, sera raccourci.

» Il me semble que, pour rendre l'article complet, il faudrait dire d'abord que l'annonce du dépôt aura lieu d'avance, et ensuite que le délai de deux mois commencera à courir du jour du dépôt des plans. J'ajouterai que l'annonce devrait indiquer le jour où le dépôt sera fait. » (Monit. du 26 janvier 1839.)

« Je désirerais savoir, demanda M. Dubus aîné, si dans le cas où une réclamation serait présentée au conseil après le délai de deux mois et avant que le conseil ait prononcé, il serait obligé de rejeter cette réclamation, sans s'en occuper? »-«Je crois, répondit M. Heptia, rapporteur, que l'article ne prononce pas de forclusion, et que des observations peuvent être présentées aussi longtemps que la commune ne sera pas dessaisie des plans pour les soumettre à l'autorité supérieure, il n'y a pas en pareil cas de motif pour comminer une forclusion : aussi n'y a-t-il rien dans l'article qui déclare qu'une forclusion aura lieu. » (Monit. du 26 janvier 1839.)

(1) Cet alinéa fut adopté sur la proposition de M. de Theux, qui disait pour l'appuyer : « Je propose de faire une distinction entre les réclamations des propriétaires dont les parcelles doivent être restituées ou incorporées au chemin, et les réclamations faites des autres chefs qui font l'objet de mon amendement. - Je ferai en outre remarquer que le délai est différent pour l'une et l'autre catégorie de réclamations. Pour la réclamation qui a sa source dans l'art. 4 du projet, le délai court à partir du jour de l'avertissement donné par les autorités locales aux propriétaires dont les parcelles doivent être restituées ou incorporées au chemin, tandis que pour les réclamations de la seconde catégorie, le délai court à partir du jour du dépôt du plan. »

« On a pensé, ajoutait M. Lebeau, que l'avertissement donné aux propriétaires serait la règle, mais évidemment ce sera l'exception ; car bien qu'il y ait un certain nombre de communes où il y a des emprises, ces emprises sont trop anciennes ou trop peu nombreuses pour que l'administration ait le pouvoir de les faire disparaître, ou elles ne peuvent plus être constatées, ce qui est le cas le plus général pour ces communes. Dans d'autres communes, il n'existe pas d'emprises du tout. Je n'hésite donc pas à dire que généralement il n'y aura pas d'avertissement dans les communes, et que dès lors l'amendement de M. le ministre de l'intérieur me paraît indispensable. » (Monit. Du 25 février 1840.)

(2) « La troisième section avait proposé la suppression de la dernière partie de cet article, qui prescrit l'insertion de l'annonce du dépôt du plan dans un journal de la province, cette insertion lui ayant paru inutile pour la grande majorité des communes où les journaux ne sont pas lus. -

La section centrale ne s'est pas ralliée à cette proposition, et a adopté l'article en entier. Elle a pensé que, dans la plupart des cas, l'insertion dans un journal serait utile, même quand le journal ne serait pas lu dans la commune : cette insertion pourra alors être utile pour avertir les propriétaires forains et les habitants des communes voisines. » (Rapport de la section centrale.)

(3) « Il me semble, disait M. de Muelenaere, que l'insertion dans un journal a pour but de parvenir les propriétaires intéressés. Je pense qu'il vaudrait mieux dire que l'insertion aura lieu dans un journal de l'arrondissement, et, à défaut, dans un journal de la province. Car c'est surtout dans l'arrondissement qu'on a intérêt à savoir que les plans sont exposés au secrétariat de la commune.

Je voudrais donc que l'insertion eût lieu dans un journal de l'arrondissement plutôt que dans un journal du chef-lieu. » (Séance du 24 janvier 1839. - Monit. du 25.)

(4) M. Rogier : « Messieurs, je dois renouveler l'observation que j'ai faite lors de la première discussion; je demandais la suppression des mots : s'il en existe. Le doute qu'on formule n'a pas de cause, puisqu'il existe des journaux dans chacune de nos provinces. Je disais que c'était en quelque sorte donner une fâcheuse idée de l'état intellectuel du pays que de supposer qu'il n'existerait pas de journaux dans l'une ou l'autre de nos provinces. Je voudrais qu'on supprimât ces mots. »

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « Messieurs, je dois faire remarquer que l'exécution de cet article peut donner lieu à un recours en justice ; si la loi prescrit impérativement l'insertion dans un journal de la province et de l'arrondissement, et que cette insertion ne puisse être faite, faute d'un journal, on élèvera, devant les tribunaux, la question de savoir si l'on peut donner suite à l'expropriation qui doit avoir lieu par suite des formalités indiquées à l'art. 3.

Je ferai remarquer, d'ailleurs, que rien ne prouve qu'une province ne pourra pas se trouver momentanément sans journal. Nous en avons vu un exemple. Le Limbourg a été, pendant quelque temps, sans journal; cette province en possède un maintenant; mais ne peut-il pas arriver des circonstances qui en suspendent la publication, au moins temporairement? Il n'y a donc aucun inconvénient à conserver les mots : s'il en existe. »

(5) « Lorsque la section centrale, a dit M. Fallon, a voulu que les propriétaires fussent avertis avant le jour du dépôt des plans, c'était parce que, d'après le projet, le délai pendant lequel ils peuvent réclamer commençait à courir depuis le jour où les plans ont été déposés. Si l'on veut maintenant que le délai commence du jour de l'avertissement donné aux propriétaires, le motif que je viens d indiquer n'existe plus, et alors rien ne s'oppose, me semble-t-il, à ce que l'on se borne à dire que les propriétaires seront avertis du jour du dépôt des plans. Il suffirait alors de dire, dans l'art. 5, seront avertis du jour du dépôt du plan, etc. »

M. de Muelenaere : « J'avais présenté la même observation dans la séance d'hier, et j'avais cru que c'était un défaut de rédaction. Mais l'honorable rapporteur de la section centrale m'a fait observer qu'il y avait deux communications à faire; qu'une notification devait être faite avant le jour du dépôt du plan, afin de donner aux parties intéressées la faculté de venir prendre inspection du travail des administrations communales, avant que le dépôt fût réellement effectué. Ensuite, d'après les observations, de l’honorable rapporteur, il entrait, a-t-il dit, dans les intentions de la section centrale, qu'une deuxième communication fût faite aux propriétaires intéressés, pour les prévenir du jour du dépôt, afin que les administrations communales qui n'auraient pas admis à l’amiable les observations que ces propriétaires leur auraient présentées avant le dépôt, fussent obligées de prononcer officiellement sur ces observations.-Si je ne me trompe, c'est ainsi que l'honorable rapporteur s'est exprimé hier. Je crois, en effet, que ce double avertissement peut avoir un assez haut degré d'utilité; il peut être important pour les parties intéressées et même pour les administrations que les parties communiquent leurs observations officieuses, avant qu'on âcrete définitivement le plan, pour ne pas être obligées de se prononcer d'une manière officielle sur la masse des contestations qui surgiraient, si les parties n'avaient été averties que du jour du dépôt.

» Effectivement, répondit le rapporteur, j'ai dit que, dans la pensée de la section centrale, les propriétaires sur le terrain desquels on devait faire des emprises, devaient, outre l'information ordinaire qu'on adresse à tous les individus, recevoir l'avis particulier qu'on se proposait de leur faire restituer des parties de terrain qu'on prétendait qu'ils avaient usurpées. Maintenant, il s'agit de savoir si l’on veut supprimer l’une ou l’autre de ces deux garanties. »

M. Lebeau : « J'ai retiré mon amendement, lorsque j'ai entendu la lecture de celui de M. Fallon. Cependant il y a une différence. Je maintenais l’avis à donner, avant le dépôt du plan, aux propriétaires sur le terrain desquels une emprise doit être faite ; l'amendement de M. Fallon le supprime; mais en supprimant cette formalité, il faut la remplacer par quelque chose.

Je crois qu'il est nécessaire que le propriétaire soit averti d'une manière spéciale du jour du dépôt du plan; car si l'avis est général, il n'y attachera peut-être pas assez d'importance pour faire les démarches nécessaires à l’effet de justifier ses prétentions contraires à celles de la commune. Je crois donc que si l'on maintient l'amendement de M. Fallon, il faut rédiger le § 2 de l'article comme suit : « L'avertissement contiendra la désignation des parcelles et sera donné sans frais, etc. » e Il est bien entendu, disait M. de Muelenaere, qu'on ne devra pas donner à chaque propriétaire la désignation de toutes les parcelles qui devraient être incorporées au chemin, mais seulement à chaque propriétaire la désignation des parcelles qui le concernent. » (Monit. du 26 janvier 1839.)

(1) Voyez la note précédente.

(2) « Il me semble, disait M. Cools, qu'il y a une lacune dans le second paragraphe. Cette lacune existerait en ce qui concerne les propriétaires n'habitant pas la commune. Tout est prévu pour les propriétaires qui habitent la commune ; mais pour ceux qui ne l'habitent pas, voici ce qu'on dit : « Dans le cas contraire, l'avertissement sera adressé par la voie de la poste aux lettres si leur résidence est connue; il sera en outre affiché deux fois à huit jours d'intervalle suivant le mode usité. » - L'affiche sera ordinairement sans objet pour ceux qui n'habitent pas la commune. Quant à la notification par la poste aux lettres, elle a été admise par économie. Mais on n'a aucune garantie que l'avertissement sera arrivé à l'intéressé. Il importe cependant qu'on ait cette garantie; la poste aux lettres ne tient pas note des lettres qu'elle transporte. Le propriétaire qui aura intérêt à contester les prétentions de la commune pourra toujours opposer qu'il n'a reçu aucun avertissement. S'il est entendu que les lettres seront chargées, on aura toute garantie ; cependant il me semble qu'il serait bon de le dire : en conséquence je proposerai d'ajouter les mots, au moyen de lettres chargées. Quand la lettre est chargée on n'en tient pas seulement note au bureau d’expédition, mais encore au bureau d'arrivée. Celui qui reçoit la lettre chargée doit en donner un reçu. »

« Je crois, répondit M. Lebeau, qu'en adoptant cet amendement on exposerait les communes à des frais assez considérables. Il me semble qu'on se préoccupe trop de la crainte que le propriétaire n habitant pas la commune ne soit pas suffisamment averti. Il le sera par le vote de la loi, et par les règlements provinciaux. Il a ensuite un métayer ou un locataire qui pourra l'avertir. Je le répète, c'est pousser trop loin la prévoyance, et charger les communes de frais qui peuvent être considérables. »

La proposition de M. Cools fut rejetée. (Monit. du 25 février 1840.)

Mais la commission du sénat la reproduisit en ajoutant à l'article ces mots, et charge d'office. M. de Macar disait dans son rapport : «Nous proposons seulement à l'article 5 nouveau d'ajouter que l'avertissement à donner, par la poste, au propriétaire, dans le cas de restitution ou d'incorporation de quelque parcelle de son terrain à réclamer, soit charge d'office; de cette manière, les administrations communales pourront produire la preuve qu'elles se sont conformées à la prescription de la loi, et le propriétaire aura la certitude que cet avertissement lui parviendra. »

«En faisant cette addition, ajoutait M. de Macar à la séance du 5, nous avons cru faire droit aux différentes observations présentées dans la chambre des représentants, sur la nécessité de donner aux propriétaires la garantie qu'ils seront suffisamment avertis. En mettant à charge de l'Etat les frais à résulter des ports de lettres, nous avons cru que les communes n'en éprouveraient aucune surcharge de dépenses. » (Monit, du 6 mars 1841, 2e supplément.)

(1) Voy. la note 2, p. '146.

(2) « La section centrale a pensé qu'il convenait de porter à deux mois le délai dans lequel le conseil communal devra statuer sur les réclamations qui pourront être faites contre les plans : ces réclamations peuvent être nombreuses et présenter des difficultés sérieuses; il peut être nécessaire, pour les décider, de faire une instruction sur les lieux, de rechercher des pièces : en pareil cas, le délai d'un mois était évidemment trop court. La oe section a aussi proposé que, soit qu'elle ait été attaquée par appel ou qu'elle ne l'ait pas été, la décision du conseil municipal soit envoyée à la députation du conseil provincial chargée d'arrêter définitivement les plans; cette mesure aurait pour but d'attirer plus particulièrement son attention sur les plans qui auraient été l'objet de réclamations; par ce moyen, les députations seraient mises à même de les soumettre à une révision, même dans le cas où la décision du conseil municipal n'est pas attaquée. -- La même section a proposé de laisser la décision du conseil municipal à l'aspection du public pendant tout le délai d'appel, et de donner le droit d'appel à tout citoyen habitant ou non la commune.

».La section centrale, sans se prononcer sur le mérite de ces propositions, les a regardées comme réglementaires; les conseils provinciaux pourront leur donner place dans les règlements qu'ils seront appelés à faire. » (Rapport de la section centrale.)

La question du délai fut également soulevée au sénat.

«On ne considérera point le délai de deux mois, disait M. le baron de Stassart, comme absolument fatal, mais ce sera la règle générale, et on n'admettra l'exception que dans le cas où les intéressés prouveront qu'il leur était impossible de se présenter à temps. Vouloir étendre les délais serait entraver l'exécution des mesures prescrites par la loi. »

M. le baron de Macar : « Messieurs, l'art. 5 porte que les propriétaires pourront réclamer pendant un délai de deux mois à partir du jour de l'avertissement; or cet avertissement le propriétaire ne peut manquer d'en avoir connaissance, puisque, par une précaution ajoutée par votre commission et que vous venez de sanctionner, il lui sera transmis par lettre chargée à la poste s'il n'habite pas la commune. Le propriétaire aura, à partir de ce moment, un délai de deux mois qui viendront s'ajouter aux deux mois pendant lesquels les plans seront exposés, et après qu'il aura formé sa déclaration il aura encore un certain temps à sa disposition pour faire valoir ses droits, car bien certainement le conseil communal ne statuera pas de suite. Vous voyez, messieurs, que par la force des choses les délais excéderont de beaucoup deux mois. »

M. le ministre de l'intérieur : « Je voulais faire à peu près la même observation que l'honorable baron de Macar ; j'ajouterai que si l'on veut relire attentivement les articles 5 et 4, on conviendra qu'il serait difficile de donner plus de garanties que les droits d'aucun propriétaire ne seront lésés.

» Messieurs, l'on reconnaît qu'il est nécessaire de fixer un délai, et en effet, si un terme n'était pas arrêté, il en pourrait résulter que jamais les opérations ne finiraient, que six, huit ou dix ans après des réclamations surgiraient. Maintenant, en fixant ces délais, il faut se demander s'ils sont suffisants, quoiqu'il n'y ait pas de surprise, pour que chacun ait le temps de produire ses titres ; à cet égard, les dispositions du projet ne me paraissent laisser rien à désirer ; les plans sont publiés, exposés pendant deux mois ; les propriétaires seront avertis da dépôt; si après examen ils pensent avoir quelques réclamations à faire, ils auront deux mois pour réclamer ; le conseil communal statuera sur ces réclamations, et si le propriétaire se croit lésé par la décision qui interviendra de la part du conseil, l'article suivant lui ouvre un recours devant la députation permanente du conseil provincial, chargée d'arrêter définitivement les plans et qui ne manquerait pas de redresser les décisions communales, lorsqu'il leur sera démontré que celles-ci seront mal fondées; ou qu'il y aura des motifs d'admettre encore des réclamations que des causes involontaires, la difficulté de se procurer des pièces et autres choses, auront empêché de formuler plus tòt. »

M. le comte Duval de Beaulieu : « Certainement les explications de M. le ministre sont parfaitement satisfaisantes, mais cependant elles me semblent reposer sur un principe que je n'aperçois pas très clairement dans la loi. Si un propriétaire se présente devant un bourgmestre pour élever une réclamation plus de deux mois après que l'avertissement du dépôt des plans lui aura été adressé, et que le bourgmestre le renvoie en s'appuyant sur ce que les délais seront expirés, je ne sais trop ce qu'on pourra objecter au bourgmestre. Il me semble que, s'il y a un délai dans lequel les réclamations doivent être formées, c'est pour qu'on n'en admette plus après l'expiration de ce délai; ceci n'est-il pas positif? S'il y avait autre chose dans la loi j'en serais charmé; si l’on pense que ce délai de deux mois peut être éludé, je n'ai plus rien à dire; mais si cela ne résulte que d'une disposition formelle que je ne connais pas , je dis que le bourgmestre sera dans son droit en repoussant les réclamations. »

M. le ministre de l'intérieur : « L'honorable préopinant veut bien admettre qu'il faut fixer un délai ; ceci posé qu'arrivera-t-il encore si un propriétaire se présente après l'expiration de ce délai ? Même dans se cas il faudrait statuer sur sa réclamation, ne fût-ce que pour leur signifier qu'il est trop tard pour le recevoir. Eh bien! Si ce propriétaire a eu des motifs fondés de retard, s'il ne s'est pas présenté plus tôt par suite de l'impossibilité où il était de réunir les titres dont il voulait appuyer sa réclamation, il se pourvoira devant la députation permanente du conseil provincial contre la décision de l’administration communale.

Au, surplus, messieurs, je ferai une dernière observation, c'est qu'en tout ce qui touche aux questions de propriété le recours aux tribunaux reste entier. »

M. le baron Dellafaille proposa l’amendement suivant : « Le conseil communal est tenu de porter ses décisions à la connaissance des commissaires de l'arrondissement endéans les quinze jours, à partir de celui de la date. » Messieurs, disait-il pour l'appuyer, les motifs de mon amendement sont bien simples; le but principal que j'ai en vue en le présentant, est de donner une garantie aux établissements  de bienfaisance qui doivent toujours trouver un protecteur naturel. un défenseur de leurs intérêts dans le commissaire d'arrondissement. J'y vois ensuite une mesure d'ordre, en ce qu'il me parait d'une bonne administration que rien de ce qui se passe dans le sein des conseils communaux n'échappe à la connaissance des commissaires de l'arrondissement. »

« L'honorable baron Dellafaille, répondit monsieur Liedts , ministre de l’intérieur, est préoccupé des moyens de défendre les intérêts des établissements de bienfaisance; mais vous remarquerez, messieurs, que les administrations de tous les établissements publics ne sont pas exclues des dispositions générales de la loi; les avertissements ordonnés par l'art. 5 leur seront transmis.

Si un établissement quelconque est propriétaire d'une parcelle de terrain, qui devra être emprise pour un chemin vicinal, on suivra à son égard les règles tracées pour tous les autres propriétaires.

L'administration de cet établissement sera prévenue, elle sera mise en demeure de faire valoir ses droits, et il n'est pas permis de douter qu'elle le fera avec le zèle qui distingue si éminemment les administrations. - N'oublions pas ensuite, messieurs, que chaque fois que nous faisons une loi dont l'exécution doit en partie être remise aux communes, nous devons la simplifier le plus possible, nous devons nous abstenir de la compliquer de formalités qui n'auraient pas un but évident d'utilité, et je n'en vois pas un très-marqué dans la proposition de l'honorable préopinant. Il est à observer en outre que les plans devant être communiqués au gouvernement, ils doivent passer tout naturellement par les mains des commissaires d'arrondissement, son intermédiaire auprès des communes, mais néanmoins je ne m'opposerai pas, comme je l'ai dit en commençant , au renvoi à la commission. »

M. le baron Dellafaille : « J'aurai l'honneur de faire remarquer à M. le ministre de l'intérieur que la communication générale qui doit être faite aux commissaires d'arrondissement pour la transmission des plans, ne répond pas tout à fait au but de mon amendement. En recevant ces plans, ces fonctionnaires ne pourront y porter qu'une attention très-superficielle, tandis que je voudrais qu'ils fussent informés d'une manière spéciale de toutes les réclamations qui seraient élevées et de toutes les décisions intervenues sur ces réclamations. »

M. le baron de Macar : « Au premier moment il m'avait semblé que l'amendement aurait pour résultat de donner un moyen de parer à la négligence possible de quelques administrations de bienfaisance, mais en l'examinant mieux, je ne sais si elle n'aurait pas plutôt pour effet de pousser à la négligence, en ce sens qu'on se reposerait les uns sur les autres ; les commissaires de district se diraient peut-être que les administrations de bienfaisance sauront bien défendre leurs intérêts, et je craindrais que d'un autre côté celles-ci ne se dissent qu'elles peuvent être tranquilles, le commissaire de district étant là pour les prévenir, s'il se passait quelque chose de contraire à ses intérêts. Par ces motifs, je crois, en définitive, que l'amendement serait peu utile. » L'amendement a été retiré. (Séance du 4 mars 1841. Monit. du 6.)

(1) «. Les mots conformément d l'art. 5, disait M'. Heptia, n'ont pas rapport aux lieux où la signification doit être faite mais au mode à suivre pour faire la notification, c'est-à-dire que la notification sera faite par le garde champêtre , mais nullement qu'elle ne peut être faite au domicile élu. »

- Voyez la note suivante.

(2) « L'élection de domicile, disait M. Dubus aîné, n'est pas dans l'intérêt de la commune, mais dans l'intérêt des réclamants domiciliés hors de la commune. En effet la commune n'y a aucun intérêt, puisque d'après l'art. 5, la signification, dans tous les cas, a lieu dans la commune. Si la partie intéressée a son domicile réel dans la commune, la signification a lieu à ce domicile; dans tout autre cas, elle est faite par la voie de la poste.

Mais il est peut-être intéressant pour un propriétaire éloigné d'avoir la faculté de faire une élection de domicile dans la commune et d'avoir la garantie que la signification sera faite à ce domicile, afin que son mandataire puisse veiller à ses intérêts. Si au contraire la signification a lieu par la poste, la lettre peut ne pas parvenir en temps utile, ou même ne pas parvenir du tout à la partie intéressée. - Puisque l'élection de domicile n'est que dans l'intérêt du propriétaire éloigné, il me semble que ce doit être pour lui une faculté et non pas une obligation.-Je propose donc un amendement ayant pour objet de retrancher dans le§1er de l'art. 7 les mots « elles contiennent élection de domicile dans la commune,» et de rédiger ainsi le dernier §: «Sa décision sera notifiée conformément à 1%rt. 4. » Si la réclamation contient élection de domicile dans la commune, la décision sera notifiée à ce domicile. »

Cet amendement n'a pas été adopté, mais la chambre a admis celui proposé par M. de Muelenaere, qui forme les deux derniers §§ de l'article.

« La seule différence, disait-il, qu'il y a entre mon amendement et celui de Honorable M. Dubus, c'est que je maintiens l'élection de domicile dans la commune : je crois que cela peut présenter des avantages. Je crois que le propriétaire, averti par la signification soit au domicile récl, soit au fondé de pouvoirs qu'il aura dans la commune, et qui lui fera parvenir la décision du conseil, aura tout le temps de réclamer auprès de la députation provinciale, s'il le juge convenable. » (Séance du 25 janvier 1839.- Monit. du 26.)

M. Liedts : « de demanderai, quoique cela semble résulter de l'article, s'il n'est pas nécessaire que les notifications soient faites par acte extrajudiciaire, par ministère d'huissier, et si le conseil municipal statue sur lettres missives. »

-M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « Il suffit d'une réclamation par voie administrative. »

M. de Langhe : « Je demande si l'élection de domicile est facultative ou nécessaire. »

M. Dubus aîné : « J'avais pensé que l'élection de domicile était plus dans l'intérêt du réclamant que de la commune, afin qu'il eût un mandataire dans la commune même qui l'informât d'une décision qui l’intéresse beaucoup. Sous ce rapport j'avais même proposé une rédaction qui rendait facultative l'élection de domicile. Cet amendement a été rejeté. On a fait observer que l'élection de domicile était bien dans l'intérêt du réclamant, mais qu'elle était aussi dans l'intérêt de la commune. Mon intention n'est pas de renouveler cette discussion. » (Séance du 6 fév. 1840. - Moniteur du 7.)

(1) « La 2me section a proposé de porter à deux mois le délai accordé pour interjeter appel de la décision du conseil municipal; la section centrale s'est ralliée à cette proposition. Le délai d'un mois a paru trop court dans une matière aussi importante et qui peut susciter des difficultés extrêmement graves. n (Rapp. de la section centrale.)

« La 5me section a demandé s'il ne convenait pas de rappeler dans cet article que les contestations sur des questions de propriété seront soumises aux tribunaux civils; la section centrale a pensé que Part. 11 du projet le disait suffisamment, sans avoir besoin d'être répété ici. » (Rapport de la section centrale.)

L'article a été adopté sans discussion.

(2) « Outre les motifs donnés aux articles précédents pour augmenter les délais accordés pour les décisions des conseils communaux et pour rappel de ces décisions, il y en a ici un très-puissant, qui est le grand nombre de décisions que les députations auront à rendre et l’impossibilité absolue de le faire dans un délai aussi court que celui d'un mois. » (Rapport de la section centrale.)

Adopté sans discussion.

(5) « Cet article n'est que la reproduction de l’article 77, no 6, de la loi communale, qui statue que la reconnaissance et l’ouverture des chemins vicinaux doivent être soumises à l’approbation des conseils provinciaux. De tout temps on a reconnu que la surveillance et la police des chemins vicinaux ne pouvaient être abandonnées aux conseils communaux sans être contrôlées par une autorité supérieure. Autrefois ce contrôle était exercé avec un pouvoir presque illimité, par les officiers des seigneurs; plus tard il le fut par le préfet et les autorités départementales inférieures, et en dernier lieu nous avons eu les commissaires voyers et les autorités provinciales. Toujours on a senti le besoin de faire surveiller les communes; et aujourd'hui autant que jamais il est nécessaire d'avoir un pouvoir qui veille à ce qu'elles exécutent les obligations que la loi leur impose, si on désire avoir un bon système de communication et des chemins vicinaux bien entretenus. » (Rapport de la section centrale.)

(4) « Le paragraphe de cet article a été critiqué par la 3me section. Les termes ne lui en ont pas paru clairs, en ce qu'ils semblent autoriser à remettre successivement en discussion des contestations qui auraient été décidées en dernier ressort par la députation du conseil provincial. Si tel est le sens de l'article, il est inadmissible, dit la section, parce qu'il est d'intérêt publie que les contestations aient un terme, et qu'on ne puisse evenir sur une décision souveraine, sous prétexte d'erreur ou de mal jugé, une semblable décision devant être irrévocable. - Cependant la section reconnaît que le projet est susceptible d'une autre signification, à savoir : que les plans, c'est-à-dire, la direction, la largeur et l'alignement des chemins pourront toujours être modifiés si, à l'avenir, l'utilité, la convenance ou la nécessité de pareilles modifications venaient à exister et à être démontrées, et cela malgré qu'ils eussent été précédemment approuvés définitivement par la députation du conseil provincial. La section approuverait l'article entendu en ce sens. – La section centrale a cru que le projet ne pouvait être interprété autrement : cette signification lui a paru la seule admissible, puisque sans cela il y aurait contradiction entre les deux paragraphes de l'article, le 1er § disant que les plans seront arrêtés définitivement, tandis que le 2me § permettrait d'y revenir et de les remettre en discussion. » (Rapport de la section centrale.)

L'article a été adopté sans discussion.

(1) « Cet article n'est que l'application du principe que les questions de propriété sont du ressort des tribunaux civils : il n'a donné lieu à aucune observation. » (Rapport de la section centrale.)

« Je crois, dit M. Dubus aîné, que le 1er § de cet article donne lieu à une observation fort importante; comme une section l'a fait remarquer, les articles précédents instituent une procédure administrative ; ils déterminent quelle est l'autorité qui décide, mais ils ne déterminent pas quelles sont les questions que cette autorité peut décider ; il pourrait se faire que des questions de propriété, par exemple, fussent soulevées, et certes  ceIIes -là ne peuvent pas être décidées administrativement; la constitution s'y oppose formellement. – La section centrale pense, il est vrai, que le paragraphe suivant (relatif aux instances) fait droit à cette observation; mais il me semble que ce paragraphe laisse beaucoup à désirer. Les droits des tiers sont réservés, mais le réclamant n'est pas un tiers ; et si le réclamant soulève une question de propriété, la députation pourrait, d'après le projet, passer outre : il fallait donc réserver autre chose que les droits des tiers, il fallait dire quelles sont les questions sur lesquelles l'autorité administrative pourra prononcer.- Les seules questions, selon moi, qui soient du ressort de l'autorité administrative, ce sont les questions administratives, les questions de vicinalité, les questions d'utilité du chemin; lorsque l'administration décide que le chemin aura telle largeur , par exemple, elle ne décide pas pour cela que les parcelles de terrain qui doivent être incorporées au chemin appartiennent à la commune, et les propriétaires restent entiers dans leurs droits devant les tribunaux, o

« L'observation que vient de faire l'honorable M. Dubus, disait M. Fallon, a occupé très-sérieusement la section centrale, et elle a cru que la rédaction de l'article qui nous occupe y fait pleinement droit : il est bien entendu que la députation ne pourra décider que des questions administratives. La députation, avons-nous pensé, ne statue que dans l'intérêt des communes, et en réservant les droits des tiers, nous avons voulu réserver, sans exception, tous les droits autres que ceux des communes.

». Je voulais vous faire observer, ajoutait le rapporteur, que l'article tel qu'il a été présenté par le gouvernement, avec l'explication contenue dans l'exposé des motifs, ne pourrait donner lieu à aucune difficulté : si cependant les mots « sans préjudice aux droits des tiers » ne paraissent pas présenter un sens assez clair, on pourrait peut-être remplacer les mots des tiers par ceux-ci , de propriété ; il est possible que de cette manière on fasse disparaître tout doute. »

M, Fallon : « Je crois que la section centrale a voulu réserver plus que les droits de propriété; elle a voulu réserver, par exemple, les droits de concession, les droits d'usage, en un mot, tous les droits sur lesquels il n'appartient qu'aux tribunaux de statuer. »

« Je pense réellement, disait M. le ministre de Theux, qu'il ne peut y avoir aucun doute sur le sens de l'article qui nous occupe : les huit premiers articles du projet ont pour objet d'établir de simples formalités administratives, pour arriver à la connaissance de la largeur que les chemins doivent avoir, et à la désignation des propriétés qu'il y aura lieu d'exproprier. Maintenant l'article 4 détermine la marche à suivre lorsqu'il faut en venir à décider des questions d'expropriation : il est évident que le mot tiers comprend les propriétaires, qu'ils aient ou non réclamé contre les mesures administratives proposées; car il est évident que si un propriétaire n'a pas cru devoir s'opposer à ce que le chemin fût élargi, il n'est pas pour cela empêché de faire valoir son droit de propriété et de réclamer l'indemnité. »

(2) Ce paragraphe fut adopté sur la proposition de M. de Theux, ministre de l'intérieur et des affaires étrangères, qui s'exprimait ainsi : « C'est un doute qui sera levé par cette addition. Mais il est bien entendu que, pour que cette ordonnance puisse servir de titre, il faut que la possession et les autres conditions exigées pour la possession par le Code civil y soient jointes. J'ai voulu uniquement lever le doute sur la question de savoir si l'ordonnance de la députation provinciale forme un titre pour obtenir la prescription. - Comme le Code civil est interprété par la plupart des auteurs en ce sens qu'une commune ne peut acquérir une servitude de passage par prescription, on a pensé que les communes pouvaient être exposées dans un siècle ou deux à se voir contester la jouissance de tous leurs droits de servitude, bien qu'ils fussent portés sur les plans. C'est ce que j'ai voulu éviter par mon amendement. »

M. Verhaegen : « Je ne vois aucun inconvénient à admettre une prescription de dix et vingt ans, alors qu'il y a un véritable titre. Mais l'admettre dans l'espèce serait chose fort dangereuse. D'après la manière dont les articles précédents ont été adoptés, quel sera donc le titre qui servira de base à la prescription? Ce sera le tableau dressé aux termes des articles que nous venons de voter.

Mais lorsque le propriétaire n'habitera pas la commune, quelle connaissance aura-t-il de ce tableau?

On dit qu'il en aura connaissance par son métayer, par son fermier. Mais il peut arriver qu'il y ait négligence de la part du fermier. Comme vous avez décidé qu'il n'y aurait pas de lettre chargée, vous n'aurez pas de garantie que la lettre parvienne aux propriétaires qui n'habitent pas la commune ; or, la plupart des propriétaires, et surtout les grands propriétaires, seront dans ce cas. On se trompe quand on pense qu'ils ont tous dans la commune un métayer ou fermier qui les préviendra. Ainsi qui préviendra les propriétaires de bois et de prairies? - Faites attention, messieurs, qu'il s'agit de trancher une question de propriété. On veut admettre comme titre de propriété une pièce à laquelle aucune loi n'a jamais reconnu ce caractère - Pour qu'un titre puisse être opposé à quelqu'un, pour prescrire contre lui, il faut qu'il y ait concouru. Or, il n'en est pas ainsi dans le cas qui nous occupe. - On dira que le propriétaire sera censé connaitre les plans. Pour moi, c'est ce que je ne peux admettre. »

M. le ministre de la justice : « Déjà les motifs d'introduire la proposition présentée par M. le ministre de l'intérieur vous ont été exposés. Mais un honorable préopinant vient de dire que, pour que la prescription puisse avoir lieu , il faut que celui contre qui on prescrit ait concouru au titre. Messieurs, je crois qu'aux termes du Code civil et même de la législation qui a précédé, il y a ici une erreur; et, en effet, quand la prescription peut-elle avoir lieu? C’est quand on achète de celui qui n'est pas propriétaire; quand on achète de celui qui est propriétaire, la prescription est inutile; il y a transmission de la propriété. Il se trouve que le possesseur actuel d'un immeuble n'en est pas le propriétaire ; il vend cet immeuble à un tiers de bonne foi, et ce tiers acquiert la propriété par la prescription de 10 ans entre présents et de 20 ans entre absents. Ainsi ce motif ne peut être opposé, en aucune manière, à la proposition de M. le ministre de l'intérieur.

» Par suite de ce que le titre qui sert de base à la prescription de dix ou vingt ans ne doit pas émaner du véritable propriétaire , nous avons à examiner si, dans le cas qui nous occupe, le plan général peut être envisagé comme un titre pour la commune à l'effet de servir de base à la prescription de dix ou vingt ans selon la présence ou l'absence du propriétaire. Le plan général de la commune désigne tel chemin vicinal ; il regarde le chemin comme appartenant à la commune; et ce plan ou ce titre reçoit plus de publicité que les titres qui existent dans les cas ordinaires ; il peut donc servir à la commune, si elle est en possession depuis dix ou vingt ans, sans réclamation de la part du propriétaire. - Maintenant le propriétaire, que pourrait-il venir prétendre? Il pourrait soutenir que le chemin tel qu'il est indiqué dans le plan forme en tout ou en partie sa propriété. Le cas qui arrivera le plus ordinairement sera celui où il y aura doute sur le point de savoir si telle portion de terrain comprise dans le chemin en faisait partie, ou si cette portion .de terrain appartenait au riverain ; et le propriétaire pourra toujours réclamer en temps utile. D'abord les plans sont publics; en second lieu, il n'est père à craindre que les lettres ne parviennent pas à leur adresse ou que les propriétaires ne soient pas avertis. Ils ont des personnes sur les lieux; il y a des affiches et des avertissements; et, du reste. je crois que les autorités communales rempliront leurs devoirs. - Ce serait un cas très-rare, celui ou les avertissements ne parviendraient pas: on fait les lois pour les cas ordinaires, et on n'en fait pas pour les cas exceptionnels; car sans cela on ne pourrait porter aucune loi. – Dans cette situation on peut regarder le plan comme un titre propre à établir la prescription de 10 ou de 20 ans. Non-seulement il faudra ce titre, il faudra encore bonne foi de la part de l'autorité communale, il faudra en outre une possession; or, la possession est un fait patent. Si même il arrivait par extraordinaire que le propriétaire étranger à la commune n'eût pas reçu l'avertissement, au moins la possession paisible, continuée pendant 10 ou 20 ans ne peut, dans les cas ordinaires, échapper à sa connaissance. Je crois donc que l'on peut introduire la disposition qui établit la prescription par 10 ou 20 ans- Plus on s'éloignera de la date du plan et plus sera douteuse la question de savoir si telle parcelle appartient à la commune ou au riverain ; par la disposition proposée on atteindra le but que se propose toute bonne loi, qui est d'empêcher, autant que possible, les procès. »

M. Verhaegen : « Je ne puis considérer comme sérieuse la réponse du ministre de la justice. J'ai dit et je maintiens que , peur qu'il y ait un titre , il faut le concours de deux personnes. Si la personne qui veut prescrire peut , à elle seule, faire le titre , le fait seul de l'occupation suffit ; si le titre ne doit émaner que de la personne dont émane le fait de la possession, ne parlez plus de titre, il est une superfétation. Le tableau ou le plan de la commune, qu'est-ce qu'il est? Il est un fait de l'administration communale ; si vous considérez cela comme titre, eh bien, ce sera la commune qui se sera fait un titre. Nul ne peut créer un titre pour lui-même. On déclare que le tableau sera considéré comme un titre ; mais on le dit parce qu'on veut une fiction; puisque vous déclarez que le plan sera titre ; il ne l'est donc pas naturellement; mais prenez garde, toute fiction est dangereuse.

» Si vous voulez faire une exception à la règle concernant les titres, pourquoi la commune prescrirait-elle pour 10 ou 20 ans, tandis que la prescription générale est de 30 ans? -- Maintenant on dit que le propriétaire sera informé; que ce sera le cas ordinaire; qu'il ne faut pas s'occuper des cas extraordinaires. Eh bien,  je pense que le cas ordinaire est celui où le propriétaire n'habite pas la commune, et où il ne sera pas informé. Si la commune disait qu'elle ne sait pas où demeure le propriétaire, que lui objecteriez-vous? Si l'on veut du système que l'on propose, autant vous dire simplement que la commune attira la prescription par 10 et 20 ans. »

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « Si l'opinion de ceux qui prétendent que les communes ne peuvent acquérir par la prescription de 10 ou 20 ans prévalait, vous mettriez les communes dans l'impossibilité de conserver les chemins vicinaux qu'elles peuvent avoir acquis anciennement à titre de servitude; car après un laps de temps les communes seront dépourvues de titres, puisque les titres s'effacent et se perdent par le temps, ou elles seront dans l'impossibilité de prouver qu'elles avaient acquis ces servitudes anciennement par la prescription.

» On dit que nous introduisons une Action dans la loi : nous avons voulu trancher un doute, celui de savoir si l'approbation donnée par la députation provinciale forme un titre ; nous pensons que cette approbation doit former un titre, et avec plus de fondement qu'un acte privé qui désigne un droit de passage quelconque, par cette raison que les plans sont exposés en public. Il suit en effet de cette exposition que chacun peut faire ses réclamations; et comme ils reçoivent la sanction de l’autorité supérieure ils peuvent former titre, mieux encore, il nous semble, que ceux qui n'ont pas reçu cette sanction, ni aucune publicité. »

M. le ministre de la justice : « Le préopinant a objecté contre la disposition présentée par le ministre de l'intérieur , qu'on ne peut se faire un titre à soi-même, et que la commune s'en ferait un : remarquez que ce n'est pas la commune qui s'établit un titre à elle-même, que le plan doit être arrêté par ordonnance de la députation provinciale ; que c'est cet arrêté qui sera le titre pour la prescription de 10 ou 20 ans. Or, si un titre qui peut rester ignoré peut servir de base à la prescription de 10 ou 20 ans, à plus forte raison une ordonnance de la députation permanente,, publiée de la manière prescrite par la loi, et qui ne peut guère être ignorée que dans des cas très-rares, à plus forte raison, dis-je, une semblable  ordonnance peut-elle servir de base à cette prescription.

» On dit, messieurs, que c'est une innovation; mais si la loi était claire et précise, sur ce point il serait fort inutile de porter une disposition telle que celle que propose M. le ministre de l'intérieur.

- Remarquez, messieurs, que si l'on prolongeait, le temps nécessaire pour la prescription, ou si on laissait indécise la question de savoir si les communes peuvent prescrire les limites des chemins vicinaux, ce serait faire naître beaucoup de procès : lorsque les ordonnances sont encore présentes, lorsqu'il ne s'est pas écoulé 10 ou 20 ans depuis leur publication, on peut plus facilement constater les droits, soit de la commune, soit des propriétaires qui réclameraient des portions de terrains considérées comme faisant partie des chemins; mais plus vous vous éloignerez du moment de l'approbation des plans , plus les questions de propriété qui pourraient être douteuses deviendront difficiles à résoudre; aussi, messieurs, a-t-on toujours considéré la prescription comme la patronne du genre humain, et je crois qu'il faut principalement appliquer cette prescription au cas dont nous nous occupons, car il faut autant qu'il est en nous éviter des procès aux communes. – Je crois donc, messieurs, que nous devons adopter la disposition proposée par M. le ministre de l'intérieur.»

M. d'Huart : « Je viens, ainsi que l'honorable M. Verhaegen, m'opposer à l'amendement de M. le ministre de l'intérieur.- D'après cet amendement l'ordonnance de la députation des états qui approuve le plan, c'est-à-dire le plan lui-même, formera pour la commune un titre au moyen duquel, au bout de 10 ou de 20 ans, suivant que la personne intéressée habite ou soit absente, la commune aura acquis la prescription. En matière ordinaire on ne l'acquiert qu'après trente ans et ici on permettrait à la commune de l'obtenir en dix ans, alors qu'il n'y aurait pas même eu prise de possession (dénégation de la part de MM. Les ministres de la justice et de l'intérieur). C'est là un point, messieurs, sur lequel j'appelle toute votre attention.

» D'après des premiers articles que nous venons de voter, on dressera les plans, ou y déterminera la largeur que les chemins ont ou qu'ils doivent avoir, d'après ces recherches et les reconnaissances qui auront été faites ; je suppose qu'un chemin qui a 5 mètres de largeur soit porté au plan comme en ayant 8; eh bien, au bout de 10 ou de 20 ans la commune pourra prétendre qu'elle a acquis les 5 mètres qui forment la différence entre la largeur réelle du chemin et celle qu'il doit avoir d'après le plan; et cependant le propriétaire n'aura vu aucun acte ostensible qui indique une prise de possession , il n'aura pu en être averti que par un plan qu'il ne connaissait pas. (Nouvelle dénégation de la part de M. le ministre de l'intérieur.) Si vous ne l'entendez pas ainsi, il convient de changer votre rédaction; car la disposition, telle que vous la proposez, prêtera matière à des doutes sur les conséquences que je viens d'indiquer.

» Quoi qu'il en soit, messieurs, lorsque pour les matières ordinaires la prescription ne peut s'acquérir qu'au bout de 30 ans de possession, il serait singulier de donner aux communes le moyen de l'acquérir en dix ans, surtout qu'une simple lettre jetée a la poste suffirait pour faire prendre date à cet égard. Il me semble, en tout cas, que nous ne devrions pas modifier aussi légèrement le Code civil dans ce qui touche aux questions de propriété. »

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « J'avais donné des explications à la chambre en déposant mon amendement-, j'avais dit qu'indépendamment du titre résultant de l'approbation des plans par la députation, il faudrait de plus le fait de la possession, et cela est clair, messieurs; lorsque vous ne dérogez point au Code civil d'une manière formelle, les dispositions de cc Code demeurent subsistantes ; or, que faut-il pour jouir du bénéfice de la prescription aux termes du Code civil ? Il faut la bonne foi et la possession; il faudra donc, dans le cas actuel comme dans tous les autres, la bonne foi et la possession: il faudra de plus un titre, qui est l'approbation du plan par la députation provinciale.

» On a dit, messieurs, que nous dérogeons au droit commun d'après lequel il faut 30 ans pour acquérir par prescription. Veuillez remarquer que lorsque le Code civil exige 30 ans, il suppose qu'il n'y ait aucun titre; il suffirait donc que les habitants d une commune eussent passé pendant 30 ans sur une propriété pour que l'a commune eût acquis un chemin , si tant était que le Code civil permît d'acquérir la servitude de chemins par prescription; mais je pense que le Code civil ne le permet pas , et c'est précisément pour obvier à cet inconvénient que j'ai proposé mon amendement ; sans cela les communes seraient à perpétuité tenues de conserver les titres en vertu desquels ils possèdent leurs chemins , ce qui est impossible. »

M. le ministre de la justice : « M. le ministre de l'intérieur a déjà répondu à l'observation de l'honorable député de Virton que les propriétaires pourraient se voir privés d'une partie de leur propriété par la prescription, alors qu'ils n'auraient pu remarquer aucune prise de possession ; je ferai seulement remarquer à cet égard qu'il faut, non-seulement une possession, mais encore une possession non équivoque. Ainsi donc dans le cas supposé par l'honorable député de Virton, non-seulement il n'y aurait point lieu à prescription en dix ou vingt ans, mais il n'y aurait pas même lieu à prescription au bout de trente ans , puisqu’il suppose une possession équivoque , tandis qu'aux termes du Code civil il faut une possession non équivoque.

» On a dit, messieurs, que l'ordonnance de la députation provinciale qui approuve le plan ne peut pas être invoquée comme un titre par les communes. Que fait cette ordonnance ? Elle déclare qu'un chemin vicinal est la propriété de la commune ou que la commune a le droit de jouir d'un chemin vicinal à titre de servitude. – Eh bien, un acte semblable à l'égard duquel on provoque les réclamations des intéressés, ne doit-il point avoir autant d'effet qu'un acte de translation de propriété de la part de celui qui n'est pas propriétaire, fait devant un notaire et qui n'est soumis à aucune publicité? -- Ainsi, messieurs, pour acquérir par prescription en vertu de la disposition proposée par M. le ministre de l'intérieur, il faudra non-seulement l'ordonnance de la députation provinciale , il faudra encore une possession non équivoque , il faudra en outre la bonne foi; je crois donc que cette disposition rendra de véritables services aux communes sans qu'elle puisse nuire à qui que ce soit. »

M. Liedts : « J'ai peu de chose à ajouter, messieurs, à ce que les deux honorables ministres de la justice et de l'intérieur et des affaires étrangères viennent de dire; j'adopterai la disposition telle que M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères la proposée; elle tend à combler une lacune que je crois avoir signalée dans la première discussion, et telle qu'elle est maintenant rédigée, elle évite un inconvénient que l’on avait trouvé dans ma proposition, laquelle était peut-être trop générale.

» J'avais fait remarquer à la chambre que si l’on n'admettait pas la prescription acquisitive des chemins vicinaux et des servitudes vicinales au profit des communes, les propriétaires riverains auraient pu, plus tard , supprimer ces chemins , puisque toutes les communes sont dans l’impossibilité de reproduire les titres en vertu desquels ces chemins leur appartiennent, et qu'elles pourraient ainsi se voir enlever une partie de leurs communications , surtout si l'on remarque que les servitudes de passage sont imprescriptibles d après le Code civil. On fit observer alors que beaucoup de propriétaires laissent passer à travers leurs bois et leurs terres parce qu'ils savent qu'il ne peut jamais résulter de là un titre pour la commune, mais que s'ils pouvaient prévoir qu'un jour on se prévaudrait de ce passage pour le maintenir à tout jamais, ces propriétaires n'agiraient plus avec la même tolérance au grand détriment des habitants des campagnes à qui ces communications sont aujourd'hui fort utiles. Cette observation était fondée, messieurs; mais aujourd'hui l’inconvénient disparaît, puisque la disposition de M. le ministre ne s'applique qu'aux seules communications vicinales qui sont portées sur les plans publiquement exposés, contre lesquels tous les intéressés peuvent réclamer et qui doivent être approuvés par la députation permanente. – Il faut, en outre, pour que ces chemins puissent être acquis à la commune par prescription, que ceux qui y auraient un droit de propriété, gardent pendant '10 ans, s'ils sont présents, et pendant 20 ans, s'ils sont absents, un silence absolu relativement à la déclaration de la députation qui approuve le plan, car pendant ce délai, tous ceux qui croiraient que l’on fait à tort passer un chemin sur leur propriété, peuvent recourir aux tribunaux.

» J'avoue, messieurs, que si nous considérions la chose comme des juristes, les plans dressés par les communes ne pourraient pas être invoqués comme un titre proprement dit dans le sens du Code civil, puisque personne ne peut se créer un titre à soi-même. M. le ministre de la justice a beau dire que c'est la députation permanente qui donne en quelque sorte ce titre aux communes, puisque c'est elle qui arrête définitivement les plans ; toute la hiérarchie administrative est une et indivisible, depuis la commune jusqu'au pouvoir royal, de sorte que lorsque la commune arrête le plan et que la députation l'approuve, ce n'en est pas moins l'autorité administrative qui se crée un titre à elle-même, titre dans lequel elle donne comme chemin vicinal telle ou telle communication. Mais nous ne sommes pas appelés ici à considérer la disposition comme jurisconsultes, nous devons voir s'il y a utilité publique à l'admettre, et cette utilité publique est palpable. Je crois que si vous ne mettez pas cette disposition dans la loi, vous exposez beaucoup de communes à perdre , après un certain laps de temps, une bonne partie de leurs communications vicinales, pour les voir incorporées aux propriétés riveraines. »

M. le ministre de la justice : « Messieurs, je me serai mal expliqué, ou l'honorable préopinant m'aura mal compris. Je n'ai pas supposé, comme l'honorable membre le pense, que le plan formait un titre dans le sens de la loi actuellement en vigueur. La présente loi aurait été dans ce cas absolument inutile, et il aurait été superflu de l'appuyer.-Mais j'ai simplement comparé le titre émané de l'autorité administrative à celui qui est émané d'un non-propriétaire, non pas dans le but d'établir la prescription aux termes de la loi actuelle, mais pour exposer les motifs qui militent en faveur de la disposition proposée par M. le ministre de l'intérieur. » (Séance du 24 fév. 1840. - Monit. du 25.)

(1) Le projet du gouvernement et celui de la section centrale contenaient à l'article précédent un second § ainsi conçu : « Les instances auxquelles ces droits donnent lieu, sont instruites et jugées devant les tribunaux comme affaires sommaires et urgentes. » M. de Theux proposa d'en faire un article séparé qui forme aujourd'hui l'art. 11.-Lors de la première discussion de la loi, M. de Garcia proposa, à la séance du 25 février 1840 , que « les communes, soit en demandant soit en défendant, jouissent du bienfait du pro Deo pour soutenir ces instances. » Sur les observations qui furent faites, M. de Garcia retira son amendement, « se réservant, ajouta-t-il, d'en faire une proposition de loi spéciale; de cette manière, j'aurai en outre l'occasion d'examiner, si dans l'intérêt des communes et de la chose publique, il ne conviendrait pas de charger le ministère public des poursuites de ces affaires. » (Monit. du 26 févriér 1840.)

A la séance du sénat du 4 mars 1841, M. le baron Dellafaille reproduisit la même proposition : «Je crois, dit-il, que si les communes n'obtiennent pas le privilège de plaider gratis en matière de chemins vicinaux, c'est en vain que vous espérerez d'obtenir des améliorations dans la voirie vicinale.

Tantôt une commune n'aura pas de fonds, pour pouvoir poursuivre une affaire, tantôt elle sera retenue par la crainte de jeter de bon argent contre du mauvais, car partout où il y a litige, le succès est incertain ; et en définitive, je crains que les communes ne négligent les devoirs qui leur seront imposés, dans la crainte du procès, car je crois que la loi donnera lieu à de nombreux procès. Je désirerais donc qu'on accordât le pro Deo aux administrations communales.

M. le baron de Macar : « Je crois qu'il y aurait un grand inconvénient a accorder toujours le pro Deo aux communes, et à laisser ainsi la propriété exposée (je le dis à regret) à toutes les vexations que des passions personnelles pourraient faire naître dans l’esprit de tel ou tel bourgmestre de campagne. Si le pro Deo était accordé, on ouvrirait une large porte aux vexations de toute espèce.

- Quand il s'agit d'intenter un procès, les communes doivent y regarder à deux fois; elles ne peuvent pas l'intenter sans l'autorisation de l'autorité supérieure qui, plus calme, examine l'affaire, et donne l'autorisation en connaissance de cause. Il est alors à présumer que les frais seront récupérés sur la partie qui succombera, et que les communes n'auront rien à craindre. Je ferai remarquer d'ailleurs qu'en matière de propriété on ne peut accorder de privilège à une corporation quelconque, et je ne crois pas que dans l'espèce le pro Deo puisse être accordé aux communes. »

M. le baron Dellafaille : « J'aurai l'honneur de faire observer à M. le baron de Macar, que la règle qu'il vient de citer, que les communes ne peuvent pas intenter de procès quand il y a quelque chance de perte, sont précisément une garantie qu’elles n'useront pas de cette faculté pour la faire servir à des vexations contre les propriétaires. Il est très vrai que les députations permanentes doivent examiner les procès que les communes se proposent d'intenter; on consulte même des avocats; mais les jugements des administrations provinciales et même des jurisconsultes ne sont pas toujours infaillibles, et sur dix procès, si une commune en gagne neuf et en perd un, elle se trouvera grièvement lésée par les frais. Voilà ce que je voudrais éviter, c'est que les communes fussent écrasées par les frais, ce qui leur arrivera si elles perdent un seul procès; et comme il y aura une masse de procès, je crois que ma proposition mérite toute votre attention. »

M. le ministre de l'intérieur : « Je ne puis partager les craintes de l'honorable préopinant M. le baron Dellafaille : je ne pense pas que l'exécution de la loi donne naissance à des procès. Si vous examinez les articles 2 et suivants du projet de loi, il en résulte que tous les plans seront dressés avec toutes les pièces convenables pour assurer la largeur et le tracé des routes : vous remarquerez aussi que la loi donne aux propriétaires riverains tout le délai convenable pour réclamer Leurs réclamations seront examinées, et si on n'y fait pas droit, ils pourront en appeler devant la députation permanente ; la députation permanente examinera ces réclamations et statuera; et s'ils ne se contentent pas de cette dernière décision, ils pourront porter leur contestation devant les tribunaux.-Si quelques propriétaires ne se contentent pas de la manière dont les états députés auront statué, et portent leur réclamation devant les tribunaux, faut-il accorder aux communes le pro Deo ? j'y vois quelques inconvénients. En effet, il n'est que trop vrai, que certaines députations permanentes accordent très-facilement l'autorisation de plaider : elles se donnent à peine le temps de voir les pièces,, examinent l'affaire superficiellement, et pour peu que le doute soit permis, elles accordent l'autorisation de se pourvoir devant les tribunaux. L'action du gouvernement central est nulle en cette matière, les députations permanentes décident en dernier ressort. Si donc vous accordiez le pro Deo, vous engageriez les communes dans une foule de procès qu'elles intenteraient avec témérité.

» S'il est question du deuxième paragraphe, je dirai qu'il y aurait encore moins de raison pour accorder le pro Deo. Les communes ne jouissent pas même de ce privilège, lorsque pour les grands travaux d'utilité publique, pour l'élargissement de rues, ou la construction d'un monument, elles doivent recourir à l'expropriation; et certes, il n'y a pas plus de raison d'accorder le pro Deo pour I élargissement des chemins vicinaux, que pour toute autre expropriation pour cause d'utilité publique. » (Monit. du 6 mars 1841.)

(1) La députation du conseil provincial de Brahant avait désiré : « que la loi attribuât aux députations des conseils provinciaux le pouvoir de fixer la largeur des chemins vicinaux et de faire restituer les usurpations, et que, dans le cas où il y aurait doute s'il y a usurpation, elles fussent autorisées à élargir les chemins, en faisant des emprises égales sur les deux propriétaires riverains, lesquels, en ce cas, auraient seulement droit à une indemnité pour les propriétés qui leur seraient enlevées. »

«La section centrale, disait M. Heptia, ne pense pas que de pareilles dispositions puissent être introduites dans la loi actuelle. Elles seraient directement contraires à la constitution, qui consacre le respect pour la propriété et la distinction des pouvoirs..... Un propriétaire ne peut être dépouillé que moyennant une indemnité juste et préalable, et la loi du 17 avril 1835 détermine les moyens à suivre pour parvenir à l'expropriation pour cause d'utilité publique ; la proposition du conseil provincial du Brabant ne tend à rien moins qu'à annuler ces lois, si importantes pour la garantie de la propriété. - D'un autre côté, ce serait rétablir les conflits entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir administratif, en donnant à ce dernier le droit de décider des questions de propriété, ce que l'art. 92 de la constitution défend expressément. - Toutefois le projet de loi soumis à la chambre donne à la députation des conseils provinciaux une partie des pouvoirs que le conseil du Brabant désire lui voir donner : ainsi ce sont ces députations qui arrêtent définitivement les plans des chemins (art. 8 du projet de la section centrale), qui fixent la largeur qu'ils ont ou qu'ils doivent avoir, ainsi que la désignation des emprises à faire (art. 2) pour leur donner la largeur nécessaire. - Quant aux usurpations, les mêmes  députations seront encore investies du droit de les faire constater; elles doivent en ce point encore surveiller et approuver ce qui est fait par les conseils communaux. » (Art. 2 et 5 de la loi.)

(2) a La question de savoir, dit I exposé des motifs, si un chemin vicinal peut être acquis en tout ou en partie par prescription, a été souvent controversée.  La disposition de Part. 12, sans porter atteinte aux prétentions que l'on voudrait élever pour le passé, résout cette question complètement pour l’avenir. Lorsque l'existence et la largeur d'un chemin sont légalement établies, les droits de la commune ne peuvent pas être compromis par la négligence ou la connivence de ses administrateurs. Cet article est un frein indispensable aux usurpations et empiétements dont on se plaint à si juste titre. »

Le projet portait : « Les chemins vicinaux sont imprescriptibles, soit en tout soit en partie. »

«La cinquième section a trouvé l'article trop général, et a pensé que l’imprescriptibilité ne devait exister que dans les cas d'usurpation et d'empiétement fait sur les chemins vicinaux. Dans les autres cas, disait-elle, la prescription doit être admise; un sentier, un chemin d'aisance, qui ont toujours été considérés comme des servitudes , ne doivent pas être imprescriptibles et être rendus à la circulation, après avoir été fermés pendant trente ans, terme fixé pour la prescription des servitudes de toutes les espèces » - La section centrale a pensé que ces observations ne devaient rien faire changer au projet. - Il n'est pas question ici de porter aucune atteinte aux droits acquis, ni de faire revivre les chemins ou sentiers légalement prescrits ; l’article ne dispose que pour l'avenir. Quant à l’imprescriptibilité, le principe en a de tout temps été admis, ce qui démontre qu'on l'a regardé comme utile. Il convient en effet, aujourd'hui surtout que les populations augmentent, de conserver aux communes tous leurs moyens de communication, et de ne pas les exposer à les voir usurper par suite de la négligence, ou d'une tolérance coupable de la part des administrations communales. » (1er rapport de la section centrale.)

A la séance du 26 janvier 1859, M. de Theux , ministre des affaires étrangères et de l'intérieur, proposa l'amendement suivant : « Les chemins vicinaux , y compris les servitudes de passage, légalement établis au profit des communes, sont imprescriptibles soit en tout soit en partie, tels qu'ils sont reconnus et maintenus sur les plans généraux, en conformité de la présente loi. »

Il disait, pour l’appuyer : « Dans la dernière séance, l’on a fait diverses observations sur la rédaction du projet. L'on s'est demandé en premier lieu de quelle manière l'on pourrait reconnaître la vicinalité d'un chemin. L'amendement y répond en disant que la vicinalité d'un chemin qui le rend imprescriptible, résultera du plan général, dont la confection est ordonnée par le projet de loi.

Ainsi tout chemin porté sur les plans généraux, en suivant les formalités prescrites par le projet de loi, sera imprescriptible. -- J'ai ajouté ces mots portes et maintenus, parce que s'il y avait quelque changement fait de gré à gré entre la commune et les propriétaires, il en serait fait mention sur le plan, et dès lors le droit du propriétaire serait, suffisamment établi. -- D'autre part, on a objecté que tous les chemins vicinaux ne constituent pas une propriété de la commune, et que, par exemple, les sentiers ne constituent ordinairement que de simples droits de passage, des servitudes actives au profit des communes ; et l'on s'est demandé si ces servitudes seraient légalement imprescriptibles. Je pense qu'il y a une grande utilité à ce que les servitudes de passage légalement établies. Au profit de la commune, et constituées  régulièrement par les plans généraux, soient imprescriptibles, parce que ce sont surtout ces passages que le propriétaire supprime le plus communément. De là résultent de très-grands inconvénients pour les habitants. »

Après discussion, la proposition fut renvoyée à l'examen spécial de la section centrale.

« L'amendement de M. le ministre de l'intérieur, disait son rapporteur, à l'article du projet qui déclare les chemins vicinaux imprescriptibles, a fait l'objet d'un examen sérieux de la section centrale; car si, d'un côté, il faut garantir les communications vicinales contre les usurpations incessantes des riverains, il faut aussi éviter de porter, sans nécessité comme sans utilité pour le bien public, la perturbation dans la législation actuelle.-Vous avez vu, par les discussions qui ont eu lieu à vos dernières séances, que, sous l'empire du Code civil, qui est la loi qui régit actuellement cette matière, la question de prescriptibilité des chemins vicinaux est sujette à controverse, parce qu'elle n'est pas tranchée par un texte formel de la loi. Nulle disposition du Code ne dit que les chemins vicinaux sont ou ne sont pas sujets à la prescription. - Seulement, ces chemins étant rangés parmi les choses qui sont hors du commerce, parce qu'elles sont consacrées à un usage public, quelques auteurs les considéraient comme imprescriptibles aux termes de Part. 2226 du Code civil qui déclare imprescriptibles les choses qui sont hors du commerce. Mais l'usage public venant à cesser, la chose soumise à cet usage rentre dans le commerce, retombe sous l'empire du droit commun et redevient sujette à la prescription ordinaire : telle est la doctrine enseignée par quelques auteurs.-

Ainsi, selon cette doctrine, un chemin est imprescriptible aussi longtemps qu'il sert à la circulation du public L mais du moment où il est condamné, et qu'un particulier s'en est emparé, il cesse d'être hors du commerce, et se prescrit comme toutes les autres propriétés particulières ou communales.

» La section centrale a pensé qu'il n'existait aucun motif de s'écarter de ces principes de droit commun, qui garantissent suffisamment la conservation des voies de communication des communes.

Car si l'intérêt général exige qu'on ne prescrive pas contre la commune des chemins utiles, ce motif d'imprescriptibilité cesse du moment où un chemin ne sert plus à la circulation ; le non-usage du public prouve qu'il a cessé d'être utile : des lors plus de raison d'intérêt général pour le mettre hors du commerce et du droit commun. -La section centrale vous propose, à l'unanimité, de consacrer les principes que je viens d'exposer, par la disposition suivante :

« Les chemins vicinaux, tels qu'ils sont reconnus et maintenus par les plans généraux d'alignement et de délimitation, sont imprescriptibles aussi longtemps qu'ils servent à l'usage public, sans préjudice aux droits acquis antérieurement à la présente loi. »-Cette disposition n'est pas aussi étendue que celle proposée par M. le ministre de l’intérieur, qui déclare imprescriptibles les chemins, même quand ils sont tout à fait supprimés, ainsi que les simples droits de servitude de passage dont le public a complètement abandonné l'usage la section centrale a pensé que s'il fallait garantir les droits clés communes et les communications véritablement utiles à l'intérêt général, contre les entreprises des particuliers , il ne fallait pas dépasser ce but et soustraire au droit commun et au commerce des chemins devenus inutiles, et qui par cela même ne peuvent plus être considérés que comme des propriétés communales ordinaires.

» Quant aux simples servitudes de passage. l'article 706 du Code civil statue qu'elles s'éteignent par le non-usage pendant trente ans; et si un passage est réellement utile à la commune ou bien seulement à quelques habitants d'une commune, croit-on qu'on parvienne jamais, quelle que soit l'influence du propriétaire du fonds sur lequel le passage est établi , à en empêcher l'usage pendant un temps aussi long que celui requis pour la prescription extinctive de la servitude? -- L'amendement de M. le ministre porterait, sans nécessité aucune, une forte atteinte a différentes dispositions du Code civil dont il dérangerait l'économie. L'article 2227, qui soumet les communes aux mêmes prescriptions que les particuliers, serait en partie abrogé. Il en serait de même de l'article 701, qui donne au propriétaire du fonds sujet à une servitude de passage, le droit d'assigner à celui à qui la servitude est due, en remplacement de la servitude qui lui est devenue onéreuse ou incommode, un autre endroit aussi commode pour l'exercice du droit de passage. Lorsque les titres seraient perdus ou anéantis, l'on verrait les communes venir, après de longues années, réclamer le rétablissement du passage abandonné, en voulant conserver la servitude nouvellement établie en remplacement de la première.

» Cependant la section centrale, pénétrée de tout l'intérêt et de l'importance qu'ont pour les communes les communications communales qui ne sont que de simples servitudes de passage, a pensé qu'il y avait quelque chose à faire pour leur en assurer la jouissance et la possession, que notre législation actuelle ne semble pas suffisamment garantir, en ce qu'elle présente des doutes qui pourraient être décidés au désavantage des communes.

» Le Code civil donne pour règle générale qu'une servitude discontinue, même apparente, ne peut pas être acquise par prescription, et que celui qui en réclame l'usage doit justifier son droit par un titre (art. 690 et 691 du Code civil). La possession, même antérieure au Code, ne peut par conséquent servir à établir les droits de la commune que quand elle est suffisante pour avoir fait acquérir la prescription; mais à mesure que nous nous éloignerons de l'époque d91a promulgation du Code, la preuve d'une possession antérieure à cette époque suffisante pour prescrire, deviendra- de plus en plus difficile, et dans peu d'années elle sera devenue impossible, ce qui amènera le fâcheux résultat que les communes pourront être dépouillées de leurs droits de passage, de sentiers éminemment utiles à leurs habitants. »

La section centrale proposait à l'article un paragraphe ainsi conçu : La servitude vicinale de passage peut être acquise par prescription.

Lors de la discussion en 1840, l'article donna lieu à de nouveaux débats à la chambre des représentants; M. Dubus aîné résuma la discussion à la séance du 6 février. « Comme l'article, disait-il, qui nous occupe en ce moment est fort important, puisqu'il touche à la législation en vigueur, je consens volontiers aussi à ce que le vote en soit ajourné à demain, toutefois je ferai quelques observations sur l'article de la section centrale, parce qu'il me semble que l'on a tort de prétendre que l'on ne sait pas ce que veut cette section. La section centrale ne s'est pas bornée, messieurs, à présenter une rédaction, elle a appuy é cette rédaction de motifs, et il me semble que si l'on veut lire ces motifs avec quelque attention, on y trouvera sans peine l'explication du texte quelle vous a proposé.

» Il faut aussi, messieurs, pour apprécier la proposition de la section centrale, se rapporter à la discussion qui l'a amenée. Cette discussion est maintenant un peu loin de nous; mais quand le rapport à été rédigé et la proposition faite, cette discussion était toute récente; par conséquent, le rapporteur a dû s'attendre à rencontrer des esprits tout préparés à le comprendre, ce qui ne se présente plus en ce moment.-Dans cette discussion, la question de l'imprescriptibilité des chemins vicinaux avait précisément été agitée ; et voici la proposition qui avait été faite par M. le ministre : a Les chemins vicinaux, y compris les servitudes de passage légalement établies au profit des communes, sont imprescriptibles, soit en tout, soit en partie, tels qu’ils sont reconnus et maintenus sur les plans généraux, en conformité de la présente loi. » -

Vous voyez, MM., que cette proposition était très-large : elle comprenait à la fois les chemins vicinaux et les servitudes de passage ; elle en déclarait, d'une manière générale, absolue, l'imprescriptibilité; elle les déclarait imprescriptibles soit en tout soit en partie. - On fit remarquer dans la discussion qu'il y avait une distinction à faire, que l'on comprenait très-bien que les chemins vicinaux fussent imprescriptibles sous ce rapport que les riverains ne pussent pas invoquer leur possession pour s'approprier les anticipations qu'ils auraient faites sur la largeur du chemin, alors que ce chemin continue à être fréquenté. On insista sur cette considération qu'il était utile de déclarer 1imprescriptibilité dans ce cas, parce que, sans cela, les communes n'auraient pas été suffisamment protégées contre ses usurpations qui sont très fréquentes: mais on fit remarquer en même temps que la question changeait de face lorsqu’ il y avait suppression totale du chemin, parce qu'alors il fallait supposer que le chemin était devenu inutile et qu'il avait été vendu ou remplacé par un autre chemin. De pareilles transactions peuvent en effet avoir été faites sans qu'il soit possible d'en représenter les titres âpres un temps plus ou moins long.

» Remarquez, messieurs, qu'il n'est pas du tout à craindre qu'un chemin disparaisse totalement par suite .des empiétements des riverains, comme il est à craindre qu'un chemin soit notablement rétréci par de semblables empiétements : car lorsqu'un chemin est utile , les riverains auraient beau vouloir l'absorber dans leurs propriétés, le public continuerait toujours à passer, mais lorsqu'on fait des empiétements sur une partie de .la largeur d'un chemin, le public passe par la partie restante. -

Mais si on tente de le supprimer en entier, le public s'obstine et passe, parce qu'il a besoin de passer. - En même temps que l'on faisait ressortir cette distinction des motifs même qui peuvent faire désirer 1 imprescriptibilité des chemins vicinaux, on s'était attaché à l'appuyer en outre sur les principes du Code civil, selon qu'ils sont expliqués par les meilleurs auteurs; parce que, s'il est vrai qu'on ne peut pas prescrire les choses qui sont hors du commerce, et que, selon eux , les chemins vicinaux, en tant qu'affectés à des usages d'utilité publique incompatibles avec une propriété privée, sont hors du commerce, ce n'est toutefois qu'aussi longtemps qu'ils servent à l'usage auquel ils sont destinés; mais que, du moment que cet usage vient à cesser, le terrain alors rentre dans le commerce, et est susceptible d'une possession légale, et par suite d'une prescription. -

Or, du moment qu'un chemin est supprimé en entier, l’usage auquel il est destiné cesse, et partout le terrain par lequel le chemin a été primitivement établi rentre dans le commerce et peut être acquis par prescription. C'est ainsi que le décident les meilleurs auteurs.

» A la suite de cette discussion, la chambre a renvoyé la proposition de M. le ministre à la section centrale. Cette section a admis la distinction dont je viens de parler, et l'a formulée en article; elle l'a formulée dans les termes mêmes dans lesquels ces auteurs avaient énoncé leur opinion.

- L'article qu'elle propose est ainsi conçu : « Les chemins vicinaux, tels qu'ils sont reconnus et maintenus par les plans généraux d'alignement et de délimitation, sont imprescriptibles aussi longtemps qu'ils servent à l'usage public, sans préjudice aux droits acquis antérieurement à la présente loi. » - Par cet article la section centrale limite l’imprescriptibilité du chemin au cas où il continue de servir à usage de chemin. D'où il faut conclure qu'il n'y aurait aucune prescription, quelque longtemps qu'on eût possédé une usurpation faite sur la largeur du chemin. Tant qu'il reste une largeur de terrain, si étroite qu'elle soit, à usage de chemin; mais il faut en conclure aussi que, si un chemin était entièrement supprimé depuis de longues années, par exemple depuis 40 à 50 ans, et qu'on vint à découvrir ensuite que ce chemin a existé autrefois, on ne pourrait pas le rétablir. Dans ce cas le terrain, ayant cessé de servir à usage de chemin, serait rentré dans le commerce depuis 40 à 50 ans, il aurait pu être possédé légalement et être acquis par prescription. - Voilà pour les chemins vicinaux. Je crois que l'intention de la section centrale n'est pas douteuse : elle entend refuser la prescription à ceux qui auraient anticipé sur la largeur du chemin, et l'accorder à ceux qui auraient  possédé pendant le temps qu'il aurait fallu pour prescrire le chemin entier, alors que le chemin entier serait supprimé depuis de longues années.

» Quant aux servitudes légales  de passage, M. le ministre a présenté la même disposition générale, et ici la section centrale a fait remarquer que cette proposition du ministre était en opposition manifeste avec la législation en vigueur, que c'est une dérogation grave à cette législation. -

Voici ce que je lis dans le rapport de la section centrale : « Quant aux simples servitudes de pas sage, l'art. 706 du Code civil statue qu'elles  s'éteignent par le non-usage pendant trente  ans... - L'amendement de M. le ministre porterait, sans nécessité aucune, une forte atteinte à différentes dispositions du Code civil, dont il dérangerait l'économie : l'art. 2227, Qui soumet  les communes aux mêmes prescriptions que les particuliers, serait en partie abrogé, etc. » -

Ainsi, la section centrale admet comme constant que les servitudes de passage s'éteignent par la prescription. Elle a examiné ensuite la question de savoir si une commune peut acquérir ces servitudes par prescription. Elle a fait remarquer que cette question présentait une difficulté grave, vu la disposition de l'art. 691 du Code civil; que cependant on pouvait, jusqu'à un certain point, écarter l'application de cet article, en considérant l'utilité générale qui est le principe de toutes ces servitudes vicinales de passage, comme un titre ; lequel étant joint à une possession pendant le temps voulu pour la prescription, semble devoir faire acquérir la servitude par prescription de la même manière que celui dont le terrain est enclavé, trouve dans cette situation un titre, lequel étant joint à une possession pendant le temps voulu par la loi, peut faire acquérir par prescription le droit de passer sans indemnité.

» Il me semble qu'il y a une analogie très-remarquable entre les deux cas. Mais comme il y a utilité pour les communes à faire cesser le doute sur cette question qui est véritablement controversée, la section centrale vous propose cette disposition. - La servitude vicinale de passage peut être acquise par prescription. -Ce qui revient à dire que l'art. 692 du Code civil n'est pas applicable à la servitude vicinale de passage, parce que nous considérons l'utilité générale comme un titre suffisant, pour  qu'elle puisse s'acquérir par la prescription.-Nous n'avons pas entendu considérer la servitude vicinale de passage comme imprescriptible ; nous avons pensé qu'elle peut s'éteindre par la prescription, et nous vous proposons de déclarer qu'elle peut aussi être acquise par la prescription. » (Monit. du 7 février 1840.)

Dans le cours de la discussion, la signification des expressions servitudes de passage, chemins et sentiers vicinaux avait donné lieu à différentes explications. -

« Si j'ai bien compris, a dit M. Demonceau, l'idée dominante pendant cette discussion, voici comment il me paraît possible d'expliquer les différentes expressions que le gouvernement voudrait voir admettre pour prouver, contrairement à l'opinion émise par l'honorable M. Verhaegen, qu'il n'y a pas contradiction entre les expressions chemins , sentiers et servitudes vicinales de passage.

» Un chemin serait véritablement chemin vicinal lorsqu'il servirait à l'usage public ; il serait la propriété de la commune et serait imprescriptible aussi longtemps qu'il servirait à l'usage de tout ou partie des habitants ou autres.-Un sentier vicinal serait une espèce de passage servant plus particulièrement aux personnes à pied ou même avec chevaux, etc., sur un fonds qui serait, pour toute la largeur et l'étendue du passage, la propriété de la commune.- La servitude de passage .serait, s'il m'est permis de m'expliquer ainsi, le droit que peuvent avoir des habitants de passer sur un fonds appartenant à un autre.

» Mais il importe, messieurs, de ne pas faire abus du mot servitude; la servitude, telle que nous l'entendons d'après notre droit civil, ne peut s'établir que sur un fonds au profit d'un fonds ; ce n'est donc pas, à proprement parler, une véritable servitude que celle établie au profit des habitants d'une commune sur un fonds d'un particulier; toutefois, il faut bien lui donner un nom, et l'on semble choisir celui de servitude vicinale de passage.-Il ne nous est guère possible de dire ce qui se passe dans toutes les provinces; cependant il ne peut paraître douteux que tout chemin vicinal ne soit présumé être la propriété de la commune aussi longtemps que personne ne justifie en avoir la propriété exclusive. Dans la partie de la province que j'habite il y a, à ma connaissance, des chemins vicinaux proprement dits ; il y a aussi, je pense, des sentiers qui paraissent être rangés dans la catégorie de ceux qu'on semble vouloir désigner sous la dénomination de sentiers vicinaux. Ces sentiers, messieurs, servent de passage aux habitants pour aller d'un hameau à l'autre et s'exercent sur des terrains qui appartiennent aux communes.-

Enfin l'on trouve encore une autre espèce de sentier vicinal, et voici en quoi il consiste : c'est le droit qu'ont tous les habitants de passer par certaines terres ou prairies pour aller d'un endroit à un autre, malgré que les terrains sur lesquels pareils passages sont exercés soient la propriété d'un ou plusieurs individus, c'est là une espèce de servitude; mais, encore une fois, ce n'est pas une servitude réelle de l'espèce de celles dont il est fait mention au Code civil; d'ailleurs consultons les art. 649 et 650 du Code, et nous trouvons qu'on peut, pour ce qui concerne les servitudes établies pour l'utilité publique ou communale, régler tout ce qui y a rapport par des lois ou règlements.

Comme la discussion continuera, je soumets ces observation s à la chambre, n'entendant rien improviser de plus aujourd'hui, la question me paraissant trop grave.»

A la séance du 7 février, M. Liedts, proposa que l'article fût divisé, et conçu en ces termes :

«Art.11. La servitude vicinale de passage, peut être acquise par prescription. »

« Art. -12. Les servitudes vicinales de passage, légalement acquises, ainsi que les chemins vicinaux, tels qu'ils sont reconnus et maintenus par les plans généraux d'alignement et de délimitation, sont imprescriptibles aussi longtemps qu'ils servent à l'usage public, sans préjudice aux droits acquis antérieurement à la présente loi. »

Quant au 1er point, celui de l'acquisition par prescription des servitudes vicinales de passage, c'était la reproduction de l'amendement présenté par la section centrale ; la chambre des représentants s'occupa d'abord de cette partie de l'amendement qui donna lieu à d'assez longs débats, dont nous reproduisons les traits principaux :

« Messieurs, dit M. Peeters, rapporteur, en relisant les discussions d'hier, et l'amendement proposé par l'honorable M. Liedts, je pense qu'il serait dangereux d'admettre ce principe, ainsi que l'avait voulu la section centrale, que les servitudes vicinales de passage peuvent s'acquérir par prescription. - Il existe, en effet, une masse de petits sentiers forts utiles à la commune, qu'on tolère parce qu'ils ne nuisent pas à la propriété, mais qui ne sont pas dus par les propriétaires. Si vous admettez que ces passages peuvent s'acquérir par la prescription, les propriétaires s'empresseront de les défendre; le public sera privé inutilement de ce grand avantage, et vous mettrez le désordre dans plusieurs communes. Pour ce qui regarde le 1er§ de l'art. 12, amendé par la section centrale, d'après les observations faites à la séance d'hier, je pense que cet article devra subir aussi un changement de rédaction. Celle proposée par l'honorable M. Liedts me paraît assez bien; on pourrait ajouter aux mots « aussi longtemps qu'ils seront à l'usage public, » les mots « ouverts, et qu'ils n ont pas été entièrement supprimés. »

« Je me demande, ainsi que l'honorable M. Verhaegen, dit M. de Garcia, quelle différence il y a entre des chemins vicinaux et des servitudes de passage légalement acquises. Il peut y en avoir accessoirement; principalement il n'y en a pas. Je m'explique. Quand je dis principalement, je veux dire que les servitudes vicinales de passage sont en réalité des chemins vicinaux. Notez que je ne dis pas des chemins communaux, mais des chemins vicinaux, c'est-à-dire des communications d'un village à un village, d'une commune à une commune, d'une commune à une ville. - Partant de là, je pense que c'est pour respecter les droits acquis et l'usage qu'où a voulu admettre cette rédaction.

Mais je crois qu'on peut les respecter également et être fort clair. - Il faut que la loi ne connaisse que les chemins et les sentiers vicinaux. Comme cela elle sera claire. Peu importe qu'un chemin vicinal soit assis sur une propriété communale, ou qu'il existe comme servitude sur une propriété riveraine, il n'en est pas moins vrai que ce sera toujours un chemin vicinal. Cela ne change rien quant au droit principal; il n'y a quelque chose de changé que quant aux droits des riverains. Il est certain que, quand le chemin sera sur une propriété communale, elle pourra planter sur son chemin, et que quand la commune n'aura qu'une servitude sur la propriété riveraine, le particulier pourra planter. Ainsi il faut admettre une distinction dans l'article 12. Je crois que l'amendement que je vais proposer consacrerait cette distinction et serait très-clair. - Veuillez remarquer que jusqu'ici on n'avait parlé que de chemins et de sentiers vicinaux ; et à l’ art. 12 on vient introduire une nouvelle expression « servitude vicinale de passage. » Ç'a été pour conserver les droits de propriété aux riverains d as certains cas. Ceci est de la doctrine. On a dit que, dans les Flandres, c'est un usage que les chemins vicinaux ne sont qu'un droit de passage sur des propriétés particulières. Je mets en fait qu'il n'y a pas de province où il n'en soit ainsi, au moins de quelques chemins. Il faut donc prendre une disposition générale. Il faut laisser aux tribunaux, à l'administration le soin de décider qu'un chemin est sur une propriété communale, ou doit être considéré comme une servitude sur une propriété riveraine.

-Je crois que ce but serait atteint par mon amendement, qui est ainsi conçu : « Les chemins et les sentiers vicinaux, tels qu'ils sont reconnus et maintenus par les plans généraux d'alignement et de délimitation, soit qu'on les considère comme propriété communale ou comme des servitudes dues par les propriétaires riverains, sont imprescriptibles aussi longtemps qu'ils servent à l'usage public, sans préjudice aux droits acquis antérieurement à la présente loi, etc. »

M. Vandenbossche : « Messieurs, je ne puis approuver l'amendement de M. Liedts, ni aucune stipulation qui aurait pour objet d'établir dans nos lois le système ou l'idée de servitude vicinale, appliqué à un chemin vicinal quel qu'il soit. --

Tout chemin vicinal, sentier ou autre, constitue, à mes yeux, une propriété de la commune, une propriété publique; et ce qui le prouve, c'est que dans tous les plans cadastraux ils se trouvent distraits des propriétés qu'ils traversent. Or, ceci ne serait pas, s'ils ne formaient qu'une servitude.

Le propriétaire paye les contributions dont. Ses propriétés sont frappées, quelles que soient les charges auxquelles elles pourraient se trouver assujetties; si donc vous admettiez qu'un chemin vicinal n'est autre chose qu'une servitude, vous établiriez indirectement que le propriétaire doit continuer à payer les contributions de la partie qui lui est soustraite, et vous commettriez une injustice à son égard. »

« Quant à la disposition formulée par la section centrale, disait M. Dubus aîné, et qui porte : « La servitude vicinale de passage peut être acquise par prescription; » je ferai remarquer que l'expression de servitude vicinale de passage est ici convenable parce que l'article va au-devant d'une difficulté, et c'est cette expression qui résout la difficulté. - On reconnaît qu'il y a des chemins vicinaux qui appartiennent aux communes, et qu'il y  en  a  d'autres qui ne  leur appartiennent   pas, mais qui ne sont que  des servitudes  au profit   de ces  communes. Or, il s'élève un doute  pour    savoir  si ces servitudes vicinales    de  passage peu vent  être acquises    par   prescription,    nonobstant   l'art.   691  du  Code civil.     C'est  une   question   qui   est sujette   à  controverse ;   et  la   section  centrale  vous  propose de décider l’alternative,      c'est-à-dire  de reconnaître   que  cette  servitude peut être     acquise par prescription.       _    L'honorable   M.  Peeters   trouve dangereuse    cette  disposition  ,  que   je  regarde, moi,   comme juste  ;  il  me parait que   les motifs donnés  par   la section centrale, motifs     que j'ai rappelés  hier   et   qu'il    est  inutile    de répéter   aujourd'hui,       la justifient complètement sous ce rapport.

 L'honorable membre dit qu'elle provoquera la suppression immédiate de tous les sentiers actuellement existants. »  M.  Peeters  :  o J'ai parlé seulement des sentiers tolérés.  »

       M. Dubus aîné :  « I  honorable membre dit qu'il    n'a entendu parler    que des sentiers qui    sont tolérés ; mais je   ne vois par le grand danger qu'il peut   y avoir  a supprimer des    voies qui ne sont pas dues car,  ou ces voies  sont utiles,     ou elles  ne   le  sont  pas ; si elles  sont  utiles ,   la  commune  en  fera  décréter   la   vicinalité,    si  elles   ne sont pas utiles,   à quoi  bon repousser  une disposition     juste ,  dans la  crainte   de  voir    supprimer    des  voies qui  ne sont  pas utiles ? -    Tai dit que    cet article  tranchc pour l’avenir   une controverse ; cette  controverse existe   en effet.  Il  y  a des personnes qui   soutiennent que   Part.  691  est applicable  aux   sentiers publics   ; il  y  en a d'autres qui    soutiennent le   contraire   par  des   raisons très-plausibles.      S'il    devait résulter     de la   proclamation    du   principe    que  nous  posons pour   l'avenir   dans  Part. 12, qu'on     soulevât  la question    pour   le passé,  cela donnerait   occasion aux  tribunaux de trancher la question      pour 1e passé, comme    nous voulons  la   trancher   pour  parvenir.   Je le  répète,   les   communes  auront,   en   définitive,   Ie  moyen  de conserver toujours     les voies  véritablement utiles   ,  en  réclamant   la déclaration de    vicinalité.   » 

Quant à moi,    disait  M.  de Garcia, je    ne puis   donner  mon assentiment à cet article.    -     Je désire   que  la  chambre  considère les principes     consacrés   par   l’art.   691  du Code civil.           Messieurs,   dans   l’usage  de la jurisprudence     à raison   des fonctions   que   je   remplis    dans  la   magistrature,   je   sais à   combien   de procès  calamiteux   et  ruineux   les anciennes coutumes   de notre   pays  ont  entraîné  les  communes.  Je connais   telle   commune qui,     pour    une parcelle   de  terre   ne  valant  pas 50 francs,   a  dépensé dix  mille    francs.  Si M.  Brabant  était présent ,  il pourrait     vous attester  ce fait , qui   est à sa connaissance. Je  crois qu  ii   a été  dans l’intension  du législateur français de détruire        onc source de  procès,  en  disant  : Les  servitudes   discontinus  et  non apparentes   ne peuvent s'acquérir par     la prescription.

        Vous  reconnaitrez    qu'il    y  a  une  grande  sagesse dans  la proclamation   de  ce principe, si   vous  considérez   les procès qu’entraineraient      des servitudes semblables.   Dans la jurisprudence, Ies particuliers  qui  sont parties  intéressées  à la  conservation   ďune   servitude  ,  sont  appelés   à  déposer  dans  les enquêtes qui  se font. Quels inconvénients  ne doivent   pas résulter      de  là!    Il    est  impossiЫe   que  celui qui    est intéressé  à avoir   telle servitude  vienne déposer   contre  son intérêt.    Si  vous reconnaissez  ce principe   de prescription    pour  Ies  servitudes  vicinales  de  passage ,  vous devez le  reconnaître également pour    l’enlèvement des bois morts  dans les forêts  et pour  les pâturages. Si   vous introduisiez  une   dérogation  , à   raison  des chemins  vicinaux, je    ne vois pas, quand   il s'agirait d'une     loi de police municipale    ,   pourquoi   vous ne proposeriez   pas,  au  profit    de   la  commune ,   le principe  quelle peut  acquérir par prescription toutes  autres  servitudes discontinues.    »

M.  dΉuart    :   « Il s'agit donc  en cc moment  de la servitude    vicinale   de  passage qui,  aux   termes    de  la   disposition   soumise  à   la  chambre ,  pourra  être acquise   par prescription.     C'est  ici  une dérogation  aux  lois  existantes ;  tout  an   moins  on peut prétendre qu'il y a doute à     cet égard. Quoi qu'il     en  soit,  ce  serait   trancher   une question très-importante qu'il conviendrait de laisser décider par l'application    des lois actuelles.   -    C'est à  cette disposition que s'applique l'observation que voulait        faire l’honorable M.de Mérode  ;  il importe de    ne pas jeter de la perturbation     dans des droits acquis   et de  ne  pas changer  des dispositions qui    nous régissent  depuis longtemps.   -     Si  on  nous démontrait    clairement qu'il     y  a avantage   réel   à  trancher   cette question, je    ne  m’y  opposerais  pas ;   mais  il   n'en est  pas ainsi :  et  si l’on  prenait   ce parti,    il  en  résulterait  immédiatement    une  foule   de  procès  et d’embarras.    il  y aurait procès    parce qu'à l’instant  les   propriétaires      empêcheraient    le   passage sur tous les sentiers sur     la propriété desquels     ils croiraient   avoir des droits,      la  commune   soutiendrait le procès,   et tout  le monde  sait  ce qui  en  résulterait   pour  la  commune  et  pour le propriétaire.

Il  y  existe des passages très-utiles à des   communes  ou fractions   de  communes,  et qui cependant    sont  simplement   tolérés   par  les propriétaires.     Vous allez  mettre   ceux-ci   dans la nécessité   de priver les communes   de  ces  passages qu'ils  avaient   tolérés  jusqu'ici.    -    Ne  tranchons   donc  pas la question  ;  laissons  les choses dans l’état    où  elles   sont ;  songeons à  mettre    nos chemins  vicinaux   en  état   de viabilité   ;  c'est  là projet principal      de nos  délibérations.  

M.  Licdts  :  « Vous remarquerez que l’article     11   que j'ai   eu  l'honneur   de  vous proposer    n'est que  la reproduction      textuelle   de  la proposition    de  la section centrale.

 On  fait,  entrevoir     que,   si   cette   disposition était  maintenue,  elle   donnerait   lieu  à  une   foule      de   procès.  C'est,   a   mon  avis,   pour    éviter   les  procès  que  la section  centrale  a proposé la disposition.   En  effet,   sous ce rapport,  on ne peut nier l’utilité    et   même  la   nécessité   de   la  disposition   proposée.      Veuillez   vous rappeler qu'en    fait  il n’y  a pas une  commune  en état  de  prouver qu'un   chemin vicinal    est  une propriété     communale.  En fait   les servitudes   vicinales de   passage forment  la  totalité,   ou  tout  au  moins la grande majorité      des chemins vicinaux.   Si     vous n'admettez pas    la disposition,  il   en résultera qu’il   aura procès   entre  les  communes  et  les propriétaires      qui   voudront  supprimer    les chemins  vicinaux.   Et   qu’arrivera-t-il? Que la   commune,  dans l’impossibilité     où  elle   sera  de prouver qu'elle    a la propriété de    ces chemins ,  sera   obligée  de  prouver   qu’elle   en  avait   acquis  la propriété    par prescription,     avant la  publication   du  Code civil.   Or,  ce  sera   souvent  impossible.   Et ,   en   vertu   du   principe    que   toute  propriété   est présumée  libre de servitude,     le particulier pourra rejeter sur la        commune l'obligation de prouver que la servitude lui est acquise.  Comme  les communes  seront   dans l’impossibilité    de  faire  cette preuve,  il   en  résultera qu'au   bout  de quelques années tous les chemins vicinaux   seront  supprimés,  »

M.  Verhaegen   appuya  les   motifs    donnés  par  M. d'Huart.    « Le Code civil,  ajoutait-il    ,  n'a Consacré  le principe   que lorsque   la servitude    est discontinue  et non apparente,  elle  ne peut s'acquérir   que par titre   ;  pour qu'une  servitude  soit acquise,  il  faut donc  un titre   ou 30 ans de possession avant   le  Code  civil    dans les   localités  où  les coutumes  admettaient   la prescription.

Maintenant    on  veut  déroger  au  Code civil,    on  veut   établir   des principes tout   à fait   nouveaux,   et pourquoi?   A-t-on  vu qu'il  soit   résulté   des inconvénients  de la législation actuelle?   Non, je  ne pense pas que, depuis  que le  Code civil   existe,  on  puisse  rencontrer de  semblables   inconvénients.   Mais  y   en  eût-il,  la  proposition n'y porterait point remède      : je   demanderai ,  en  effet , à l’auteur   de  la  proposition    s'il est d'avis d'introduire dans     la loi  le principe    de la rétroactivité?   Je ne le pense pas,  car   ce  serait une monstruosité:   on  ne peut pas faire compter    la possession antérieure à  la présente loi.   Eh bien,  si l'on  n'admet pas la rétroactivité,     a quoi   servira la disposition ?  A  rien  absolument  ,  car  ce  ne  serait  qu'après les trente  ans qui  vont s'écouler,   à dater de la promulgation    de l a   loi,    que  la  disposition pourrait   avoir  un  effet.

        

»  On a dit que   la  législation    actuelle   a  donné  lieu à des procès.  Mais, messieurs, je suis a même      aussi de savoir quelles sont les contestations qui    se  présentent devant  les  tribunaux  ,   et je puis    dire  que  les  procès   dont  on   parle    sont  loin   d'être nombreux ; mais je crois qu'il      y aurait    une masse  de procès si l'on adoptait   la disposition   ;  il  en  résulterait  surtout l'inconvénient signalé     par l’honorable M.Peeters  ; tous les propriétaires qui jusqu'à  présent toléraient  ,   dans l’intérêt des     communes,  le passage sur leurs propriétés,      parce  que ,  dans l'état actuel de   la législation  ,   ce  passage. quel que long que  soit   le  temps   pendant   lequel   il   a  lieu ,  ne peut  pas donner un  droit  aux  communes,   puisque aux  termes  du  Code civil  ,  les  servitudes  discontinues  et  non  apparentes  ne peuvent  s'acquérir que  par titre    ;  tous ces propriétaires s'empresseraient d'empêcher ce passage  du moment où il pourrait,   par la prescription,  donner  un  droit  à 1a commune. -Ne vaut-il pas mieux, messieurs,   laisser les choses telles qu'elles   sont sous l’empire du droit commun?    S'il peut   s'élever quelque   controverse,  les   tribunaux    en   décideront;    si,   au contraire,   la  chose est claire,  il n'y    aura pas de réclamations   comme il  n y  en a  pas eu depuis que  le  Code civil   a été  publié.   « 

       

«  On vous a dit  ,  ajoutait M.    Dubus aîné,  avec  beaucoup  de raison, qu'on    n'avait  reconnu  aucun   Inconvénient  à   cette législation belge   ,   et  la  section  centrale ne vous propose  même pas d'y 

revenir d'une   manière générale   : elle   propose uniquement  son amendement pour les chemins vicipaux ;   et pourquoi?   C’est  que s'il  est  ordinaire de stipuler  une   servitude   dans un  acte  écrit,   il   est  au  moins extrêmement     rare qu'il    y ait également    un titre   pour  un  chemin   public ;   de  sorte   qu'ici   la disposition   est  en  quelque  sorte   commandée  par les faits.

 

«  Si  vous n'admettez  pas cette disposition,  et si vous supposez que la jurisprudence vienne à

 trancher contre  les communes la question, si l'article 691 du Code civil s'applique     aux servitudes vicinales  de passage,   qu'arrivera-t-il?  Il     arrivera     que  les procès qui   ne surgissent    pas  maintenant,  d'une   part,  parce que  trop  de  personnes vivent   encore  qui pourraient     attester   l’état   d'un  chemin   à  l’usage de chemin pendant   trente  ans avant la publication  du  Code civil,   et parce  que , d'autre    part,  bien  des  personnes peuvent  croire   que la  controverse   serait jugée     en  faveur   des  communes;   il arrivera   , dis-je  ,   que  tous   ces  procès  surgiront  plus tard,    et  surgiront alors      que  les  communes  seront  sans défense ; il   ne  leur   sera plus possible  alors de représenter      leur  titre,     parce  que   leur seul titre, d'après M. Verhacgen,     serait   une jouissance de  trente  ans antérieurement    au  Code ,  et que les  témoins   étant   morts,    cette   jouissance ne pourrait     plus  être   prouvée.  Il   est  donc  du plus   grand intérêt des   communes de voir trancher    cette       controverse dès maintenant.    »

 

M.  Demonceau :   «  Messieurs, s'il s'agissait d'abroger,   en général,  les dispositions du   Code civil,       je donnerais probablement    mon  assentiment  à une  proposition   de  ce genre.   Mais  pourquoi   abroger  les dispositions    du  Code au  seul  profit    des  communes? Je   n'en  vois pas la   nécessité ;  c'est faire beaucoup  trop  en  faveur des  communes.   Je  suis  de  l’avis de  ceux  qui    pensent qu'il    est de  toute  justice  de déclarer  l'imprescriptibilité de tous chemins établis en faveur d'une   commune, mais après avoir déclaré qu'il ne  sera  pas possible  de   prescrire   contre  la   commune.,   c'est  aller   trop  loin , selon moi,   que  de  dire   ensuite   que la  commune  pourra,   en  tous cas, prescrire   contre   les particuliers.  Si  l’on   ne peut pas prescrire   contre  la commune,  il   n'est  pas juste    que  la  commune puisse   prescrire contre les particuliers.        -    La  commune,  de l'aveu  même  de ceux qui appuient     la proposition , possède  toujours    le  moyen de    se procurer  un  chemin  nécessaire   et  utile.    De  deux   choses l’une,  ou le   chemin  que  la  commune   veut  nous  prescrire     est  d'utilité     publique,    ou  il   ne  l’est  pas ;  si Ie  chemin  est  d'utilité    publique,   la  commune   a   droit   de  déposséder   les  propriétaires,  mais à  une condition  ,  et  cette  condition c'est de  payer  l’indemnité.     Ainsi   en  définitive   ,  vous  ne  donnez à  la commune que  Ie  moyen   de se libérer d'une indemnité, et,      par suite,    de s'enrichir   aux dépens des particuliers.        Si   au  contraire,  le chemin   n'est  pas   véritablement     d'utilité     publique,  quel  motif pourrait-on       avoir   d’autoriser     la  prescription?    Je  ne pense donc pas que  nous devrions  adopter   le système proposé   ,   et je   voterai  contre  l’amendement    en  discussion'.  ( Monit.     du   8  février 1840.)

 

L'article mis    aux  voix  ne fut pas adopté.

Nous avons vu  que M.  de  Theux  avait proposé   de dire   o les chemins  vicinaux, y compris     les servitudes de passage...   sont imprescriptibles,      etc.  »   et  que M. Liedts présenta    la   rédaction   suivante :    Les  servitudes   vicinales    de  passage   légalement   acquises, ainsi  que  Ies  chemins   vicinaux,   sont imprescriptibles, etc.     » Ces amendements ne furent   pas adoptés.

      

« La  section centrale,  dit M.    Dubus aîné, dans   la rédaction qu'elle     vous avait soumise,  ne parlait   que des  chemins  vicinaux ;   l’amendement   a pour objet d'y joindre     Ies servitudes    vicinales   de

 passage. -     de reconnais qu'en   effet   la  rédaction   de  la  section  centrale   peut laisser à désirer,      si  on la met  en comparaison  avec d'autres dispositions  du projet , déjà adoptées    par  la  chambre   sur  la  proposition   de la  section centrale  ;  ainsi   l’art.  1er  est  conçu comme  suit : « Art.  1er.  Dans les  communes  où  il  n'existe  pas de plans généraux d'alignement   et de  délimitation     des  chemins  et   sentiers   vicinaux, les administrations communales feront dresser  ces plans  dans  Ie délai  de  deux  ans ,  à dater   de  la publication, de la présente loi.  »

On annonce donc,   dès  l'art.    1er,   que  la   loi est relative   aux chemins   et  sentiers (a)    vicinaux,   et  toutes les  autres dispositions     de  la   loi  se  rapportant   en  quelque   sorte  à  celle-là,    on pourrait   donc  demander   pourquoi,     dans  l’article dont il s'agit   en  ce moment  ,   ou   ne  parlerait     que   des   chemins vicinaux   ,  sans parler également des    sentiers   vicinaux.    Cette   observation   me  paraît

fondée,  et  je crois que    l’art.  12   doit    s'appliquer   à tout   ce qui  fait l’objet de    la loi, d'après  l’art. 1er,  c'est-à-dire   aux chemins   et sentiers   vicinaux.

 

C'est précisément    pour  ne  pas changer,   sans  nécessité,  Ies termes   de la loi  que je  suis disposé,    pour  ma part,   à adopter   la   partie    de  l’amendement de  M.  de  Caccia, qui   consiste à  remplacer,    dans l'art. 12,    amendé  par M. Liedts,    les  expressions :  « servitudes    vicinales   de  passage ,   par    celle  de « sentiers,  »  et dire   :   « chemins  et   sentiers vicinaux.   »  Je crois que  ces expressions étant    les mêmes  que celles de l'article 1er,     il  est  convenable   de  les  adopter,    et   qu'elles   ne  laisseront, aucun  doute  sur  la portée    de  l’article.    Nécessairement les servitudes vicinales de passage    y seront    comprises ,  à moins qu'on   ne dise qu'elles    ne sont  pas comprises  dans l'art.   1er ; or,   nous avons bien  entendu qu'elles   y  étaient   comprises.   S'il   y avait doute   à   cet  égard,    il   suffirait     de recourir    aux  motifs   pour lesquels    la section  centrale  a proposé  la suppression  de  l’art.   1er  du projet    du  gouvernement.

 

 La section centrale n'a pas   cru que la loi   actuelle doive décider d'une manière   absolue  que les chemins   sont ou  ne sont pas des propriétés    de la    commune où  ils   sont situés,   ni   qu'ils doivent

être   entretenus par    les  communes  dans  tous  les  cas où  elles en  sont propriétaires   ;  car  il   est des  chemins  que  les  communes  entretiennent     quoi qu'elles     n'en   soient pas  propriétaires  ,   comme il en est dont elles sont propriétaires,     qui  sont entretenus par des particuliers. Ces points       n'ont pas  besoin d'être réglés par    la loi actuelle ;  il   est préférable    de  laisser   subsister   ce  qui   existe   sans  blesser Ies droits acquis, pourvu     que  l'on  prenne les  mesures  nécessaires pour assurer  la  conservation des chemins  et leur entretien par    ceux qui  en  ont aujourd'hui  l'obligation.   -    Vous  voyez  donc  que  la section centrale n'a pas été d'avis que  la loi décidât à qui appartient la propriété      des chemins   vicinaux ; elle  a considéré qu'il     y en a,   dans  les  communes,   sans  propriétaires  ,   et qu'il     y  en  a  d'autres qui   ne sont réellement que des servitudes   vicinales  de  passage ; mais elle a  entendu  que la  loi s'appliquât à   tous les chemins  et  sentiers vicinaux , que  les  communes en  fussent ou  non 'propriétaires,  - Voilà, messieurs, quel est le      sens des mots chemins et sentiers  vicinaux   qui  se trouvent  dans l'art. 1er,   et   je  crois   que  nous devrons  employer   Ies mêmes termes   dans l'art. 12  ;  sans cela  on pourrait croire que l'art.      12  n'a  pas, relativement  aux objets auxquels  il s’applique,  le   même sens que l'art.   1er. » (Monit.    du 8  février 1840-)

 

 Dans mon opinion,  disait M. Milcamps   en parlant de la suppression des  mots servitudes légales,   par  cet  amendement   les  droits   de  la  commune  sont suffisamment garantis.  D'ailleurs    cette rédaction  est  en harmonie   avec l'art.1er déjà adopté   ;  on  pourrait     même  soutenir   que  le   mot  sentier   comprend  les servitudes   de passage.  -     L'honorable  M. Verhaegen   nous  a  encore  demande  ce   que l'on entend  par le    terme vicinal.    Messieurs,   j'ai   consulté   un   dictionnaire,   j'ai  trouvé :  Vicinal,  de vicus, bourg : chemin vicinal,     chemin qui   sert  de moyen  de  communication  entre plusieurs  communes. - Ainsi     ces chemins et ces sentiers de  village  sont des chemins  et  sentiers vicinaux lors  qu'ils  ont été   déclarés   tels  par   l'administration,

 

 Vous savez, que les art.   2 ,  section 6 ,  du décret du  28   septembre 1791,   1er   de  l’arrêté    du

  23 messidor an   v, et 6 de la loi du 9   ventôse an XIII,   attribuent exclusivement      aux   autorités   administratives  le droit    de déclarer vicinaux    les chemins  qu'elles auront  reconnus  nécessaires à la communication  des communes,  et  d'en   fixer la largeur.

 

 Mais  il   résulte  de  la  jurisprudence    constante  que ces dispositions n'ont été abrogées,   ni expressément,  ni implicitement, par     aucune loi, qu'elles sont  générales  et   par conséquent   applicables   à  toutes   les  communications ,    de   quelques  communes, de quelque espèce qu'elles puissent     être.

 

Eh bien,  du  moment que les plans seront dressés , que la largeur    en  sera   déterminée ,  il  s'en   suivra que   tous les chemins, les   sentiers , les  servitudes   de  passage qui  y  seront portés   ,  seront   déclarés vicinaux.   - Cette déclaration de vicinalité    ne  préjudicie    pas aux    tiers ;    d'ailleurs    la présente loi     a soin de   le dire   et  de   les  rassurer.

 

Ainsi, supposons que les       arrêtés    des  administrations provinciales déclarent     un chemin vicinale   en fixent  la largeur   ; que,   dans la largeur donnée  au  chemin,   on eût porté    atteinte   à  la propriété   ďun  tiers,   ce tiers serait fondé à porter     son action  devant  les  tribunaux,      et  les  tribunaux    seraient  compétents   pour juger    la   question   d'indemnité,   pour statuer   sur l'indemnité qui pourrait être   réclamée  par  ce tiers.  »

       

Quant à ce que vient de demander l'honorable  M. Verhaegen, disait   encore M.  Dubus aîné,  comment il  faut   entendre dans Part.   11   les mots chemins  et sentiers vicinaux   , je réponds qu'il    faut les    entendre   comme   la loi   tout   entière   les  entend.

 

Pour quels chemins  et sentiers faisons-nous la loi?

 

Tous ceux auxquels le   restant de   la loi s'applique, Part.  12  s'y applique également.    Mais je   ne veux    pas ajouter   à  l'art.   12  des expressions qui    ne  se  trouvent pas   dans les autres articles   , et qui pourraient   faire croire que     l'art.   12   est   plus  étendu  que les autres;   à mes yeux  les servitudes vicinales  de passage sont comprises dans l'art. 1er; elles sont  également comprises  dans Part,  12.  » (Monit.     du  8 février 1840.)

 

M. Desmet,    demanda  lors du   second vote,  à la séance du  25  février 1840, ce  que l’on   entend  ici par chemin vicinal.     «On  a déjà répondu, dit-il,  à l'occasion de la discussion d'un   autre article, que    les chemins  vicinaux sont des chemins publics   ;  s'il en  est ainsi, pourquoi  ne pas mettre dans la loi  :    chemins publics,    au lieu   de :  chemins   vicinaux?

 

Nous   connaissons trois espèces   de  chemins :   les grandes routes, les chemins publics et les chemins     privés; la dénomination de chemins publics que je  propose donnera  une distinction claire et précise      des chemins vicinaux.

 

M.  Lebeau  :  « Je crois qu'on devra    retrancher  de l’art.   11  Ie  mot   sentiers   comme conséquence      de sa suppression dans l’article premier.    - Quant aux observations de M. Desmet, je ne les crois pas      fondées. Le   mot   chemin   vicinal    comprend    les grandes comme  les petites communications quand     elles  sont publiques.     Dans la  loi   francaise,   on a compris qu'il fallait entendre ainsi les chemins publics d'intérieur     ou  les chemins vicinaux.   »

 

M. le ministre de l'intérieur et des allaires étrangères : « D'après   le  vote d'hier   on a supprimé le mot sentiers,   et  il  ne peut rester  aucun doute que  les mots chemins vicinaux s'appliquent à toutes les        communications publiques    intérieures.   »

 

M.  Desmet :  « Je retire   ma proposition, j'ai    mon  apaisement;  mais  ne  devrait-on   pas faire mention  de la  signification    donnéc  aux   chemins vicinaux  dans  le   procès-verbal ? » (Monit.     du  26  février  1840.)

 

«l19csuffit pas qu'un chemin ou sentier soit porté au plan prescrit par  la loi, disait M.   de Theux,  pour qu'il n'y  ait  pas  ouverture  à demande d'indemnité de la part de celui qui    se croirait propriétaire du terrain.     Mais  cette demande d’indemnité  serait à   coup sûr  couverte par   Ie laps  de 30  ans.

 

Il est bien   évident que  le plan   dressé   par l’autorité publique constitue,   au profit de la commune,  un  titre public qui n’ôte pas le droit de propriété,  mais la  commune  conserve le droit d'avoir le passage tel qu'il    est décrit  au plan ;   ce droit résulte  de l’approbation    donnée  par   la députation    provinciale   au  plan   dressé   par   l'autorité    communale.

 

» Il    ne  reste plus  alors   d'ouverture    que  pour une simple demande   d'indemnité.    Cette demande   doit nécessairement être    prescrit par le      laps de  50  ans , puisqu'il   ne s'agit plus que      un objet

pécuniaire. Si   on jugeait a propos d’abréger le délai,  pour  ne pas laisser la  commune sous le coup d'une  réclamation     éventuelle   pendant  trente   ans ,   le délai .de  10  ans et  même celui   de 5 ans serait ,  à coup sûr,   suffisant pour que  les propriétaires formassent  une réclamation   en indemnité.   »

     

M. Verhaegen   :  « J'ai   demandé la parole pour faire observer qu'il    n'est  pas  exact  de  dire   que,    quand un chemin   est indiqué   dans un plan , il   ne  s'agit plus d'examiner que la question d'indemnité.

  

 C'est  la question   de propriété qu'il y aurait lieu d’examiner.    La  commune  ne  pourrait pas dire :

 J'ai compris tel chemin , tel sentier dans   mon plan, il  ne s'agit plus que de    vous donner,  à  vous propriétaire,  une indemnité. La question de propriété  serait jugée,    et  si  le propriétaire établissait       son  droit,  la commune serait évincée,  à moins de  remplir les formalités  prescrites  en  cas d'expropriation pour   cause d'utilité publique.

 

Nous avons  rejeté   la prescription     en  faisant  abstraction de tout titre quelconque ou de   ce qu'on    pourrait considérer     comme un  titre ;   je  n'irai pas  maintenant   admettre que  ,   quand  la  commune  a  fait son  tableau et y  a compris   un chemin  ou passage public  d'un   endroit  a l'autre,    elle s'est créé      un droit.   »

 

M.   le   ministre    de  l’intérieur     et   des affaires  étrangères :  « Quand j'ai   dit que  les plans

 constituaient  un titre positif    au pro6t des communes, j'ai dit que c'était    un  titre administratif,  et  que si la commune consentait à payer  l’indemnité en suivant  les  formalités prescrites     en  matière   d'expropriation pour cause d'utilité publique, elle devait  rester  en possession du chemin.

       

»  J'ai dit,    en outre,   que , dans tous  les  cas, la  demande en indemnité du propriétaire  ne pourrait     durer   au delà   de 50 ans,  parce que le plan    constitue,  au profit de     la   commune,  une  possession     fondée sur  un titre. Or, la possession accompagnée   d'un  titre   met à l’abri de toute réclamation     en indemnité  - je crois que,    pour  rester   dans les principes, il ne faudrait  même exiger que la possession

 de  10  ans ; car le titre    et la possession de 10 ans,  si on ne réclame pas pendant ce laps de temps,  

entraînant   la prescription   ,  aucune réclamation,  de  quelque  nature qu'elle soit   ,  ne peut plus être   ac cueillic.

        

 »  C'est une proposition     que je   me  réserve  de   faire lors du second vote,   » (Moniteur du 8 février 1840.) La proposition n'a pas été faite.

 

(1)«Un honorable membre , disait M. Dubusainé,  a proposé  un changement de rédaction   dans l’article 12, lequel à mes yeux, n'est autre chose que  le  renversement de cet article.

» Au  lieu de dire que les chemins    vicinaux sont imprescriptibles      aussi longtemps qu'ils       seront  à l'usage  public     ,   on propose  de déclarer   les  chemins   vicinaux   imprescriptibles    aussi   longtemps  qu'ils n'ont pas été abandonnés    ou supprimés par  l'autorité compétente, conformément à la présente loi.- De manière que, par cela seul qu'un chemin aurait été, a   une époque quelconque, porté  sur  un  tableau de chemins vicinaux,   une révolution même de plusieurs siècles  ne serait pas suffisante pour   en  constater  la légitime suppression. C'est    là assurément  une  disposition   exorbitante,    et  il   faudrait  tout au moins  un pressant motif d'utilité publique  pour   introduire    une dérogation aussi  notable  aux  principes généraux en matière de prescription, qui,  en  définitive,    sont  les  principes    qui   consacrent  toutes les propriétés  ;  car  tout  le monde   sait  que  par la suite des temps les titres s'égarent; que c'est   la possession en définitive qui légitime les propriétés.   Or,  ici  cette possession ne serait jamais suffisante contre la représentation d'un acte,     si ancien qu'il fût,  constatant qu'il a  existé  autrefois    un  chemin dans  un  endroit  ou une direction quelconque.   Quant a moi, je   n'admettrai   pas cette disposition d'une rigueur excessive.-Je pense que  nous  ne devons avoir aucun doute que, quand  une communication   vicinale a été abandonnée de fait pendants 30 ans,  c'est qu'il n'y    avait  pas de vicinalité proprement dite:       car cette vicinalité consiste dans  l'utilité publique;  or,  un motif d’utilité publique  qui  serait demeuré ignoré    ou oublié depuis   trente ans,  ne peut  pas être admis   comme subsistant.

 

» Mais,     dit-on,    ce  chemin  peut  avoir   été déserté pendant quelque temps   comme peu utile,  et   les circonstances peuvent  le  rendre   utile dans   la suite.  Eh bien, alors,   ce seraient ces circonstances

 qui  rendraient nécessaire d'en déclarer la      vicinalité,  si le chemin   avait été abandonné pendant

 l’époque  voulue  pour  la  prescription.    Car,   remarquez-le bien, l’utilité générale     est  un  titre   pour les communes  a  une communication quelconque ;   seulement, lorsqu'en    vertu   de  cette utilité,    une  commune   requiert    la   communication,  elle   doit  payer   l'indemnité  :   et  il   me  paraît éminemment  juste qu'on   paye l’indemnité   à   celui qui possède   depuis trente, quarante    ou cinquante  ans, depuis   un siècle même.   2 (Monit.   du  8 février 1840.)

       «La rédaction dont je m'occupe, disait-il encore,   porte que les chemins et sentiers vicinaux      sont imprescriptibles aussi longtemps qu'ils servent à l’usage public; M. Peeters  voudrait que l’on y ajoutât   ces mots : et qu'ils n'ont   pas été entièrement supprimés. Il    me parait évidant, messieurs, qu'aussi    longtemps qu'un   chemin sert   à  l’usage public,   il n a  pas été entièrement supprimé. Dès     lors  ceux    qui  trouveront dans   la loi   une adjonction  comme   celle proposée par l’ honorable M.     Peeters en chercheront  un autre motif que celui qui     a  été donné   par   l’honorable  membre ;   et  ils   seront amenés à  donner à   l’article  un autre   sens. Qu'arriverait-il, par exemple, si un chemin qui traverse deux sections d'une commune et qui est coupé lui-même par d'autres chemins, venait  à être entièrement supprimé dans une de ces sections, tandis qu'il serait  maintenu dans l'autre section? Ne viendrait-on pas  dire  alors que c'est ici le cas de l'application de la disposition additionnelle proposée par M. Peeters, que le  chemin,  au moins en tant qu'il  s'étend de tel  point à tel autre point  n'a pas été entièrement  supprimé ? Or, ce serait  là  s'écarter entièrement du but  que se propose l'art. 12. -    Je suppose un chemin d’une demi-lieue d'étendue, qui ait été reconnu inutile  et supprimé dans un parcours d'un quart   de lieue ;  ce chemin n'aura  pas pour cela été entièrement supprimé, aux termes de l'amendement de M. Peeters ; mais sur une étendue d'un quart  de lieue, il ne sert plus à l'usage public; évidemment si la partie qui  ne sert plus à l'usage public  est occupée par un particulier,  ce particulier peut  l'acquérir   par  la  prescription ;  cependant, avec l'amendement de M. Peeters, il s'élèverait des  doutes à cet égard, puisque le chemin n'a pas été  entièrement supprimé, de sorte que c'est précisément  parce que cette addition  à l'article  entendu  dans le sens que je lui donne, forme un pléonasme,  que, je la trouve dangereuse, et que je m'opposerai  à I adoption de cet amendement. »

     (2)  « Un honorable membre voulait retrancher la  dernière  partie de l'article  , consistant  en ces  mots :  sans  préjudice  aux  droits   acquis  antérieurement à  la  présente loi,  parce  que,  disait-  il ,   cela  suppose qu'il  soit possible qu'antérieurement cette imprescriptibilité,  restreinte dans les  termes dans lesquels elle est limitée par l'art. 12, n'aurait  pas existé ; or,  ajoutait-il,   elle   a existé généralement et  partout.-Voilà     une  assertion,  disait M.  Dubus, qu'il faudrait  appuyer d'une démonstration complète. Jusque-là il sera permis de  douter  qu'il   en ait été ainsi en tout temps et partout avant le moment actuel.-Ce  qui  est certain,  c'est que cette clause de non-préjudice aux   droits  acquis antérieurement à la présente loi, ne fait que  consacrer le respect de ces droits acquis, sans reconnaître pour cela qu'il  y en ait.  Ce n'est qu'une  réserve et rien  de plus. » ( Monit. du 8 février 1840.)

      Cette clause donna également lieu au sénat à un  débat soulevé par M. le comte de Renesse : « L'article  12,  disait-il,   soulève une question des plus   graves ; en y énonçant l’imprescriptibilité des chemins on y a consacré un principe vrai et incontestable ; mais en  y  ajoutant  :  sans préjudice aux droits  acquis  antérieurement à  la  présente loi ;  cette clause pourra faire naître une masse de contestations et de procès. -  Des contestations s'élèveront justement par  rapport aux  empiétements.  Les riverains qui auront empiété viendront opposer,  à  la reprise  des terrains, de prétendus droits acquis par la prescription,  et ils s appuieront sur les termes sans préjudice aux droits acquis antérieurement.-Or,   d'après l'art.  2219 du Code, la prescription  est un moyen d'acquérir ou de se libérer  par  un certain  laps de temps et sous la condition déterminée par la loi ; et d'après l'art. 2262, toutes prescrites par  trente ans sans que celui   qui  allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre  ou qu'on puisse lui opposer l'exception de  la  mauvaise  foi.  -   Lorsque  les propriétés  sont closes, il est évident que les passages accordés entre  les clôtures aux particuliers sont de pure tolérance,  que le propriétaire  est le maître de les supprimer  à volonté ; mais quant aux propriétés ouvertes , les  chemins qui y sont pratiqués, offrant  souvent aux  habitants un passage plus commode, l’usage en devient public  peu à peu , et au bout de certain laps  d'années, comme il  n'existe plus  de traces de la propriété, les communes les réclament comme publiques. -    C'est de cette manière que  la plupart des communications vicinales n ont pas eu, en effet, d'autre origine, à l'exception pourtant des chemins  ordonnés par les gouvernements et les provinces ,  et ceux établis par les particuliers pour leur propre  besoin, qui sont encore devenus publics par le long  usage des habitants.

      » En général, la plupart des communications vicinales sont , comme le dit le législateur  romain ,  des voies qui ont  été faites  aux  dépens de propriétés  rurales  particulières ,  mais de la  cession  desquelles il n'existe pas mémoire d'hommes ; on peut  donc les ranger parmi les chemins vicinaux :  la  présomption est en faveur du public ;  il est en  jouissance, à moins de prouver  le  contraire  par  titre.   -   Des motifs graves faisaient réclamer une  législation  nouvelle pour  réprimer   les  empiétements faits par les riverains, que la négligence des  municipalités, par des considérations personnelles  ou par des propres intérêts, encourageait.-L'imprescriptibilité  des chemins a été reconnue par les  lois anciennes et nouvelles. Plusieurs ordonnances  et  coutumes de France  et  de ce  pays-ci ordonnaient des peines contre les usurpations des chemins.  -   Selon la charte  du Hainaut de 1619 , on  ne pouvait diminuer ni  les chemins ni les rivières,  leur  largeur  devait rester.  -   Louvrex  , dans son  tome Ill  , p. 214 , s'exprime ainsi : « Les coutumes du pays de Liège désignaient la  largeur des chemins , et  selon ces  coutumes les particuliers  ne  pouvaient prescrire. n -   Le placard de 1764 proclamait  hautement  l'imprescriptibilité    des  chemins,   et  ordonnait même d’abattre   les  arbres,  haies, qui  étaient plantés en dedans des largeurs;  on devait élargir les  chemins du côté des propriétés riveraines où  l'emprise avait été constatée, et en cas de doute, des deux côtés également. » (Monit.  du  6 mars 1841.)

      M. le ministre de l’intérieur   :  « Si j'ai bien compris le  discours de l'honorable comte de Renesse,  il  a craint que les derniers mots de l'article : sans  préjudice  des droits  acquis antérieurement à  la présente toi, donnassent naissance à une foule de  procès qui pourraient ruiner  les communes. Si tel est le résumé de son discours, il est facile d'apaiser ses craintes.-Pénétrez-vous bien, messieurs,  du sens de Part.12. Que dit cet article? « Les chemins vicinaux, tels qu'ils  sont reconnus et maintenus par  les plans généraux  d'alignement et de  délimitation,  sont imprescriptibles aussi longtemps  qu'ils  servent à l’usage public, sans préjudice aux droits  acquis antérieurement à la présente loi.» -

 

Ainsi, du moment qu'un chemin vicinal figurera sur les plans définitivement arrêtés, il sera imprescriptible en ce sens que les propriétaires riverains auront beau empiéter sur la largeur, pendant 10 , 20, 30, ou 40 ans, tant qu'une partie du chemin sert toujours à l’usage public, les communes invoquant les plans et l'usage public auquel il n'a pas cessé de servir, pourront réclamer le chemin dans toute sa largeur, dans toute son intégrité, tel qu'il figure sur les plans. Les chemins ne commencent à être prescriptibles que du moment où ils cessent de servir à l'usage public. On ne peut pas supposer qu'un chemin vicinal incorporé dans une propriété riveraine, reste dans cet état, enlevé tout à fait à l'usage public, sans aucune réclamation. - Ils ne seraient prescriptibles qu'autant qu'ils auraient cessé pendant 50 ans de servir à l’usage public. - Mais quand ils servent à un usage public, quand même on aurait empiété, de manière à réduire à un simple sentier un chemin de 12 mètres, l'usage public n'ayant pas cessé,  ils restent imprescriptibles. Ce principe est si vrai, qu'il serait presque inutile de l'insérer dans la loi il a été reconnu de tout temps que les chemins qui servent à l'usage général des habitants sont imprescriptibles; c'est un principe d'éternelle justice consacré par le Code civil, par la législation romaine, et par la législation coutumière.

 

» On a ajouté ces mots : sans préjudice des droits acquis antérieurement à la présente loi. Si l'honorable comte de Pienesse avait attaqué cette disposition comme ne pouvant jamais recevoir d'application ; s'il avait dit : Je ne conçois pas que quelqu'un ait pu acquérir des droits sur un chemin qui sert à l’usage public, je comprendrais mieux son opposition: mais, messieurs, personne de nous n'a assez présentes à la mémoire toutes les dispositions en usage dans les communes, pour savoir s’il n'en est pas une qui aurait accordé aux riverains le droit de prendre une partie de route, alors même qu’elle servirait à l'usage public. C'est donc pour ne pas porter atteinte aux droits acquis que la chambre des représentants a adopté cette disposition. - J'avoue que, dans mon opinion, cette disposition ne recevra jamais son application ; je ne crois pas qu'il existe dans le pays une seule commune où on ait pu accorder à quelqu'un des droits sur un chemin qui a continué à servir à l'usage général des habitants. Mais enfin, c'est par respect des droits acquis que la chambre des représentants a ajouté ces expressions.*

 

M. le baron de Macar : « La loi actuelle décide que, pour l'avenir, les chemins vicinaux seront imprescriptibles; mais, quant au passé, elle laisse la législation antérieure en pleine vigueur, et dans la législation actuellement existante les chemins sont

imprescriptibles ;je ne sache pas qu'il existe aucune coutume qui y ait dérogé. On n'a pas voulu, par les mots droits acquis, donner à ceux qui ont fait des empiétements plus de droits qu’ils n'en avaient. Ils n'en avaient pas ; ils ont pu posséder depuis 40,50.ans, mais cela ne constitue pas un droit.

 

» En vertu de quoi demanderait-on la prescription ? En vertu de quel titre? Serait-ce en vertu d'une vente entre tiers? Mais on ne peut spolier la commune. Il y a dix ans, vingt ans qu'un contrat aurait eu lieu entre Pierre qui n'était pas propriétaire et Paul qui par conséquent n'aurait pas dû lui acheter ; cela n'ôterait à la commune aucun des droits qu'elle avait antérieurement. D'après la législation antérieure, la commune avait des droits, et on ne peut pas les lui enlever. La loi a donc dit tout ce qu'elle pouvait dire, et le dernier paragraphe de l'art. 12 n'est qu'une précaution surabondante pour garantir les droits acquis. »

 

« Un chemin n'est imprescriptible ajoutait encore M. Liedts , ministre de l'intérieur , que tant qu'il doit servir à un usage public. Mais, dit-on, si la négligence des administrations locales laisse supprimer un chemin vicinal, qui sera incorporé dans un champ riverain, au bout de 50 années on pourra invoquer la prescription. Cela est vrai, messieurs ; mais il faut supposer que ce chemin ait cessé pendant 50 ans de servir à l'usage public ; tandis qu'un chemin de 12 mètres, fût-il réduit à un simple sentier, dès l'instant que la généralité des habitants en fait usage, on peut en tout temps exercer les droits de la commune.-Je trouve que ce serait bouleverser tous les principes que de déclarer qu'un chemin vicinal est tellement imprescriptible, que quand bien même il aurait cessé de

servir à un usage public, son imprescriptibilité continuerait toujours. Jamais l’imprescriptibilité n'a été entendue de cette manière. Quand l'usage public cesse, le chemin vicinal rentre dans la catégorie des choses ordinaires, il devient prescriptible.

 

» Vous remarquerez en outre que la loi communale a consacré une garantie très-précieuse pour les droits des communes, car dans le cas où une administration communale n'exercerait pas ces droits, les habitants de la commune peuvent les exercer à leurs risques et périls.-S'il y avait une administration assez peu soucieuse des intérêts de la commune, pour laisser supprimer un chemin tout entier, il se trouverait des habitants disposés à exercer les droits de la commune, ou à dénoncer l'administration aux autorités supérieures. Il faudrait encore supposer une administration qui continuerait pendant trente ans ; car les trente ans ne courent qu'à partir du jour où l'usage du chemina été totalement supprimé ; tant que le public en fait usage, le chemin est imprescriptible dans toute sa largeur. - On a supposé la vente d'un chemin.

Je suppose qu'un chemin vicinal ait été compris dans un acte de vente, au bout de 50 années pourrait-on invoquer ce titre? Nullement. Ce titre n'aurait aucune valeur, il ne pourrait être invoqué que pour autant que le chemin aurait été supprimé, et supprimé pour 50 ans. » ( Monit. du 7 mars 1841.)

 

(1) L'art. 15 du projet du gouvernement était ainsi conçu : « Les dépenses relatives aux chemins vicinaux sont à la charge des communes.-Néanmoins, les conseils provinciaux pourront statuer que ces dépenses demeureront en tout ou en partie à la charge des propriétaires riverains là où l’usage en est établi. - Il n'est rien innové, par le présent article aux règlements des wateringues, ni aux obligations particulières légalement contractées. »

 

Cet article a subi quelques changements et adonné lieu à de grandes discussions, surtout en ce qui touche son § 2.

« La 1ire section, porte le rapport de la section centrale, voudrait que l'usage ne fût pas admis comme titre suffisant pour forcer les propriétaires riverains à continuer à entretenir les chemins qui longent leurs propriétés. - La deuxième section veut que la règle générale soit que, là où il n'y a pas de revenus communaux suffisants pour y pourvoir, les dépenses d'entretien des chemins vicinaux soient à charge des habitants et de toutes les propriétés situées sur le territoire de la commune. -

 

La 5e question a été divisée d'opinion sur le point de savoir si l'usage suffirait pour continuer à faire supporter les frais d'entretien aux propriétaires  riverains des chemins. La moitié des membres de la section veut bien admettre l'usage comme titre suffisant, s'il ne s'agit que de charger les riverains des réparations ordinaires, sans fournitures de matériaux ou de fascines ; elle le rejette au contraire , s'il s'agit de leur faire suppor.ter l'entretien pour le tout et sans exception d'aucune partie de la dépense. - Les autres sections ont adopté.

 

» On voit par les observations qui précèdent que cet article fait surgir une question grave, pour la solution de laquelle il ne sera pas inutile de connaître la manière dont il a été pourvu jusqu'à ce jour aux réparations des chemins vicinaux dans les diverses provinces du royaume.

 

» Dans les provinces d'Anvers, de Hainaut, de Namur, de Liège , de Limbourg et de Luxembourg, l'entretien des chemins vicinaux a été de tout temps une charge communale ; il en était de même dans la province de Brabant pour les chemins vicinaux proprement dits : mais il y avait exception pour les chemins d'aisance et les sentiers qui devaient être réparés et entretenus par les propriétaires riverains. - Dans les deux Flandres, au contraire, on rencontre une législation différente qui remonte à une assez grande antiquité. Là, tous les chemins vicinaux étaient et sont encore aujourd'hui entretenus par les propriétaires riverains; les mêmes propriétaires curent les fossés qui bordent les chemins, ainsi que les rivières et les cours d'eau, qu'ils sont tenus d'entretenir de tout point à leurs propres frais.

- Les communes ne sont chargées que de l'entretien des ponts et des aqueducs qui existent sur les chemins qui conduisent de commune à commune, ou qui aboutissent à des grandes routes, ou à des passages d'eau où il se trouve des bacs ou des pontons.

 

» Cette législation particulière aux Flandres parait résulter d'usages fort anciens, qui, plus tard, ont été consacrés et confirmés par des ordonnances du souverain, lesquelles ont réglé spécialement, pour ces provinces, le classement, la largeur des chemins, les moyens d'en assurer l'entretien, les personnes qui doivent y pourvoir, ainsi que les officiers qui étaient chargés de surveiller et d'ordonner les réparations. - Lors de la réunion de nos provinces à la France, diverses lois mirent l'entretien des chemins à charge des communes ; l'article 2 de la sect. 6 de la .loi du 28 septembre 1791 portait notamment : « que les chemins nécessaires à la communication des paroisses seraient rendus praticables et entretenus aux dépens des communes sur le territoire desquelles ils étaient établis. » Un arrêté du 4 thermidor an x confirma cette disposition, en statuant, art. 4, « que l'entretien des chemins vicinaux était à la charge des communes, et qu'elles devaient proposer le mode le plus convenable pour effectuer les réparations et pour organiser la manière d'exécuter les prestations en nature. » -Ces lois étaient générales pour la France. Cependant elles ne furent pas exécutées dans les Flandres, ou du moins ou n'y tarda pas à revenir aux anciens usages et à faire entretenir les chemins par les riverains; les préfets de l'empire eux-mêmes renoncèrent à faire exécuter les lois générales qui prescrivaient aux communes d'entretenir les chemins, pour suivre les anciennes coutumes, que tout leur pouvoir n'était probablement pas capable de changer. –

 

Après la chute de l'empire, et lorsque, sous l'ancien gouvernement des Pays-Bas , les provinces furent appelées à faire des règlements pour assurer l'entretien des chemins vicinaux, les charges en furent de nouveau rejetées sur les propriétaires riverains, qui, depuis lors, y ont toujours pourvu ; l'ancienne législation fut de nouveau consacrée par des dispositions formelles de ces règlements : tant il est difficile de se départir des idées et des habitudes enracinées depuis longtemps! - Lorsque le gouvernement rédigea le

projet de loi dont nous nous occupons, sa pensée fut de ne rien changer à cette législation des Flandres à laquelle elles semblaient si attachées; le projet fut rédigé dans le but de respecter ces usages, s'il était reconnu qu'ils forment une obligation valable et légale pour les propriétaires riverains des chemins.

 

» Les députations des conseils provinciaux des deux Flandres ont demandé que la règle générale que l'entretien des chemins devait être supporté par les communes, pût subir une exception pour la lisière maritime de ces deux provinces, où les wateringues sont dans l'usage de les entretenir, en même temps que les digues sur lesquelles ils sont établis. - La députation du conseil provincial de la Flandre-Occidentale a été plus loin; elle a demandé que l'exception pût être étendue à toute cette province, où l'entretien des chemins a été de tout temps à charge des riverains, « coutume qui s'est tellement, dit-elle, identifiée avec les mœurs, que la domination française a inutilement tenté de la détruire, et qu'on ne pourrait encore l'attaquer aujourd'hui, sans faire surgir des obstacles insurmontables et les abus les plus graves.»

 

- Les partisans de cet ordre de choses ajoutent qu'il ne serait pas équitable de libérer certaines propriétés de la charge de l'entretien des chemins, pour rejeter cette charge sur la généralité en la faisant supporter par les communes. Les possesseurs des propriétés riveraines des chemins, ajoutent-ils, les ont acquises avec cette servitude

Et à un prix calculé d'après cette charge: les libérer, c'est leur faire une faveur au préjudice des autres propriétés situées dans la commune, qui jusqu'à présent n'ont pas supporté cette charge.

 

- Cependant ces raisons ont été combattues dans la section centrale ; on a répondu qu'il était injuste de laisser peser sur quelques propriétés la charge de l'entretien des chemins dont elles profitent toutes ; qu'il est injuste que la propriété foncière entretienne seule des chemins dont les commerçants, les rentiers se servent comme elle, sans contribuer en rien à cet entretien ; enfin que ce mode nuit au bon état des chemins, parce que les propriétaires riverain9 cherchent tous les moyens de se soustraire à l'obligation d'entretien qui est auvent très-onéreuse.

 

» La section centrale n'a pas cru que dans un pareil état de choses la loi actuelle doive prescrire d'une manière absolue que les chemins vicinaux seront dans tous les cas entretenus par la commune , à l'exclusion des riverains, ou par ceux-ci plutôt que par la commune. - Elle a pensé qu'il était préférable d'adopter la disposition du projet qui laisse aux conseils provinciaux le soin de rechercher et de consacrer dans les règlements qu'ils devront faire, le mode qui sera le plus juste, et qui fera surgir le moins de résistance de la part des contribuables. - La section a considéré que si les usages constituent une obligation légale et valable pour les riverains, il ne serait pas juste de toucher à des droits acquis; que du reste les conseils provinciaux doivent savoir mieux

que personne si ces usages constituent une obligation valable, et que, par suite, c'est à eux à se prononcer, lorsqu'ils s'occuperont de reviser leurs règlements. - On n'a allégué aucun motif d'utilité ou d'équité suffisant pour déterminer le législateur à annuler les obligations des riverains qui seraient légales, et dont les communes réclameraient l'exécution ; d'un autre côté, la section, ne pouvant se prononcer sur leur légalité, vous propose l'adoption de l'article, en supprimant toutefois le § 2. Néanmoins..., qu'elle regarde comme surabondant et inutile, le dernier paragraphe indiquant à suffisance que l'on n'entend porter aucune atteinte aux obligations valables en Vertu desquelles des particuliers seraient tenus à entretenir soit les chemins vicinaux en général, soit une certaine classe de ces chemins, ou seulement certains chemins.

 

» La majorité de la section a pensé que la phrase : ni aux obligations particulières légale

ment contractées, s'appliquait à toute espèce d'obligation, soit qu'elle résulte de titres, d'usages , de lois et même de prescriptions, du moment qu'elle est reconnue valable et légale... Il serait dangereux de maintenir le $ 2, parce qu'on pourrait en induire que la loi aurait voulu consacrer et confirmer des usages qui ne seraient pas obligatoires. » (Rapport de la section centrale. - Monit. du 31 janvier 1839.)

 

Comme on le voit , la section centrale proposait la suppression du § 2 de l'article. Lors de la discussion de la loi en 1839, un long débat s'établit sur ce point, et la suppression du paragraphe fut admise. La question fut renouvelée en 1840, plusieurs amendements furent produits, et à la séance du 10 février la chambre renvoya l’article et les amendements à la section centrale , qui présenta son rapport à la séance du 14, par l'organe de M. dΉuart : l'on trouvera dans ce rapport le résumé de la discussion et l’examen des divers amendements proposés.

 

« L'article 13 ayant été remis en délibération dans vos dernières séances, a dit le rapporteur, souleva de nouveau un long débat, à la suite duquel vous avez renvoyé à la section centrale, à l'effet de rapport et conclusions, différents amendements qui vous ont été présentés. - Toutefois, le principe général posé dans le paragraphe premier, que les dépenses relatives aux chemins vicinaux sont à la charge des communes, n'a pas été l'objet d'une sérieuse controverse ; les difficultés n'ont surgi que pour les exceptions qui ont été réclamées à ce principe. L'analyse des amendements qui font l'objet de ce rapport suffira pour le démontrer.-Le $ 2, tendant à donner aux conseils provinciaux le pouvoir de statuer que les dépenses demeureront à charge des riverains là où l’usage

en est établi, n'a point paru destiné à obtenir cette fois plus d'accueil dans la chambre qu'il n'en avait reçu il y a un an ., et sans renouveler ici les motifs qui ont été donnés pour son rejet, la section centrale se permettra de considérer dès maintenant la première résolution comme confirmée à cet égard. - M. Dubus alné, auteur d'un

des amendements, a proposé de conserver le § 3 tel qu'il avait été d'abord modifié par la chambre, tandis que MM. de Roo et de Langhe demandent, au contraire, le retranchement de la disposition qui concerne les usages locaux en vertu desquels les riverains seraient tenus à l'entretien des chemins vicinaux. Cependant l'amendement de M. de Langhe est moins absolu que celui de M. de Roo, en ce sens qu'il n'abroge point ceux des usages locaux qui seraient le résultat d'obligations légales des particuliers.

 

» Vous vous rappellerez, messieurs, que le dissentiment élevé à ce sujet entre différents membres de la chambre touche à une sorte de question de propriété ; ceux qui ont soutenu le maintien des usages locaux, très-anciens dans les Flandres, ont supposé que ces usages n'étaient que le résultat de conventions ou d'obligations ; que, par exemple, les avantages de la plantation des chemins vicinaux par les riverains pouvaient leur avoir été concédés sous la condition onéreuse de pourvoir à l'entretien de ces chemins ; les orateurs opposés à cette opinion ont prétendu que la charge qui pesait sur les riverains, notamment dans les Flandres, ne devait l'existence qu'à des règlements administratifs portés arbitrairement et en contradiction même avec des lois françaises publiées dans le pays et exécutées depuis 40 ans dans les autres provinces de la Belgique. – De cette divergence, qui a introduit dans le débat une corrélation entre l'obligation prétendue des riverains d'entretenir les chemins et les avantages qu'ils retirent de la plantation, sont nés les amendements de MM. Cools, Peeters et de Mérode. -  Le premier confère en général aux communes la faculté de racheter le droit exclusif de planter les chemins vicinaux, et pose dans la loi les hases de l'indemnité à fournir de ce chef aux riverains par les communes en tenant compte, pour le règlement de cette indemnité, de la corrélation qui pourrait exister dans certaines localités entre l'obligation pour les riverains d'entretenir les chemins et le droit d'y faire des plantations.

 

– Le second affranchit de la charge de l'entretien des chemins vicinaux par les riverains, dans tous les cas où ceux-ci n'auraient point le droit de faire des plantations, ou s'ils faisaient l'abandon de ce  droit au profit de la commune. - Le troisième enfin, force les riverains qui auraient actuellement l'obligation d'entretenir les chemins vicinaux à racheter cette charge par une indemnité envers la commune, payable en 10 annuités égales.

 

» La section centrale, après avoir entendu les nouveaux développements qui lui ont été donnés par les auteurs de ces amendements, a été unanime pour écarter toute disposition qui tendrait à consacrer la force obligatoire d'usages locaux n'ayant d'autre origine que celle de simples mesures administratives; mais elle a été également unanime pour s'opposer à toute rédaction qui pourrait avoir pour conséquence de léser des droit acquis, soit par les communes, soit par les riverains, en vertu d'obligations antérieures. Il lui a paru que, s'il était de ressence d'une loi générale de poser des principes uniformes pour toutes les provinces, il était également conforme aux conditions caractéristiques d'un acte législatif, de respecter les obligations antérieures qui peuvent exister entre des tiers. - L'exposé de cette opinion de la section centrale simplifie considérablement l'examen qui lui reste à faire des amendements de MM. Cools, Peeters et de Mérode ; il en résulte, à ses yeux, l'inadmissibilité de ces amendements, qui sont en effet en désaccord avec la double supposition de la suppression des usages locaux qui ne subsistent que par le fait d'actes administratifs , et du maintien dés obligations antérieures entre la commune et les riverains. - La première partie de l amendement de M. Cools a d'ailleurs semblé surabondante dans toutes les hypothèses, attendu que, s'il y a utilité publique pour la commune à exproprier les riverains du droit de faire des plantations, elles ont le moyen d'y parvenir en recourant à la loi spéciale sur les expropriations pour cause d'utilité publique; la seconde partie du même amendement, qui n'est qu'une conséquence de la première, serait au surplus peu conciliable avec l'art. 11 de la Constitution, puisque le mode de payement en rentes, qu'elle consacrerait, ne satisferait pas à la condition de l'indemnité qui doit être préalable à l’expropriation. - L'amendement de M. Peeters serait contraire au principe de la conservation des droits acquis de la commune, parce que des riverains pourraient avoir contracté l’obligation d'entretenir le chemin vicinal contre une compensation autre que celle qui résulterait de la faculté de faire des plantations.

 

- Enfin, l'amendement de M. de Mérode, qui renfermait en lui la même tache d'inconstitutionnalité que celui de M. Cools, imposerait aux propriétaires qu'il atteindrait une obligation qui s'écarterait des exigences de la rigoureuse justice, dont le législateur ne peut s'abstenir , surtout lorsque, comme dans l'espèce , de grands intérêts politiques ne dominent point le sujet de ses résolutions.

 

- Vous avez été saisis, messieurs, à propos de la discussion du même art. 13 , d'un amendement de M. Dubois, soumis aussi à la section centrale. Cette proposition, que vous avez tous sous les yeux, jette quelques bases d'un système tout nouveau, qui embrasse à la fois les chapitres 1, 2 et 5 du projet. Il n'entrait donc point dans la mission actuelle de la section centrale de délibérer sur toutes les dispositions de cet amendement. Abordant spécialement ce qui peut en être considéré comme rentrant dans la partie des dépenses, la section centrale n'hésite pas à y refuser son assentiment.

L'imposition par canton et celle qu'il faudrait organiser parallèlement par commune, indépendamment des frais qui seraient supportés par les riverains amèneraient des difficultés administratives évidentes, sans obtenir, comme compensation de cette complication, aucun avantage apparent pour atteindre le but. - Les diverses considérations qui précèdent ont déterminé la section centrale à vous proposer la rédaction suivante qui remplacerait Part. 15 : a Les dépenses relatives aux chemins vicinaux sont à la charge des communes.

 -Néanmoins, des règlements provinciaux détermineront les communications vicinales à la dépense desquelles les communes ne devront point pourvoir. Désignation de ces communications sera faite dans les plans généraux d'alignement et de délimitation. - Il n'est rien innové, par le présent article, aux règlements des wateringues ni aux obligations des propriétaires riverains, résultant de droits acquis aux communes antérieurement à la présente loi. »

« Vous remarquerez, messieurs, que cette proposition renferme une disposition nouvelle sur la désignation des communications vicinales exclusivement à charge des communes. La section centrale a pensé qu'une telle stipulation, qui était de nature à satisfaire aux reproches adressés sur l'absence de définition des chemins vicinaux dans la loi, trouvait naturellement sa place dans l'article qui pose le principe des dépenses. De la manière dont cette stipulation est formulée, les obligations et les droits des communes seront l'objet de toute la publicité désirable ; l'espèce d'enquête que vous avez adoptée pour la confection des plans généraux d'alignement et de délimitation, sera une garantie suffisante pour les riverains qui, d'ailleurs, conserveront en outre leur recours devant les tribunaux , si le conseil provincial n'était point favorable aux réclamations produites en dernier ressort administratif. – La section centrale ne s'est point dissimulé qu'en cas de contestation portée devant les tribunaux, il pourrait s'écouler un certain laps de temps pendant lequel les chemins vicinaux non désignés par les règlements provinciaux comme étant à la charge des communes, seront abandonnés à eux mêmes sans réparation ; mais il n'a pas paru indispensable de pourvoir à cette éventualité tout exceptionnelle, par la double raison que les chemins dont il s'agit seraient nécessairement de très-peu d'importance, c'est-à-dire, très-peu fréquentés, et qu’en second lieu le délai de la procédure ne serait jamais très-long, puisqu'aux termes d'une disposition déjà adoptée , les tribunaux statueront sur les contestations comme pour affaires sommaires et urgentes. » (Moni/. du 15 février 1840.)

 

M. Liedts : « Plusieurs députés appartenant aux provinces des Flandres avaient, dans les séances précédentes, fait voir le danger qu'il y aurait à convertir en loi obligatoire les usages qui existent dans ces provinces, au sujet de l'entretien des routes par les riverains. La section centrale, adoptant cette idée, abandonne aujourd'hui la disposition qui consistait à faire consacrer la force obligatoire de ces usages qu'on pourrait appeler d'anciens abus. - On en est donc revenu à admettre simplement que les communes conservent les droits qu’elles pourraient avoir acquis à charge de certains riverains : c'est ce qui est énoncé au 3e § de l'article qui vous a été soumis par la section centrale : « 11 n'est rien innové par le présent article aux règlements des wateringues, ni aux obligations des propriétaires riverains, résultant de droits acquis aux communes antérieurement à la présente loi. » - Je n'ai aucune objection à faire contre ce paragraphe, car il va de soi que la loi ne peut pas plus enlever à une commune qu'à un simple particulier un droit acquis. Si donc une commune prouve que tel ou tel riverain est obligé d’entretenir le chemin qui longe sa propriété , ce droit lui est conservé par la loi. - Mais, quand je lis alors avec attention ce second paragraphe, j'y trouve qu'un règlement provincial déterminera les communications vicinales, à la dépense desquelles les communes ne devront pas pourvoir. - Probablement cette disposition a pour signification que dans ces cas la dépense sera supportée par les riverains. Si tel est le sens que la section centrale attache à cette disposition, elle serait évidemment en contradiction avec l'exposé des motifs. C'est pour avoir une explication à cet égard que j'ai demandé la parole. »

 

M. dΉuart , rapporteur : « Messieurs, cette disposition n'a pas la portée que lui suppose l'honorable préopinant. En disant que des règlements provinciaux détermineront les communications vicinales à la dépense desquelles les communes ne devront pas pourvoir, la section centrale n'a pas entendu déclarer par là, que les riverains seraient chargés de la réparation des chemins à l'entretien desquels les communes ne sont pas tenues. La section centrale ne statue rien à cet égard : elle laisse, soit aux propriétaires, soit aux riverains, soit aux corporations dont l'honorable M. Dubois fait mention dans son amendement, le soin de réparer les chemins qui pourraient tomber à leur charge. La section centrale entend simplement faire déterminer par les règlements provinciaux les communications vicinales dont l'entretien incombe réellement aux communes. Voilà la seule portée de la disposition. »

 

« Je pense, disait M. Verhaegen, que l'intention de la section centrale est encore conforme à la nôtre, mais je crains que la section centrale, par la rédaction de ce § 2, n'atteigne pas son but; je crains que ce paragraphe, tel qu'il est rédigé par la section centrale, ne soit considéré comme la reproduction de l'art. 1er du projet du gouvernement. Il faudrait faire disparaître les doutes. Ce sera très-facile. Permettez-moi encore sur ce point de proposer un changement de rédaction qui atteint mieux le but de la section centrale que je crois rencontrer dans son rapport et qui est conforme à l'opinion que j'avais moi-même exprimée sur ce point. - « Néanmoins, porte ce paragraphe, des règlements provinciaux détermineront les communications vicinales à la dépense desquelles les communes ne devront point pourvoir.

Désignation de ces communications sera faite dans les plans généraux d'alignement et de délimitation. » - On ne sait pas d'abord si les plans précèdent les règlements provinciaux ou si les règlements provinciaux ne font qu'approuver les plans dressés par la commune, conformément aux premiers articles du projet. Ce qui est plus important, c'est que, de la manière dont ce paragraphe est rédigé, il semble que des règlements provinciaux peuvent, par exception aux principes posés au commencement de la loi , décider que telles communications ne seront pas à la charge de la commune , mais des propriétaires riverains. Si la section centrale n'a pas voulu faire exception au principe général, d'après lequel les dépenses sont à la charge de la commune, son paragraphe est inutile ; car si, dans l'intention de la section centrale, les règlements provinciaux ne doivent porter aucun préjudice aux droits des riverains, c'est-à-dire que si, nonobstant les règlements, les riverains pourront soutenir qu'ils ne sont pas tenus-à la dépense , la section centrale aurait fait quelque chose d'inutile. Car dès qu'on n'est pas d'accord si telle dépense doit être supportée par la commune ou par les riverains, ce sont les tribunaux qui doivent décider. Mais le paragraphe n'a pas cette portée ; d'après la manière dont il est conçu, il semble faire une exception à la règle.

Le mot néanmoins indique une dérogation au principe que l'on vient d'établir.- « Les dépenses relatives aux chemins vicinaux sont à la charge des communes. - Néanmoins, les règlements provinciaux détermineront, etc. » - Si nous, législateurs, nous donnons aux conseils provinciaux la délégation de faire des règlements d'après lesquels les communes ne devront pas pourvoir à l'entretien de certains chemins, y aura-t-il encore possibilité de soumettre aux tribunaux la question de savoir par qui ces chemins devront être entretenus? - Nous avons le droit d'établir tel principe à propos de l'entretien des chemins vicinaux ; de même nous avons le droit d'admettre telle exception au principe que nous avons posé.

Si nous disions qu'en principe général l'entretien des chemins est à la charge de la commune, que néanmoins, c'est-à-dire par dérogation, les règlements provinciaux pourront déterminer les communications vicinales à la dépense desquelles les communes ne devront pas pourvoir, nous donnons aux conseils provinciaux la faculté de faire en sorte que le principe que nous avons posé ne reçoive pas son exécution et se trouve remplacé par celui que nous avons écarté. - Je vois quelle a été l'intention de la section centrale : c'est celle que j'ai exprimée moi-même ; je vois cette intention dans le développement qui suit la rédaction qu'elle propose. Elle a en cela encore fait droit à une de mes observations. Nous avions observé plusieurs fois qu'aussi longtemps que nous n'aurions pas de définition des chemins vicinaux, nous n'aurions rien de bon. Comme on n'a pas voulu revenir sur les premiers pat faits, on a jugé à propos d'introduire une définition indirecte. Je vois que l'intention de la section centrale a été de faire ce que nous avions désiré, une classification des chemins, et de donner aux conseils provinciaux la faculté de faire cette classification. S'il en est ainsi, je ne m'y oppose pas le moins du monde.

Mais pour atteindre ce but, il faut une autre rédaction. - Dans les développements de la section centrale, je lis : « Vous remarquerez que cette proposition renferme une disposition nouvelle sur la désignation des communications vicinales exclusivement à charge des communes. » - Je comprends parfaitement bien cela. D'après ces explications, je ne suis pas étonné de rencontrer dans la rédaction que les règlements provinciaux détermineront les communications à la dépense desquelles les communes ne devront pas pourvoir.

Mais, au lieu d'une négation, je mettrais une affirmation. Je donnerais aux règlements provinciaux la faculté de déterminer les communications aux dépenses desquelles les communes sont tenues.

Vous atteindriez mieux votre but en donnant cette délégation aux conseils provinciaux ; vous leur permettriez de dire : Ces chemins sont vicinaux (la commune doit les réparer. Vous faites suite au principe posé dans le premier paragraphe, au lieu de faire une exception. Remarquez qu'une disposition négative dans une loi est toujours dangereuse, tandis qu'une disposition affirmative est conforme aux premières notions de législation. Le but de la section centrale est de dire que les conseils provinciaux détermineront ce qui est chemin vicinal et à la charge de la commune. Je partage cette opinion. Mais en la formulant dans l'article, au lieu de dire que « les règlements provinciaux détermineront les communications vicinales à la dépense desquelles les communes ne devront pas pourvoir, » disons au contraire «à la dépense desquelles les communes devront pourvoir. »-Il y a d'ailleurs une très-bonne raison pour le faire. Si vous dites que les règlements provinciaux détermineront les communications vicinales à la dépense desquelles les communes devront pourvoir, cela n'exclura pas les autres communications qui devraient aussi être mises à la charge de la commune ; cette question du tien et du mien entre la commune et les particuliers pourra être déférée aux tribunaux, alors que les conseils provinciaux détermineront les communications que la commune est tenue d'entretenir, parce que l'un a exclut pas l'autre. Tandis que ·si vous mettez la disposition négative, vous excluez la décision des tribunaux : d'où je conclus qu'au lieu de maintenir le droit intact et d'en réserver la connaissance aux tribunaux, par la formule négative, vous décidez la question, tandis que pour la formule affirmative vous la laissez entière. » (Monit. du16 février.)

 

M. dΉuart : « Voici ce qui a porté la section centrale à donner à sa formule une locution négative. Elle a d'abord établi en principe que les dépenses relatives aux chemins vicinaux sont à la charge des communes; et ensuite elle a exprimé, par une sorte d'exception, que toutefois les conseils provinciaux détermineront les communications vicinales à la dépense desquelles les communes ne devront pas pourvoir. - Il est évident, messieurs, que le résultat serait le même, de cette manière, que sous la forme proposée 15ar M. Verhaegen, car si les plans généraux de délimitation et d'alignement indiquent les chemins à l'entretien desquels la commune ne doit pas pourvoir, ceux qui ne sont pas compris dans cette catégorie et qui doivent être entretenus aux frais de la commune formeront le complément des chemins portés au plan et se trouveront ainsi tout aussi spécialement désignés que les premiers. – Le changement proposé par l'honorable M.Verhaegen ne changerait donc rien à l'intention de la section centrale, et s'il plaît mieux à la chambre que notre rédaction, je ne vois pas la moindre difficulté, pour mon compte, à admettre que des règlements provinciaux détermineront quels seront les chemins dont l’entretien sera à la charge des communes.

» Quoi qu'il en soit, la rédaction de M. Verhaegen présentera toujours quelque chose d'imparfait, en formant une sorte de redondance; mais du moins elle pourvoira, comme la nôtre, à cette espèce de lacune qui consiste à n'avoir point indiqué dans une loi une autorité chargée de déterminer, sur les plans, quelles seront les communications vicinales à la charge de la commune, alors qu'aucune définition de ces chemins ne résultait plus du texte de la loi amendé par le retranchement, reconnu nécessaire, de l'art.1er.» (Monit. du 16 février 1840.)

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « On a demandé si les anciens règlements des Flandres pourront encore être observés nonobstant les termes de la loi. A cela je réponds que non. Il est évident que ces règlements sont abrogés parle premier paragraphe de l'article qui met l'entretien des chemins vicinaux à la charge des communes. Si cet entretien est à la charge des communes, il va de soi qu'il n'est plus à la charge des riverains. Il est certain qu'une loi, abrogeant toute loi contraire antérieure, abroge à plus forte raison tout règlement contraire antérieur. Voilà donc la règle absolue; ceci est hors de doute. - Cependant on a soutenu qu'il était possible que l'entretien de certains chemins constituât à la charge des riverains une servitude, fondée, par exemple, sur le droit de plantation ; mais cela sera tout à fait indépendant des règlements. Pour ce cas on réserve aux communes la faculté de faire valoir leurs droits devant  les tribunaux. Ainsi tout usage fondé sur les règlements est abrogé ; mais les usages qui ne sont pas fondés sur les règlements sont conservés, et la commune pourra les faire valoir en justice. Seulement ce ne sera pas l'autorité administrative, mais l'autorité judiciaire qui aura à prononcer. On a demandé ce qui garantit que le texte de la loi sera bien interprété. A cela je répondrai que si, dans quelques provinces, l'administration Voulait maintenir les anciens règlements, notamment sur le point réglé par le 1er § de l'art. 12, le gouvernement userait du droit que lui donne la loi provinciale d'annuler les dispositions de l'autorité provinciale contraires à la loi. Un règlement provincial qui statuerait par voie d'autorité que les dépenses d'entretien des chemins vicinaux sont à la charge des riverains, serait contraire au texte de la loi et conséquemment susceptible d'être annulé.

 

» On a demandé pourquoi on laisserait aux règlements provinciaux le soin de déterminer quels chemins la commune devra entretenir en vertu du premier paragraphe de l'art. 12. Il y a pour cela deux motifs ; j'ai déjà indiqué le premier, lorsque j'ai dit qu'une commune pourrait signaler à l'autorité provinciale un chemin comme devant être entretenu par des particuliers en vertu de droits acquis par la commune. La régence demande qu'on ne préjuge rien : sauf à l'autorité provinciale à mettre l'entretien à la charge de la commune provisoirement et sauf tout recours contre les tiers.

 

» Un second motif, c'est qu'il y a des chemins dont il n'est pas nécessaire de mettre l'entretien à la charge de la commune ; ce sont les chemins d'aisance qui n'ont jamais été entretenus aux frais des communes.

 

» Une troisième catégorie de chemins, qui pour la plupart ne sont pas à la charge de la commune, même dans les provinces où l'entretien des chemins est à la charge des communes, ce sont les sentiers. - Il a donc fallu laisser aux conseils provinciaux une certaine latitude pour décider quels chemins sont à la charge des communes. Cela est d'autant plus nécessaire que la loi ne contient pas la définition ni la distinction des chemins vicinaux.

Dès lors, comme il est impossible que la loi fasse des distinctions, il faut bien laisser ce soin à l'autorité provinciale. - 11 est à remarquer que dans tous les cas les règlements de l'autorité provinciale sont soumis à l'approbation du gouvernement. »

 

M. de Muelenaere : « Je conçois parfaitement qu'on puisse différer d'opinion sur la question de principe qui a servi de base à la rédaction de l'article qui nous occupe ; quant à moi, messieurs, le système d'entretien par les communes me paraît le plus simple, et en théorie il me semble le meilleur; mais je crains que, dans l’exécution, ce système ne rencontre des difficultés sérieuses dans quelques provinces où des usages contraires ont été en vigueur jusqu'ici. Toutefois, mon intention n'est pas de revenir sur une décision qui a été prise précédemment par la chambre.

 

» En réclamant la parole j'avais l'intention de provoquer quelques explications de la part de M. le ministre de l'intérieur, sur la manière dont le dernier § de l'art. 12 devait être entendu ; ces explications ont été fournies d'avance par le ministre et par le rapporteur de la section centrale.

- J'avais quelques doutes que les conseils provinciaux passent déclarer en principe que les chemins vicinaux continueraient à être à charge des riverains ; il me semblait que la loi devait s'expliquer à cet égard ; d'après ce qui vient d'être dit, je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point : c'est qu'une seule espèce de règlement est maintenu ; les règlements des polders et des wateringues continuent à être en vigueur je crois que cela est incontestable. Nous serions tombés dans des difficultés telles qu'il eût été impossible d'en sortir, dans les Flandres, si on n'avait pas maintenu ces règlements. - Il résulte, en outre, des explications fournies, que tous autres règlements sont     généralement abolis;, et il convient de s'entendre à cet égard. - Dans les Flandres, non-seulement il y a des usagés: mais ces usages résultent de placards ayant force de loi ; ils résultent aussi d'actes émanés du gouvernement français ayant aussi force de loi ; ils résultent encore de règlements faits en vertu de l'art. 46 de l'ancienne loi fondamentale des Pays-Bas, ayant obtenu l'approbation du roi, et ayant par conséquent force de loi : ces usages, ainsi qu'on les appelle, ne sont pas seulement des usages, et dans les Flandres on aurait pu soutenir que l'entretien par les riverains était légal.

» Il fallait donc que la loi s'expliquât de la manière la plus formelle sur l'entretien par les communes. Tous les règlements, placards, qu'ils aient force de loi ou qu’ils ne l'aient pas, sont abolis ; tous les règlements, basés sur ces placards ou édits, sont également abolis ; on ne peut se prévaloir de ces règlements ; voilà qui est entendu. Ainsi, dans la Flandre-Occidentale, tous les chemins vicinaux seront à charge de la commune ; c'est bien ainsi que la loi doit être comprise. Les communes devront déterminer quels seront leurs chemins vicinaux. - Mais si des communes, dans l’intention de s'affranchir de l'entretien de certains chemins, ne portaient pas sur le tableau tous les chemins qui doivent être considérés comme vicinaux, le conseil provincial les porterait d'office sur ce tableau.-Le conseil provincial alors porterait d'office les chemins que, par une espèce de fraude et pour se soustraire aux frais d'entretien, les communes n'auraient pas fait porter sur les plans.-On a dit tout à l'heure : que Quand l'autorité provinciale aura déterminé les chemins qui sont à la charge des communes, que deviendront les autres chemins? o Il me semble, messieurs, que les autres chemins, qui ne seront pas reconnus comme chemins vicinaux ne seront plus que des chemins d'une importance tout à fait insignifiante, et que ces chemins-la devront être considérés ou comme des chemins d’exploitation ou comme des chemins dont l'entretien est à la charge de ceux qui s'en

servent.-Entendu dans ce sens, l'art. 12 devient plus clair ; tous les chemins vicinaux sont à charge des communes ; tous les chemins vicinaux doivent être portés dans les tableaux que fourniront en premier lieu les communes, et si certains chemins qui devraient être réputés chemins vicinaux ne sont pas portés dans ces plans, l'autorité provinciale les y portera d'office et les mettra à la charge des communes. Dès lors il me semble que l'art. 12 ne donne plus lieu à aucune espèce de doute, pourvu que l'on soit bien d'accord que c'est dans ce sens-là que cet article doit être entendu. O

 

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « Je déclare que c'est absolument dans le sens des explications données par l'honorable préopinant que j'entends l'exécution de l'art. 12, et il est impossible, d'après la discussion qui a précédé l'adoption de cet article, qu'il soit entendu autrement. »

 

M. dΉuart : « Les explications de l'honorable M. de Muelenaere sont tout à fait conformes au sens que la section centrale a attaché à l'art. 12. o

M. Lebeau : « Je suis obligé d'appeler l'attention de plusieurs membres de la chambre sur la portée de cet article. Quand j'ai parlé tout à l'heure de l'innovation qu'on a fait introduire dans les règlements de plusieurs provinces et notamment dans ceux du Hainaut et du Brabant, j'avais en vue les sentiers que l'on a assimilés aux chemins vicinaux, car c'est là le résultat de la suppression du mot sentiers dans l'art. 1er. 1 obligation pour les riverains d'entretenir les sentiers vicinaux ne résulte pas seulement des usages, elle peut résulter aussi de conventions; mais lorsqu'il y a des contrats, lorsque l'on a obtenu, par exemple, la cession d'un chemin, lorsqu'on a été autorisé d’incorporer un chemin communal dans sa propriété à charge d'entretenir un autre chemin, pour des cas semblables il n'était pas même nécessaire de faire une réserve, car une loi ne peut pas déroger à des contrats.

 

Sous ce rapport donc, le dernier S de l'art. 12 serait en quelque sorte une superfluité. - Je dis, messieurs, qu’il faut bien mesurer la portée de l'innovation dont il s'agit et contre laquelle un honorable député du Hainaut s'est élevé avec beaucoup de force dans une des dernières séances. Il est certain que même en ce qui concerne les sentiers, on ne tiendra aucun compte des anciens règlements; car c'est pour écarter ces règlements que l'on a retranché de l'article les mots obligations légales; en admettant ce retranchement on a déclaré bien positivement que l'on ne voulait maintenir que les droits résultants de contrats. – Je pense donc, messieurs, que le deuxième paragraphe était inutile et que si on l'avait supprimé on aurait rendu la loi beaucoup plus claire; ou n'aurait pas mis les conseils provinciaux dans le cas de varier entre l'opinion émise, par exemple, par l'honorable M. Mitcamps et celle qui a été défendue par d'autres orateurs.»

 

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « Je suis d'accord , messieurs, que la disposition s'applique également aux sentiers, mais je n'y vois aucune espèce d inconvénient. Si les sentiers sont la propriété de la commune, il importe aux habitants qu’ils soient entretenus, et les règlements statueront qu'ils doivent être entretenus viables par l'autorité communale; si au contraire les sentiers appartiennent aux propriétaires riverains, alors encore si les habitants de la commune ont intérêt à ce que les sentiers soient entretenus, comme celui qui doit souffrir une servitude de passage n'est pas obligé, d'après les vrais principes, à entretenir le chemin qui existe en vertu de cette servitude, alors encore ce sera la commune qui améliorera le sentier ou qui l'entretiendra dans son état de viabilité. Je ne vois en cela aucun inconvénient, j'y vois au contraire un avantage.-

 

Il y a une catégorie de sentiers qui ne seront pas à la charge des communes, ce sont ceux qui traversent les terrains labourables ; ceux-là par la force des choses seront nécessairement entretenus par les propriétaires riverains, mais l'entretien de ces sortes de sentiers est insignifiant ; lorsqu'on laboure la terre, on laboure en même temps le sentier, mais pour que les passants ne viennent pas marcher à droite et à gauche sur la terre ensemencée, on rétablit le chemin en traçant un double sillon ; de cette manière le sentier se trouve en état de viabilité lorsqu'd a été quelque peu fréquenté.

 

- Il ne faut, messieurs, que tenir compte de ce qui se passe dans la pratique pour avoir la conviction qu'il ne peut résulter de l'art. 12 aucune espèce d'inconvénient. »

 

-. Desset : « A entendre M. le ministre de l'intérieur, il paraît que le deuxième paragraphe de l'art. 12 ne peut s'appliquer qu'aux petits sentiers qu'il vient d indiquer en dernier lieu , et non pas aux sentiers d'église et aux sentiers de marché ; si c'est ainsi qu’on l'entend, je n'ai pas d'objection à faire. »

 

M. Dubus aîné : « Messieurs, je ne suis pas d'accord avec M. le ministre de l'intérieur, j'ai assisté aux délibérations de la section centrale, et je dois dire que ce n'est pas ainsi qu'elle a entendu l'article. Il a été question des sentiers, il a été question des chemins vicinaux, dits chemins d'aisance, qui figurent dans les règlements provinciaux comme chemins de 2me classe, de même qu'il a été question des chemins vicinaux proprement dits; mais on n'a pas entendu donner à la disposition plus d'étendue que n'en avait la loi de 1791, laquelle n'entendait par chemins vicinaux que les chemins vicinaux proprement dits, et nullement les chemins d'aisance ou les sentiers , auxquels cette loi n'a jamais été appliquée. - Sous le gouvernement précédent, lorsqu'on a fait des règlements relatifs aux chemins vicinaux, on a reconnu l'utilité d'étendre la police vicinale à toutes les communications quelconques, mais en donnant cette extension à la police vicinale, on n'a certainement pas donné la même extension au principe qui met l'entretien des chemins vicinaux à la charge des communes, on a laissé aux particuliers la charge qui pesait jusque-là sur les particuliers ; aussi quand les règlements ont établi deux classes de chemins dans la deuxième desquelles on a mis les chemins d'aisance, cela a été fait bien moins dans l'intérêt des communes que dans l'intérêt d un certain nombre d'héritages ; je crois qu'il ne faut pas toucher à cet état de choses, qu'il ne convient pas d’innover en cela. »

 

M. Lebeau : « Il n'en faut pas dans les Flandres non plus. »

M. Dubus aîné : « On se plaint de ce que, dans les Flandres, la loi de 1791 ne soit pas exécutée ; moi je fais remarquer que cette loi ne s'appliquait ni aux sentiers, ni aux chemins d'aisance. Il n'y a donc pas de rapport entre les deux questions. -

L'entretien des sentiers a toujours été à charge des riverains, la loi de 1791 n'a pas touché à cette espèce de communication ; jamais les sentiers n'ont été confondus avec ce que la loi de 1791 entendait par chemins vicinaux. - M. le ministre dit qu'il n'y a pas d'inconvénient à étendre la disposition aux sentiers. Je soutiens qu'il y aura un inconvénient très-grave, c'est que dans les moments où, par suite de l'intempérie de la saison, les sentiers seront en mauvais état, les passants fouleront les riverains voisins, les Lerres ensemencées, comme ils en ont le droit d'après la loi, et que les propriétaires de ces terrains intenteront une action en indemnité aux communes. Voilà, messieurs, quel sera le résultat de la disposition de l'art. 12, si vous l'étendez aux sentiers. - Remarquez, messieurs, que quand l'art. 12 a été rédigé par la section centrale, le mot sentiers avait été introduit dans les articles précédents de la loi ; la section centrale s'est bien gardée de l'insérer dans la première disposition de l'art. 12, parce qu'elle avait été d'avis, à l'unanimité, de ne pas mettre à la charge des communes l'entretien des sentiers, qui est maintenant à charge des riverains -Messieurs, si l'art.12 devait être entendu dans ce sens, qu'on l'appliquât et aux sentiers et aux chemins d'aisance , non-seulement je voterais contre l'article, mais je voterais contre toute la loi. o

 

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « Il n'y a, messieurs, aucune espèce d'inconvénient dans l'application qui doit être faite de l'art. 12 ; d'abord, je suis d’accord avec l'honorable préopinant, que l'art. 12 ne peut pas être appliqué aux chemins d'aisance, parce que ceux-là ne servent qu'à quelques propriétaires pour l'exploitation de leur propriété ; à cet égard, il n'y a aucun doute ; il n'y a point là d'intérêt communal, mais il n'en est pas de même des sentiers ; ceux-là sont d'un intérêt éminemment communal ; il est même des sentiers dont le bon entretien est pour la généralité des habitants de la commune d'une utilité tout aussi grande que des chemins vicinaux,  destinés à être parcourus par des chevaux et des voitures.

» On demande, messieurs, si les propriétaires dont les terres sont traversées par un sentier, pourront, lorsque les passants, à cause du mauvais état de ce sentier, marcheront sur la partie des terres ensemencées qui longe le sentier, réclamer de la commune une indemnité. Evidemment non, puisqu'un tel sentier ne se trouvera pas porté sur le plan approuvé par la députation permanente, comme devant être entretenu par la commune, et que dès lors il n'existe pour celle-ci aucune obligation légale de l'entretenir.

» De cette manière tous les intérêts sont réellement conciliés. Il n'y a aucun motif de s'occuper ici des distinctions qui seront faites dans la pratique. » (Monit. du 26 février 1840.)

A la séance du sénat, du 9 mars 1841, un amendement fut présenté par M. dΉoop, nsi conçu :

« L'entretien, l'amélioration et la police des chemins vicinaux seront réglés par des règlements provinciaux. Ces règlements seront soumis à l'approbation du roi. » Après une assez longue discussion l’amendement fut rejeté par 14 voix contre13.(Monit. du 10 mars 1841.)

 

A la séance du lendemain, M. Vilain XIIII reproduisit, sous forme d'amendement, le 2e S de l'article tel qu'il avait été présenté par le gouvernement: cette proposition fit renaître les différentes questions qui avaient été agitées à la chambre des représentants, elle fut soutenue particulièrement par plusieurs sénateurs des Flandres.

« En qualité de président de la députation permanente du conseil provincial de la Flandre-Orientale, disait M. de Schiervel, j'ai, par suite d'une décision prise par ce conseil, signé une adresse au sénat, tendant à prier cette assemblée de rejeter la loi que nous discutons. Voulant cependant m'éclairer, et disposé à revenir, me faisant même un devoir de revenir de mon opinion quand on m'en démontre l'erreur, j'ai suivi attentivement les débats qui s'agitent dans cette enceinte depuis quelques jours déjà; et loin qu'ils aient fait varier ma conviction, ils m'ont au contraire confirmé de plus en plus que la loi, telle qu'elle est, est d'une application presque impossible dans beaucoup de localités du royaume et notamment dans la province que j'ai l'honneur d'administrer ; ami, par principe, de l'unité, j'accueillerais avec empressement et comme un bienfait une loi uniforme pour tout le royaume, une loi qui satisferait autant que possible à toutes les exigences, qui répondrait à tous les cas, une loi juste enfin; mais si, dans l'espèce, une telle loi est possible, celle qui nous occupe ne me semble pas réunir ces conditions. Par exemple en enlevant aux riverains le droit de planter sur les bords des chemins, elle consacre une injustice ; en vain on répondrait qu'en revanche ceux-ci seront dispensés des frais d'entretien auxquels ils sont tenus aujourd'hui ; en raisonnant ainsi, on connaît bien peu ce qui se passe dans la Flandre-Orientale; les terrains aboutissant aux chemins n'ont pas une valeur inférieure aux autres, le droit inhérent à ces propriétés de planter sur les chemins est généralement estimé à 1 p. c. de leur valeur et de beaucoup supérieur à la charge d'entretien qui leur incombe ; la loi respecte les droits acquis, me dira-t-on , elle ne dispose que pour l'avenir, en d'autres-termes ou vous permettra de couper les arbres que vous aurez plantés , mais non de les remplacer ; là commenceront les discussions sur vos titres, et par suite des procès qui se renouvelleront avec chaque propriétaire riverain. Et de quel droit viendrez-vous restreindre ma propriété ? Je ne vous en connais aucun avant que le riverain ait été indemnisé. -

Il est dans ma province beaucoup de localités, où l'axe des chemins fait la limite des propriétés ; ces chemins font partie des propriétés riveraines, et se comprennent dans la contenance des parcelles adjacentes ; si un pareil chemin était déplacé ou devenait inutile, nul doute que les riverains seraient en droit d'en reprendre la possession. Comment pourriez-vous en dépouiller les propriétaires pour en donner la propriété à la commune ? Cela serait évidemment injuste, si vous ne les indemnisez pas ; et où prendrez-vous cette indemnité ? Ce que j'ai l'honneur de vous dire, messieurs, est tellement exact, que ma province, qui a dans ce moment six routes en cours d'exécution, comprenant un développement d'environ 25 lieues, est obligée, chaque fois que le tracé de ces routes suit des chemins communaux , d'acheter des riverains des quantités considérables d'arbres. Je dirai plus, messieurs, elle a été condamnée par l'autorité judiciaire à racheter le droit de plantation acquis aux riverains par l'usage. - Tout en désirant sincèrement, messieurs, que des principes généraux puissent régler la matière des chemins vicinaux, je suis convaincu que la loi en discussion, d'une exécution peut-être possible ailleurs, soulèverait dans la Flandre une opposition sérieuse, et que son application y est impossible ; elle y serait envisagée comme souverainement injuste et comme inexécutable à cause des formalités sans nombre dont elle est hérissée. Les conseils provinciaux sont, dans cette matière, les juges les plus compétents ; il faut abandonner à leur sagesse les soins de faire de bons règlements appropriés aux besoins de chaque province; seulement le gouvernement doit les convier à s'en occuper sans retard.

 

Qu'il me soit permis, messieurs, de vous faire en peu de mots l'historique de la législation des chemins vicinaux dans ma province ; vous y verrez que l'usage de faire réparer les communications vicinales y a résisté à toutes les innovations qu'on a cherché à y introduire. La loi du 28 septembre 6 octobre1791, sur la police rurale, porte, titre II, section 6, des chemins vicinaux : - « Art. 2. Les chemins reconnus par le directoire du district pour être nécessaires à la communication des paroisses, seront rendus praticables et entretenus aux dépens des communautés sur le territoire desquelles ils sont établis ; il pourra y avoir, à cet effet, une imposition au marc le franc de.la contribution foncière. »-Chose étrange, messieurs, cette disposition, si précise et qui n'a jamais été rapportée, n'a pas été s exécutée dans la Flandre-Orientale, et le préfet, par deux arrêtés des 16 prairial an x et 20 germinal an xm, faisant revivre les ordonnances des 5 mars 1764, 27 mars 1765 et 11 juin 1766 mit l'entretien à la charge des riverains. -

Ces arrêtés sont fondés sur la loi du 19-22 juillet  1791, sur la police municipale et correctionnelle, portant, art. 29, § 2, du titre Il : - « Sont également confirmés provisoirement les règlements qui subsistent touchant la voirie, ainsi que ceux actuellement existants à l'égard de la construction des bâtiments et relatifs à leur solidité. » - Le 20 février 1817, les états députés ont remis en vigueur l'arrêté du préfet du 20 germinal an XIII.-

 

Le 21 juillet 1818, les états provinciaux ont arrêté un nouveau règlement sur la matière, qui a été approuvé provisoirement par arrêté royal du 14 juin 1820 et exécuté provisoirement tant bien que mal ; jusqu'aujourd'hui ce règlement, qui n'est qu'une compilation des anciennes ordonnances et des arrêtés du préfet susmentionnés, met aussi l'entretien des chemins à la charge des riverains.

 

Ce même règlement divise les chemins vicinaux en trois classes : - 10 Anciennes routes militaires de 12 mètres de largeur, pouvant être plantées sur la largeur d'un mètre vers le fossé;-20 Chemins de commune à commune de six mètres de largeur, pouvant être plantés comme dessus s'ils ont neuf mètres de largeur;-3o Chemins de communication dans l'intérieur de la commune de quatre mètres de largeur, pouvant être plantés s'ils ont au moins six mètres. »

« Messieurs, si un préfet, un de ces fonctionnaires qui résumaient en eux tout le pouvoir administratif, qui disposaient d'une autorité presque despotique, si un préfet, dis-je, pour lequel vouloir était pouvoir, a reculé dans de pareilles circonstances devant la mise à exécution de la loi de1791, qui a mis l'entretien des chemins vicinaux à la charge des communes, et après des arrêtés conformes aux anciens usages, comment espérer aujourd'hui d'attendre un meilleur résultat en faisant revivre 1ï3 principe de la loi 1791; ce serait en vain.-Je conviens, messieurs, qu'on peut élever des doutes sur la force obligatoire des règlements existants, je ne suis pas éloigné de partager cette opinion; aussi j'appelle de tous mes vœux une bonne loi ou au moins de bons règlements provinciaux sur la matière. Je voterai dans ce sens. »

«Il ne s'agit pas ici d'inquiéter les droits acquis, répondit M. de Macar, rapporteur. La loi établit des principes, et renferme les dispositions les plus générales; quant au reste, l'exécution est laissée aux soins des règlements provinciaux. Le principe d'équité que les dépenses d'entretien des chemins vicinaux doivent être une charge communale, n'a point été contesté. Ce sont les inconvénients que l'on redoute. Mais en ce qui regarde ces inconvénients, il y a déjà été répondu de la manière la plus positive par l'honorable marquis de Rodes. Bien loin qu'il y ait unanimité pour demander le maintien du mode actuel d'entretien, il y a au contraire une très-grande divergence d'opinion, et beaucoup de membres ont soutenu que ce mode était très-mauvais. Que veut-on dans la loi? Après avoir consacré le principe que les communes doivent supporter les dépenses d'entretien, elle indique les moyens d'exécution. – Adopter l'amendement, ce serait, comme nous l'avons dit de la proposition de M. d'Hoop, remettre le principe de la loi en discussion. L'impossibilité d'exécution ne m'est pas démontrée, car là où il y aura des droits acquis, la loi nouvelle les maintient et les respecte ; là où il faudra exproprier, on donnera aux propriétaires ce qui leur reviendra; mais ces expropriations seront toujours motivées sur l’utilité publique. Là où les plantations seront nuisibles, on les détruira et on indemnisera les propriétaires. Les usages ne constituent pas un titre ; il faut que l'usage soit uni avec le temps nécessaire pour établir la prescription, pour qu'il y ait réellement droit acquis. »

 

« Lorsque, dans une séance précédente, disait M. dΉoop , j'eus l'honneur de vous présenter quelques observations sur l'interprétation de la réserve des droits acquis quant à la propriété des arbres , et principalement sur le droit de planter, j'ai invoqué entre autres arguments, les règlements provinciaux où ce droit des propriétaires riverains est reconnu ; mais cette reconnaissance du droit a été faite parce que les riverains avaient la propriété de telle manière que l'on ne pourrait pas, sans une injustice criante, les en priver. - L'art. 14 de la loi du 28 août 1792 a reconnu ce droit aux riverains qui en jouissaient, et ce qui a existé depuis un temps immémorial, je ne pense pas que c'est en 1841 qu'on doive venir le détruire ; je dis que les propriétaires riverains ont un droit acquis ; en effet, la Flandre, divisée maintenant en deux provinces, était plutôt jadis un pays d'allodialité. Les terres donc y étaient présumées libres ; dans d'autres provinces, au contraire, régnait plutôt la maxime, Nulle terre sans seigneur. C'était un pays de féodalité. C'est ainsi, que dans nos Flandres, on trouve que les chemins, jusqu'à la moitié, appartenaient aux fonds avoisinants, c'est ainsi même qu'on les mesurait et qu'on trouve dans tant de contrats anciens, que la propriété acquise s'étend jusqu'à la moitié du chemin, et qu'on retrouve aujourd'hui une contenance moindre depuis que les opérations cadastrales n'ont plus compris les chemins dans la contenance des parcelles. Il ne s'agit donc point d'une simple concession, mais d'un droit que les propriétaires feront valoir devant les tribunaux jusqu'au dernier degré de juridiction.»

M. Liedts, ministre de l'intérieur : « Voilà trois séances que le principe qui nous occupe dans ce moment est mis et remis en discussion; il est donc difficile de traiter de nouveau cette question sans tomber dans des redites. - Le gouvernement, messieurs, sollicité de toutes parts de mettre un terme à la bigarrure qui existait dans notre législation sur les chemins vicinaux, s'est décidé, il y a trois ans, à présenter une loi à ce sujet aux chambres. Jamais loi ne fut élaborée avec autant de soins. Le projet en fut envoyé aux députations des provinces, tous les renseignements furent recueillis, ce ne fut qu'après une pénible et longue instruction que le projet fut soumis aux chambres.

Je ne fus donc pas étonné, messieurs, lorsque, dans sa dernière séance, le sénat rejeta un amendement qui avait pour but de saper la loi par sa base, en déclarant en termes généraux que le mode d'entretenir les chemins vicinaux était abandonné à des règlements provinciaux. Si cet amendement eût été adopté, c'eût été déclaré le statuquo pour tout le royaume. Cet amendement fut rejeté ; mais à sa place on en présente un autre, qui n'a plus en vue de maintenir le statu quo pour tout le royaume, mais pour deux provinces seulement.

 

De telle manière que si vous l'adoptez, vous déclarez implicitement que notre loi n'est applicable qu'à sept provinces sur neuf dont se compose le royaume. - Cet amendement n'est que la reproduction littérale de la proposition prématurée du gouvernement, dit-on ; cela est vrai. L'honorable sénateur qui se l'approprie s'étonne de ce que celle proposition n'ait pas été adoptée par l'autre chambre. S'il se fût donné la peine de parcourir les discussions qui eurent lieu à ce sujet, il eût pu voir que le gouvernement s'est donné toutes les peines imaginables pour faire triompher son opinion, ct que tous ses efforts sont venus échouer contre les objections sans nombre des députés des Flandres. - En effet, ces députés ont attaqué la proposition du gouvernement comme injuste ; ils ont dit que les usages établis dans les Flandres étaient d'une injustice criante, attendu que la plupart avaient pour effet de mettre à charge d'une partie des habitants d'une commune une charge qui par sa nature doit incomber à tous.-

On l'a attaquée comme contraire à l'agriculture, en ce sens que, dans un pays comme le nôtre, où il y a beaucoup d'usines et d'autres établissements industriels, il était absurde de faire payer à l'agriculture seule la détérioration des chemins vicinaux, détérioration qui est occasionnée très souvent par les établissements précités. - On a dit encore qu'à cause du système électoral qui nous régit, on ne pouvait espérer qu'un faible petit bourgmestre pût obliger son voisin, souvent plus puissant que lui, à entretenir une route, alors que peut-être ce bourgmestre la détériore plus que celui qu'il veut charger de cet entretien.

 

» Je sais, messieurs, qu'à toutes ces objections on oppose, et c'est presque le plus grand argument, que le conseil provincial de la Flandre-Orientale s'est presque déclaré, à l’unanimité, contre les innovations qu'on voudrait introduire dans la loi. Mais à cette opinion, très-respectable sans doute, on peut opposer l’opinion non moins respectable des gens pratiques, de ceux qui voient les choses tous les jours, qui sont chargés de l'exécution des règlements provinciaux ; je veux parler des commissaires de district et des députations permanentes des états. - L'usage immémorial est invoqué comme une espèce de titre que la législature ne peut détruire. - La chose qu'il faut savoir avant tout, c'est si les usages qui existent sont justes, s'ils sont conformes à la raison: car sans cela la législature ne doit pas les respecter. Si l'on avait toujours raisonné de la sorte, on n'aurait jamais aboli les corvées, consacrées par un usage immémorial. - Si j'avais besoin d'argument pour faire voir qu'il faut faire autre chose que ce que l'amendement veut faire, je le trouverais dans les paroles de l’honorable président du sénat, gouverneur de la Flandre-Orientale, qui a fini par déclarer qu'il fallait ajouter quelque chose à l’état actuel de la législation. - Eh bien, messieurs, si l'amendement qui vous est proposé est adopté, vous ne faites rien de nouveau ; vous déclarer que les choses sont bonnes dans les Flandres. Je ne sache pas que dans les Flandres on révoque en doute la force obligatoire des règlements sur cette matière, cependant que vient de dire l'honorable orateur que je viens de citer plus haut ; il a dit que les règlements ne peuvent plus suffire dans l'état actuel des esprits dans les Flandres, qu'il faut une loi pour mettre un terme à l'état actuel des choses : or l'amendement proposé fait que la loi actuelle ne s'applique pas aux Flandres.

 

» Je dirai encore un mot relativement aux termes sans préjudice aux droits acquis qui terminent l'art. 12 du projet du sénat, et dont je pense que généralement on n'a pas compris la portée.

 

» Messieurs, si un riverain a acquis le droit de planter sur une route, ce droit lui est conservé par la loi, et je ne vois nullement la nécessité pour les communes de l'en exproprier. Il continuera à planter le long de la route, si réellement il a un droit acquis à cette plantation avec toute la plénitude de son droit. A la vérité le droit acquis pour le riverain ne peut résulter de l'usage seul, mais s'il y a une possession utile et assez longue pour acquérir la prescription, aucune loi ne peut le priver de ce droit, ni lui ni ses héritiers. Je ne vois donc, je le répète, aucun motif pour la commune de l'exproprier de ce droit ; car il peut se faire que la commune ait le droit de passage et les riverains le droit de plantation, il n'y a rien d'incompatible entre l’exercice de ces deux droits. »

 

M. le vicomte Dessanet de Biesme : « Messieurs, je n'ai que quelques mots à dire. J'ai peine à concevoir, je vous l'avoue, l'opposition que rencontre la proposition qui vous est faite de s'en remettre aux conseils provinciaux du soin de décider si les usages locaux seront maintenus. Cette opposition naît en partie, je crois, de ce qu'on Verse toujours dans cette idée que les conseils provinciaux resteront dans le statu quo: or, c'est ce qui n'est pas prouvé du tout - Remarquez, messieurs, que nous ne décidons rien. Oh! S’il s'agissait de toucher la question d’une manière définitive, dans un sens contraire au projet de loi ; s'il s'agissait de décider d'une manière irrévocable que dans telle et telle province l'entretien des chemins vicinaux sera à la charge des riverains, moi-même, je vous l'assure, j'hésiterais.

Mais nous nous bornons à renvoyer la question devant les conseils provinciaux qui prononceront.

Messieurs, allons au fond des choses; s'il s'agissait de décider ici, on pourrait objecter qu'il y a là un intérêt de grands propriétaires qui domine.

Mais en est-il ainsi lorsque nous proposons seulement le renvoi aux conseils provinciaux. Et comment sont composés ces conseils? Ils ne sont plus, comme autrefois, composés de députés de l'ordre équestre, de l'ordre des villes et de l'ordre des campagnes ; ces distinctions n'existent plus ; les conseils provinciaux sont le produit de l'élection, et par ce motif je ne puis croire qu'ils prennent de résolutions qui ne seraient pas en harmonie avec les intérêts de la généralité des habitants.

Ces conseils examineront ; peut-être jugeront-ils convenable de maintenir l'entretien des chemins vicinaux à la charge des propriétaires riverains, peut-être aussi décideront-ils le contraire et adopteront-ils le principe général du projet. C'est une simple faculté que l'amendement leur défère, par lui-même il ne tranche et ne décide rien. » (Monit. du 11 mars 1841.)

La loi ayant été renvoyée à la chambre des représentants, un nouveau rapport fut fait par M.Peeters, qui s'exprimait ainsi sur l'amendement du sénat :

« Une discussion sérieuse s'est engagée sur la disposition proposée par le sénat, en remplacement de ce paragraphe supprimé : un membre fait observer que, conformément à ce qui précède, si l'amendement n'a pour objet que les usages contractuellement ou légalement acquis aux communes, il est non-seulement inutile, mais il introduit en outre dans la loi, au préjudice des communes, un principe évidemment injuste et inconstitutionnel. - L'amendement est inutile, puisqu'en vertu du dernier paragraphe de l'article, les droits des communes sont, à cet égard, formellement maintenus. - Le principe est injuste, puisque si la commune a un droit acquis à la prestation des riverains, c'est violer un droit acquis que d'attribuer aux conseils provinciaux le pouvoir d'en spolier en partie les communes.-

 

Il est inconstitutionnel, puisqu'aux termes de l'art. 92 de la Constitution, les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux , et que, suivant l'article 11, on ne peut être privé en tout ou en partie de sa propriété et des droits qui en résultent, que moyennant une juste et préalable indemnité. -

Si, au contraire, l'amendement n'a pour objet que de maintenir à la charge des propriétaires riverains des usages à l'exercice desquels les communes n'ont aucun droit acquis, il attribue aux conseils provinciaux le pouvoir exorbitant d'asservir la propriété des riverains arbitrairement et exceptionnellement, ce qui est d'une injustice révoltante. - Un autre membre, dans un but de conciliation, propose l'amendement suivant :

« Néanmoins, les conseils provinciaux pourront, là où l'usage en est établi, statuer que ces dépenses seront en tout ou en partie à la charge des propriétaires riverains qui jouissent des plantations sur le bord du chemin et veulent conserver cette jouissance. » - Cet honorable membre fait remarquer que cet amendement diminuerait de beaucoup la difficulté, que si, d'un côté, il serait à désirer d'avoir une loi uniforme pour tout le pays, il serait injuste, par contre, de dégrever le propriétaire riverain de la charge de l'entretien résultant d'un ancien usage, lorsqu'il veut profiter de l'ancien usage de planter sur les bords des chemins vicinaux, qui a probablement été toléré en compensation de cet entretien. - Ce nouvel amendement met fin aux débats, et est adopté par trois membres, deux s'abstiennent et un le rejette.

- Pour éviter tout doute sur l'esprit qui a dirigé la majorité dans l'adoption de ce nouvel amendement, comme expédient propre à déterminer le sénat à se rapprocher du système adopté par la chambre, votre commission a décidé, par cinq voix, un membre s'étant abstenu, que l’amendement du sénat serait rejeté, si le sous-amendement proposé n'était pas adopté.  (Monit. du 28 mars1841.)

« Il est assez probable, disait M. Lejeune, que l'amendement introduit dans le projet par le sénat a été motivé par la crainte de voir enlever aux riverains la jouissance des plantations ; je ne puis admettre cette crainte, ma s je ne puis surtout admettre que pour ce motif, quelle qu'en soit la valeur, on fasse une dérogation à un principe général reconnu bon pour tout le pays. Comment peut-on craindre que le projet enlève aux riverains le droit de plantation? Il n'en dit pas un mot. Le droit ne doit pas reposer sur une base bien solide si l'on craint de le voir abolir par une loi qui ne renferme aucune disposition de nature à autoriser une semblable abolition. Mettez l’entretien des chemins vicinaux à la charge des communes sans parler des plantations ; si, après cela, des riverains ont le droit de planter, quoique les communes entretiennent les chemins, évidemment ce droit sera maintenu. S'il y a contestation à cet égard, ce sera une question du mien et du tien qui devra être décidée par les tribunaux. »

Une chose qu'on semble perdre de vue, disait M. Liedts, ministre de l'intérieur, c'est que l’amendement  introduit par le sénat n'est pas une disposition impérative pour les conseils provinciaux ; il n'ordonne pas aux conseils provinciaux de respecter les usages établis depuis tant de siècles, il ne leur prescrit pas de maintenir l'entretien des chemins vicinaux à la charge des riverains ; mais il leur permet de décider par un règlement provincial que cet entretien continuera d'être à la charge des riverains dans les localités où les conseils reconnaîtront que cet usage peut être conservé. - L'honorable orateur qui, le premier, a pris la parole dans cette discussion, a dit que l'amendement du sénat qui forme le paragraphe 2 de l’article, est en contradiction avec le paragraphe 3 du même article, attendu (si j'ai bien compris le raisonnement de l’honorable membre), que dans le paragraphe 2 on semble s'en rapporter aux règlements provinciaux pour savoir si ce seront les riverains ou les communes qui entretiendront les chemins vicinaux .tandis que, dans le § 3 , on paraît s'en référer aux décisions des tribunaux. - Il n'y a aucune contradiction entre ces deux paragraphes. Dans le paragraphe 2, on déclare que les conseils provinciaux pourront, par des règlements, maintenir la force obligatoire des usages existants dans certaines localités, et dans le paragraphe 3, on déclare que si, malgré ces règlements provinciaux, il y avait des droits acquis qui fussent contestés devant les tribunaux, la commune devra pourvoir provisoirement à l'entretien du chemin qui fait l’objet de la contestation, sauf le recours de la commune contre qui de droit. - Un règlement provincial ne statuera pas par individu, il ne déclarera pas que tel ou tel propriétaire doit entretenir un chemin vicinal, mais les règlements provinciaux, comme les lois, statueront par règle générale ; ces règlements déclareront, par exemple, que dans telles localités les chemins vicinaux seront entretenus par la commune, et que dans d'autres localités ils le seront par les riverains, conformément à ce que les riverains étaient tenus de faire jusque-là. -

C'est donc par principe général que les règlements provinciaux statueront. Mais, malgré ces règlements provinciaux, il pourra arriver que dans une commune, par exemple, où l'entretien sera mis à la charge du riverain, celui-ci ait un acte en vertu duquel il a le droit de faire, entretenir le chemin vicinal par la commune. Evidemment, si cela donne naissance à un débat judicaire, il faudra bien que le chemin vicinal soit entretenu, en attendant la décision des tribunaux.

Or le paragraphe 5 déclare qu'en attendant cette décision la commune devra se charger de l'entretien. Il n'y a donc aucune contradiction entre les deux paragraphes.

» Messieurs, la commission à laquelle l'amendement du sénat a été renvoyé vous propose de sous-amender cet amendement, et de déclarer que les conseils provinciaux auront la faculté de maintenir la force obligatoire des règlements actuellement existants, de déclarer par conséquent que là où l'usage en est établi, l'entretien des chemins vicinaux sera en tout ou en partie à la charge des propriétaires riverains ; mais la commission y ajoute cette restriction-ci : « des propriétaires riverains qui jouissent des plantations sur les bords des chemins et qui veulent conserver cette jouissance. » - Ainsi, d'après ce sous-amendement, les conseils provinciaux ne pourraient continuer ce qui a existé depuis un temps immémorial qu'à l'égard des propriétaires qui ont le droit de planter sur le chemin vicinal et qui veulent conserver cette jouissance. - Messieurs, outre le danger de renvoyer ce sous amendement au sénat, et de retarder ainsi d'une année entière la mise à exécution d'une loi qui est attendue avec impatience dans toutes les provinces, je ferai remarquer que ce sous-amendement n'est pas basé sur ce qui est établi dans les localités. En effet, vous voulez ici respecter ou au moins vous permettez aux conseils provinciaux de respecter les usages locaux; mais ces usages locaux ne sont pas seulement établis dans les localités où les propriétaires jouissent du droit de planter sur les chemins vicinaux, mais ils existent encore dans des localités où les propriétaires ne jouissent pas de ce droit; et remarquez que dans ces dernières localités, aussi bien que dans les premières, on pourra objecter que c'est un droit qui est acquis au propriétaire depuis des siècles; que c'est un usage respectable, et que vous voulez grever la commune au profit du propriétaire qui n'a acquis sa propriété qu'avec la charge de réparer le chemin vicinal qui la longe. (Monit. du26 mars 1841.)

 

(1) Ce paragraphe fut ajouté sur la proposition de M. de Theux ; voici comment il l'a motivé :

« De cette manière, lorsqu'un chemin aura été reconnu vicinal par l'autorité compétente et porté sur le plan, l'autorité supérieure, sans que ce chemin soit, comme devant être entretenu par la commune ; et s'il a été considéré comme devant rester à la charge des particuliers à raison de quelque obligation, il ne faut pas pour cela que le chemin reste non viable, il faut qu'il soit entretenu. Eh bien, la commune, sur la décision de la députation, devra faire l'avance de ces frais d'entretien, sauf son recours contre les tiers. Voilà le but de la disposition que je propose. Elle est nécessaire pour assurer l'entretien des chemins vicinaux. »

« Ce qu'a dit M. le ministre de l'intérieur, répondit le rapporteur, relativement à une lacune qui semblerait exister dans la rédaction de la section centrale, n'est pas nouveau pour elle. En effet, elle mentionne dans son rapport qu'elle « ne s'est point dissimulé qu'en cas de contestation portée devant les tribunaux, il pourrait s'écouler un certain laps de temps pendant lequel les chemins vicinaux non désignés par les règlements provinciaux comme étant à la charge des communes seront abandonnés à eux-mêmes sans réparation. »

Elle a bien compris qu'il pouvait y avoir à cet égard une certaine lacune. Mais elle ne s'est pas occupée de ce point qui lui a paru insignifiant, attendu que les administrations communales, ayant intérêt à la viabilité des chemins vicinaux véritablement utiles, ne manqueront pas de porter ces chemins dans la catégorie de ceux qui incombent aux soins de la commune ; et, en tout cas, il va de soi qu'elles assureront provisoirement l'entretien indispensable des chemins qui seraient réellement nécessaires à l'agriculture et au commerce, si même il y avait contestation à cet égard , et il est clair que si elles abandonnaient entièrement quelques chemins, c'est qu'ils n'auraient aucune importance pour le public. »

» Veuillez remarquer ajoutait. M. de Theux, que la disposition que je propose autorise simplement la députation provinciale à prescrire aux communes de faire l'avance des dépenses d'entretien des chemins vicinaux, quand elle jugera cet entretien utile dans l'intérêt public, sauf recours des communes contre les tiers , s'il y a lieu. Il est évident que cette disposition ne dérange en aucune manière le système de la section centrale.» (Séance du 15 février 1840. - Monit. du 16.)

 

(2) Je crains, disait M. Verhaegen, que ces expressions, ni aux obligations des propriétaires riverains, ne soient pas assez générales. Il faudrait maintenir tous les droits acquis. Il peut y avoir d'autres droits acquis que ceux qui résultent des obligations des propriétaires riverains. Ainsi, par exemple, pour n'en citer qu'un, une commune est propriétaire d'un terrain dans le voisinage d'un château, et pour l'usage du propriétaire de ce château elle s'oblige à construire une avenue ou un chemin. Le propriétaire, comme équivalent de l'obligation de la commune, s'engage à entretenir le chemin. Il ne sera pas riverain ; cependant l'obligation qu'il contracte doit être maintenue. Elle ne le serait pas d'après la rédaction restrictive de la section centrale, ni aux obligations des propriétaires riverains. Il me semble que pour étendre la disposition comme il conviendrait de le faire, il suffit de retrancher les mots : « des propriétaires riverains. » - Si on parle d'obligations en général, sans les restreindre aux propriétaires riverains, la section centrale atteindrait le but qu'elle s'est proposé. En conséquence, croyant entrer dans l'intention de la section centrale de maintenir tous les droits acquis, j'ai l'honneur de proposer ce retranchement. - Qui dira : « Il n'est rien innové par le présent article aux règlements des wateringues ni aux obligations résultant de droits acquis aux communes antérieurement à la présente loi » dira tout. »

 

(1) D'après le projet du gouvernement, le conseil communal faisait chaque année dresser le devis des travaux et en répartissait le montant, sous l'approbation de la députation du conseil provincial : 10 sur les habitants, au marc le franc des contributions directes payées dans la commune ; 20 sur les chevaux, etc. Ainsi, d'après ce projet, il n'y avait pas de prestation en nature ; la section centrale a admis un système contraire, qu'elle a motivé ainsi dans son rapport, présenté par M. Heptia.

« La première question examinée a été de savoir si la prestation en nature serait conservée parmi les moyens de pourvoir à la réparation des chemins. Tout le monde connaît les graves reproches qu'on fait au système de prestations en nature, et qui peuvent se résumer en ceci : Un homme travaillant à la corvée, travaille à contrecœur ; il travaille le moins possible, il fait mal l'ouvrage, le fait sans soin ; le directeur des travaux n'a aucun ascendant sur lui, ni aucun moyen de le forcer à faire mieux ; il n'acquiert jamais d'expérience parce qu'il ne travaille qu'accidentellement et à de longs intervalles, et, en définitive, tous ces inconvénients font que l'ouvrage coûte infiniment plus cher pour les contribuables que s'il était fait par des ouvriers salariés, qui font beaucoup plus et beaucoup mieux que ceux qui travaillent par corvée ; on ajoute que l'organisation actuelle de nos administrations communales est encore un obstacle à ce que la corvée produise un résultat satisfaisant, nos magistrats électifs devant continuellement se trouver en présence de l'électeur qu'ils sont obligés de ménager»

 

A ces raisons les partisans de la prestation en nature répondent que dans beaucoup de localités les prestations en nature se font d'une manière satisfaisante ; qu'il est souvent plus facile d'obtenir des contribuables du travail que de l'argent ; qu'on a des exemples d'ouvrages faits par corvée dont la dépense aurait effrayé si elle avait dû être fournie en numéraire, et enfin que la cotisation d'un certain nombre de journées de travail par chef de famille a l'avantage de rendre plus juste et plus égale entre tous les habitants, la répartition de la charge qui pèse sur la commune.

» En présence de ce conflit d'opinions, la section centrale n'a pas cru devoir suivre un système absolu ni rejeter complètement la prestation en nature; elle a cru remarquer que chaque membre de la chambre discutait et pensait étant dominé par les abus ou les avantages de la corvée qu'il avait remarqués dans les localités qu'il connait le plus particulièrement. Cette considération a amené la majorité de la section à penser qu'il convenait mieux de conserver le système mixte du projet, et de combiner les deux modes de prestations, en nature et en centimes additionnels aux contributions.

» Si l’on rejette les prestations en nature pour s'en tenir aux centimes additionnels aux contributions, la répartition entre les contribuables devient injuste ; le rentier, le négociant, le charretier ne contribuera en rien, ou pour une faible quotité. La prestation en nature assise sur les chefs de famille, les chevaux et les voitures, donne le moyen de faire contribuer tout le monde en proportion de ses moyens et de l'utilité qu'il retire des chemins : en effet, tel négociant ou tel usinier qui ne paye qu'une faible patente et dégrade beaucoup les chemins en faisant, en toute saison , les charrois nécessaires à son commerce ou à son usine, sera atteint par la taxe sur ses chevaux et ses voitures; tel rentier qui ne paye qu'une contribution personnelle dans la commune, et tient des chevaux de luxe et des voitures d'agrément, pourra être atteint en proportion de l'agrément qu'il retire des chemins bien entretenus. Cet aperçu succinct démontre qu'en combinant les deux bases de contribution, on atteint mieux l'égalité de charges entre tous les citoyens.

o La section centrale, avec toutes les sections, à l'exception de la deuxième, s'est donc décidée pour la conservation de la prestation en nature ; sauf toutefois qu'elle pourra être rachetée en argent ou convertie en tâches. » (Monit. du 51 janvier 1859.)

(2) La section centrale avait proposé une prestation de deux journées de travail à fournir par chaque chef de famille ou d'établissement payant au moins 3 fr. de contributions directes. M. de Garcia proposa une prestation de journée de travail à acquitter en argent par chaque chef de famille ou d'établissement qui ne paye pas 3 fr. de contributions directes ; voici comment il motivait cet amendement : « Le motif qui m a déterminé à introduire cette base de contribution, est que, d'après notre système général des contributions, l'on n'est soumis à la contribution personnelle que pour autant qu'on habite une maison d'une valeur locative de 20 florins , et je pose en fait que dans les campagnes les quatre cinquièmes des ménages ne payent point une contribution de

3 fr. Cependant ils  jouissent d'une certaine aisance, et comme tous les habitants d'une commune sont appelés à jouir des avantages des améliorations aux chemins vicinaux, je pense qu'il n'y a rien que de juste à faire supporter par tous les chefs de famille d'une commune la légère prestation d'une journée de travail. » (Monit. du 12 février 1840.)

 

Sur les observations qui lui furent faites, M. de Garcia avait ajouté à son amendement : « Pourvu qu'ils soient portés au rôle des contributions directes; de cette manière, disait-il, les indigents ne seraient pas compris. »

 

« J'aurais appuyé l'amendement de M. de Garcia tel qu'il avait été d'abord proposé, dit M. Dumont, mais avec cette addition il n'atteint plus le but que j'avais en vue. Dans la population des environs de Charleroy il y a beaucoup d'ouvriers qui n'habitent pas une maison de valeur locative de 20 fl., et par conséquent ne payent ni imposition personnelle, ni imposition foncière. Ces ouvriers, quoique gagnant 15 à 20 fr. par jour, eux et leurs enfants, ne seraient tenus d'aucun travail pour l'entretien des chemins vicinaux. Tout en voulant que ces ouvriers supportent une partie de cette charge, mon intention n'est pas de mettre l'autorité communale dans la nécessité d'imposer des pauvres. »

 

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « Je crois que les administrations communales entendraient sainement la disposition. Cependant, si on veut une garantie, on pourrait mettre : « Pour autant qu'ils ne soient pas indigents. »

 

M. Delehaye : « Je ferai remarquer à l'honorable M. Dumont que si, dans le district de Charleroi, beaucoup de personnes, qui n'habitent pas une maison d'une valeur locative de 20 fl., sont cependant très-aisées, dans les Flandres il y en a une infinité, habitant des maisons d'une valeur locative inférieure à 20 fl., qui seraient incapables de faire la prestation en nature.

 

» Quant à la proposition faite par le ministre, il faudrait déterminer ce qu'on entend par indigents.

Nous n'entendons par indigents que ceux qui reçoivent des secours du bureau de bienfaisance.

Un membre: «Et ceux qui sont susceptibles d'en recevoir. »

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « J'aurais eu l’intention de proposer de dire : « Pour autant qu'ils ne soient pas secourus par le bureau de bienfaisance. » Mais il y a des communes où presque tous les habitants participent à la répartition du revenu du bureau de bienfaisance.- La proposition de M. Garcia est utile, je connais des communes où deux ou trois maisons seulement sont taxées à 20 fl. La masse des habitants serait exempte de la charge de l'entretien des chemins. »

M. de Garcia : o L'addition proposée remplirait le vœu de la loi, car le bourgmestre, les administrations communales ont de l'humanité ; quand ils jugeront qu'un malheureux a besoin de travailler pour donner du pain à ses enfants, ils ne l'imposeront pas et ne l'arracheront pas, par la prestation des corvées, au travail q6i doit pourvoir à ses besoins et à ceux de sa famille. »

M. Desmet : « Je dois appuyer l'amendement de M. le ministre de l'intérieur. Il ne faut faire d'exception que pour les indigents. C'est ainsi que cela se fait aujourd'hui. Quand il y a une prestation en  nature, tout le monde travaille, excepté les indigents. Il y a beaucoup de personnes qui ne payent pas de contributions et qui ne sont pas indigentes; or, tous ceux qui ne sont pas indigents doivent travailler. »

M. Lebeau : « Je veux seulement ajouter que les rôles ne sont pas arrêtés par les conseils communaux ; ils sont rédigés par les conseils communaux et arrêtés par la députation permanente. Si donc il y a eu abus dans la rédaction du rôle, on pourra se pourvoir devant la députation permanente. » (Monit. du 15 février 1840.)

 

(1) Ce paragraphe était ainsi conçu dans le projet de la section centrale :

« 3° D'une prestation de trois journées de travail à fournir par le propriétaire, usufruitier, ou détenteur, par chaque cheval, bête de somme, de trait et de selle, charrette, et voiture attelée au service de la famille ou de l'établissement dans

la commune. »

M. de Garcia : « L'objet de mon amendement est, comme je l'ai dit hier, de faire retrancher de l'article les mots : charrette et voiture. Si ces mots étaient maintenus, il y a dans les fermes beaucoup d'attirail à peu près hors d'usage, que l'on devrait détruire pour qu'ils ne fussent pas soumis à la prestation. En imposant les chevaux, on impose tout ce qu'on doit imposer. Comme je l'ai dit, si la contribution de trois journées par cheval était insuffisante, je préférerais la doubler.

 

Ou bien, si l'on prétend que mon amendement réduit trop la contribution, je proposerai au paragraphe suivant de ne pas faire d'exception pour les chevaux employés à l'agriculture. Alors on aura à peu près la quantité de contributions qu'on veut avoir, et par suite je propose la suppression de l'exemption pour les chevaux employés à l'agriculture. »

 

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « J'appuie cette suppression, parce qu'il y a souvent des voitures en quelque sorte de rebut, qui aggraveraient singulièrement les charges de ceux qui les détiennent. Par compensation, je proposerai à l'alinéa suivant de mettre les chevaux employés à l'agriculture sur la même ligne que les autres. »

 

M. Liedts : « On semble craindre qu'en adoptant la rédaction de la section centrale, on arrive à imposer les charrettes et les voitures alors qu'elles ne sont plus attelées ; mais la rédaction de la section centrale répond à cette observation, car il n'y est question que de charrettes et de voitures attelées. - Je connais une personne qui habite la campagne six mois de l'année et qui pour la voiture qu'elle a, ne se sert que des chevaux de ses voisins. Avec le système que l'on veut adopter, cette personne ne serait pas imposée pour sa voiture. »

 

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères. « Je ferai remarquer que, dans le cas cité par l'honorable préopinant, le propriétaire payerai des centimes additionnels sur ses propriétés. »

 

M. Liedts : « Celui qui a un cheval en paye aussi ; 1. »

 

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « Celui qui loue les chevaux est atteint, ainsi on atteindrait le propriétaire et le locataire.- Je crois que la chambre doit adopter l'amendement de l'honorable M. de Garcia, autrement des chariots qui ne servent que cinq ou six fois par an seraient imposés, ce qui serait une grande gêne pour le cultivateur. »

 

M. Dumont : « L'honorable M. Liedts désire que les charrettes et les voitures non attelées soient imposées. Je lui ferai remarquer que la rédaction de la section centrale ne remplit pas son but, puisqu'il n'y est question que de charrettes et de voitures attelées.-J'appuie de toutes mes forces

L’amendement de l'honorable M. de Garcia. Vous en sentirez la nécessité lorsque je vous dirai que dans les pays de charbonnage, notamment dans l'arrondissement de Charleroy, la plupart des voituriers sont obligés d'avoir cinq ou six chariots, quoiqu'ils n'en emploient jamais qu'un à la fois. »

M. Demonceau : « J'entends M. le ministre parler de toutes les espèces de chevaux ; or, comme tout le monde explique les choses d'après ce qui se passe dans sa localité, je ferai remarquer à la chambre qu'il existe dans mon arrondissement une grande quantité de chevaux qui portent à dos; est-ce que ces chevaux payeront autant que les autres? »

 

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « Oui. »

 

M. Peeters : « Si l'on réduit le nombre des journées de travail à deux, je demande que ce soit pour tous les chevaux, à moins qu'on ne veuille faire une exception pour les chevaux de luxe, mais les chevaux des charretiers, des industriels, par exemple, doivent être mis sur la même ligne que les chevaux des fermiers. »

 

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères : « Je ferai remarquer, messieurs, que les chevaux de luxe entrent dans le calcul de l'impôt personnel sur lequel il y aura des centimes additionnels ; d’ailleurs les voitures auxquelles sont attelées ces chevaux-là dégradent moins les chemins que les autres. Je crois qu'il faut admettre une base uniforme quant à la disposition entre les deux journées de travail à payer par chaque chef de famille et les deux journées à payer pour chaque cheval ; elle n'existe pas, car il est évident que la journée de travail d'un cheval est beaucoup plus onéreuse que la journée de travail d'un homme. »

 

M. Delehaye : « M. le ministre de l'intérieur a dit que les chevaux de luxe sont compris dans la disposition, mais je lui demanderai où ces chevaux payeront l'imposition ? Il y a des communes où il se trouve pendant une partie de l'année dix ou douze chevaux de luxe : payeront-ils l'impôt dans ces communes? »

 

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « Il suffit qu'un cheval soit tenu pendant une partie de l'année à la campagne, pour qu'il y paye l'imposition. Certainement la disposition ne s'appliquera pas aux chevaux qui n'y sont pas à demeure ; mais les propriétaires qui ont des habitations à la campagne et qui y tiennent des chevaux de luxe pendant une partie de l'année, payeront l'impôt. »

Au sénat le paragraphe fut modifié et rédigé tel qu'il se trouve dans la loi. Lors de la nouvelle discussion à la chambre des représentants ,

 

M. dΉoffsmidt fit remarquer « qu'il n'est dit nulle part que celui qui n'a qu'un cheval pourra se dispenser de fournir les moyens de transport. »

 

« Tel n'a jamais été le sens de la loi, répondit M. de Theux. Le sens de la loi est que celui qui possède un cheval et un moyen de transport doit es utiliser pour l'amélioration des chemins vicinaux ; on ne demande au contribuable que ce qu'il a.

D'ailleurs le sens a toujours été tel que le sénat l'a déterminé plus explicitement. Pour s'en convaincre, il suffit de jeter les yeux sur le 2e § de l'art. 15 ainsi conçu : « La députation permanente du conseil provincial fixe annuellement la valeur de la journée des tombereaux, charrettes ou autres voitures attelées, chevaux, bêtes de somme et de trait. » - Ainsi en mettant en rapport le 3e § de l'art. 14 et le 2e § de l'art. 15, on voit clairement qu'il s'agit de journées des chevaux ou des voitures que possède le contribuable. Je crois donc que le sénat n'a fait qu'expliquer clairement ce qui était implicitement dans la disposition de l'art. 14, confirmée par le dernier § de l'art. 15, et que réellement ce n'est pas un amendement, mais seulement l'explication d'une disposition de la loi. »

 

M. Demonceau ajouta : « Nos métiers satisferont à la loi quand ils fourniront leur cheval sans charrette, mais avec les mannes pour porter les pierres : car ils donneront ainsi le conducteur et les moyens de transport à leur disposition. » (Moniteur du 27 mars 1841, suppl.)

 

(1) « Il est entendu, disait M. de Theux, qu'il s'agit ici uniquement de, contributions directes payées au profit de lΈtat. Je fais cette observation parce que dans quelques localités on s'est demandé si les répartitions personnelles payées dans les communes pouvaient être considérées comme des contributions directes. »

 

(2) M. Cools, proposa la suppression de ce paragraphe : « Le but qu'on a voulu atteindre, dit-il, est assez apparent. On a voulu que la propriété foncière contribuât pour une part légitime, et que les habitants de la commune, les fermiers par exemple, ne fussent pas trop imposés.- A cet égard, la disposition me paraît fort juste en théorie. Personne ne peut contester qu'il ne soit juste d'exiger une part équitable même des propriétaires forains. -

Mais la disposition est-elle aussi bonne dans la pratique ? N'offre-t-elle pas des inconvénients graves qui ne compensent pas le but d'utilité qu'on a voulu atteindre ? Quant à moi, messieurs, je n'hésite pas à répondre affirmativement. - D'abord, même sans ce paragraphe, la loi sera toujours assez compliquée. Lorsqu'on a dit à un paysan : « Vous devez contribuer pour une journée de travail, mais comme vous avez préféré vous acquitter en argent, il y a un dixième à déduire, »

 

C'est déjà une complication, mais a tout prendre une complication que le plus simple habitant des campagnes peut saisir. Il n'en sera plus de même si on passe cette limite, comme on le propose dans le paragraphe que je critique. D'abord, il en résultera un travail très-minutieux pour les receveurs des communes. Chaque année, ils verront équilibrer les quatre bases au moyen de calculs fort longs. Mais cet inconvénient n'est pas le plus grave ; il y en a un autre plus important, c'est que la loi sera très-difficilement comprise par les habitants des campagnes auxquels elle s'applique essentiellement.

Cet habitant ne saura pas s'il est justement imposé, et sa méfiance sera assez naturelle, car tous les ans on pourra lui demander une contribution différente.

Lorsque les réparations seront nombreuses et qu'il faudra imposer beaucoup de centimes additionnels, on lui demandera sa journée entière. Une autre année, on n'exigera plus qu'une fraction de journée, et l'année suivante cette fraction sera encore une fois augmentée ou diminuée. Le paysan, qui ne comprendra rien à ces variations, se livrera à des suppositions fort peu honorables pour le receveur de la commune. – Je pense donc qu'au lieu de rechercher dans l'application cette justice distributive rigoureuse qu'on semble avoir eu en vue en proposant le paragraphe que je critique, il vaudrait beaucoup mieux adopter une base plus certaine et plus uniforme, et de supprimer le paragraphe en entier. Le résultera de cette suppression que le paysan aura à payer chaque année une journée de travail, et cette contribution ne variera pas.- Il y a encore un autre motif qui milite en faveur de la suppression de cet article , c'est que la cause qui avait déterminé l'ancienne section centrale à proposer ce paragraphe, j'entends la crainte qu'elle avait de surcharger un peu les habitants des campagnes , cette cause n'existe plus dans toute sa force, puisque le nombre des journées de travail à fournir par eux a été diminué par le premier vote de la chambre. »

 

M. Mitcamps : Je viens m'opposer à l’amendement proposé par M. Cools, car cet amendement a évidemment pour objet de faire support er, pour ainsi dire, toute la charge d'entretien des chemins par les fermiers. A Nivelles, je parle de cette localité parce que je la connais mieux, nous avons quatre a cinq mille Ames de population intérieure et trois mille âmes extra muros. Si vous ne maintenez pas le premier paragraphe du no 4 de l'art.15, il s'ensuivra qu'il pourra arriver que ceux qui demeurent extra muros payeront seuls. Chaque année on m'impose de quatre journées à raison de la maison que j'habite et de ma contribution personnelle. Si vous supprimez cette disposition, je ne payerai plus rien. Il est nécessaire que ceux qui payent une contribution personnelle intervienunent au moins pour un tiers dans l'entretien des chemins vicinaux et qu'on n'en charge pas exclusivement les cultivateurs. »

M. Demonceau. : « Je désirerais connaitre le véritable motif qui a engagé l'honorable M. Cools à proposer la suppression de ce paragraphe. Entend-il que la contribution foncière ne contribue pour rien dans la dépense d'entretien des chemins vicinaux ? Il faut s'expliquer franchement. Il avait été entendu que la contribution foncière ne contribuerait que pour un tiers aux dépenses d'entretien. Moi, je voudrais que sa part fût plus forte ; car ce ne sont pas tant les propriétaires habitant les communes qui dégradent les chemins et qui par conséquent doivent être obligés de les entretenir ; ce sont aussi les propriétaires forains. Tous les grands propriétaires résident en ville ; si vous ne les atteignez pas par la contribution foncière, comment les atteindrez-vous? On a dit que la loi atteint les journaliers, et cela est vrai. Quand vous atteignez des journaliers qui habitent la commune, comment voudriez-vous dispenser les grands propriétaires de contribuer à ces dépenses? »

Plusieurs membres : « Il ne s'agit pas de cela. »

M. Lebeau : « Ce sera le résultat. »

M. Demonceau : « Je ne dis pas que c'est le but ; mais on veut effacer la quotité pour laquelle devait intervenir la contribution foncière. Si vous ne dites pas que la contribution foncière contribuera pour un tiers, les conseils communaux pourront se dispenser de l'imposer pour quoi que ce soit.

Vous vous défiez toujours des conseils communaux, adoptez donc les dispositions qui les lient. -

Dans chaque localité, les dettes contractées depuis longtemps pour tous les habitants, et pour la garantie desquelles toutes les propriétés de la commune ont été hypothéquées, ces dettes sont payées par les habitants. Une disposition législative interdit aux communes de payer ces dettes au moyen de centimes additionnels à la contribution foncière, et tandis que ce sont des étrangers qui possèdent les grandes propriétés de la commune, ce sont les habitants qui supportent les charges locales, et notamment les dettes antérieurement contractées. Cet état de choses donne lieu à de nombreuses réclamations dans le district de Verviers, dans l'ancien duché de Limbourg. On se plaint de ce que les propriétaires forains ne sont pas imposés comme les habitants de la commune.

Vous donnerez lieu à des plaintes de même nature si vous retranchez la disposition qui atteint la contribution foncière. Vous aurez beau dire que vous voulez atteindre cette contribution, si vous ne fixez pas la proportion dans laquelle elle doit contribuer, il y a des communes, je le répète, qui se dispenseront de la faire contribuer pour quoi que ce soit. »

M. le ministre de l'intérieur : « Il faut bien se fixer sur les conséquences de la suppression proposée. Si vous supprimez le paragraphe, dans quelle proportion les quatre bases devront-elles contribuer? Sera-ce laissé à l'arbitraire de la commune? S'il en est ainsi, on peut arriver à un résultat opposé à celui que redoute l'honorable  M. Demonceau. Dans certaines communes, on imposera la contribution directe, et l'on ne fera pas contribuer les habitants et ceux qui détiennent des chevaux, ou on les fera contribuer dans une proportion inférieure à celle déterminée parla loi. Si les quatre bases ne sont qu'une simple désignation, et si la commune peut les faire contribuer inégalement, tout est abandonné à l'arbitraire de la commune. Si vous exigez que les trois bases soient épuisées avant qu'on ait recours aux centimes additionnels, alors il ne reste plus qu'une question de statistique; il reste à savoir si les trois bases pourront suffire indépendamment des centimes additionnels.-Pour moi, je crois que dans la plupart des communes les contributions directes devront non-seulement contribuer pour un tiers, mais supporter une partie plus considérable de la dépense. Je pense qu'il en sera ainsi, parce que d’après les anciens règlements ce n’étaient pas seulement les chefs de famille qui étaient taxés; tous les hommes valides de 18 à 60 ans devaient contribuer à l'entretien des chemins vicinaux, pour une ou plusieurs journées de travail... Dans mon opinion, et je crois qu'elle est conforme au texte de la loi, les trois premières bases sont à la fois un maximum et un minimum, c'est-à-dire que les communes ne peuvent imposer ni plus ni moins, sauf le cas d'une réduction proportionnelle sur les diverses bases prévues par le paragraphe en discussion. » (Monit. du 26 février 1840, supplément.)

(1) M. dΉuart avait proposé la suppression de la dernière partie de ce paragraphe. « Je désirerais avoir quelques explications, dit M. de Theux, ministre de l'intérieur, sur la portée de cet amendement. » « M. le ministre paraît croire, répondit M. dΉuart, que l'amendement que j'ai proposé pourrait avoir pour résultat de réduire les moyens mis à la disposition des communes pour réparer leurs chemins vicinaux. »

«C'est précisément le contraire que j'ai eu en vue. Je suppose une commune qui s'impose des centimes additionnels et que cette imposition produise 120 francs ; je suppose ensuite qu'en appliquant ces trois premières bases, les journées s'élèvent à une valeur représentative de 480 fr.

Que résultera-t-il de la disposition du projet? Que les 480 fr. devront être réduits à 240 fr. pour former le double des 120 fr. produits par les centimes additionnels. Dans mon système les 480 fr. resteraient, et il y aurait lieu d'élever les centimes additionnels au tiers de cette somme; l'excédant, s'il y en avait, servirait à l'exercice suivant. »

Le ministre de l'intérieur, résumant ce système, disait : «Il en résulte que, dans tout état de cause, la commune doit épuiser les trois premières bases, et qu'en outre elle impose aux contributions directes des centimes additionnels jusqu'à concurrence du tiers de ces trois bases : en cas d'excédant on tiendrait ces fonds en réserve. Il devrait y avoir à cet égard une simple faculté, car si pendant plusieurs années consécutives il y avait excédant , ce serait une mesure qui grèverait les contribuables sans nécessité. » M. dΉuart retira sa proposition et demanda de rendre la réduction facultative en modifiant ainsi la rédaction du projet.

- Cet amendement fut adopté. (Monit. du 27 février 1840.)

(2) Ce paragraphe a été ajouté sur les observations faites par deux conseils provinciaux, dont M. Heptia rendait compte en ces termes dans son second rapport : « Le conseil provincial de la Flandre-Orientale fait observer que la rédaction du paragraphe premier n'est pas claire, et qu'il pourrait être entendu contrairement à l'intention que la section centrale a fait connaître dans son rapport, que l'on ne doit recourir aux moyens indiqués dans l'article, que dans le cas où des répartitions personnelles ne pourraient pas avoir lieu.

» Le conseil provincial du Luxembourg a demandé, de son côté, qu'on ne considérât pas comme ressource ou revenu ordinaire de la commune, les portions de bois communaux d'livrées en nature aux habitants pour leur affouage. Retrancher affouage, dit-il, serait ôter au pauvre un objet de première nécessité, qu'il ne pourrait pas remplacer, et établir une inégalité dans les charges, puisque l'affouage se délivrant par parties égales à tous les chefs de ménage, le riche ne contribuerait pas plus que le pauvre; le conseil annonce en outre que la loi qui prescrirait d'employer les coupes de bois destinées à l'affouage des habitants, à couvrir une dépense communale, serait inexécutable dans sa province. La section centrale a cruevoir faire droit à ces observations des conseils provinciaux de la Flandre-Orientale et du Luxembourg. »

 

(3) A la séance du 12 février 1840, M. de Garcia proposa d'ajouter un amendement ainsi conçu : « Les communes ne pourront, dans aucun cas, pour les diverses bases d'imposition, être soumises à des charges excédant 10 p. c. de toutes les contributions directes de la commune. » « Je veux, disait il, qu'on répare les chemins vicinaux ; mais je ne veux pas obérer indéfiniment les communes par des impôts extraordinaires. Les communes pourraient être, un jour, soumises à des charges qui dépasseront la contribution principale de l'État.

Elles auront à contribuer pour le presbytère, pour les écoles primaires, car nous touchons, j'espère, au moment de voter la loi sur l'instruction primaire, pour la garde civique et pour les routes provinciales.

» J'ai fixé le maximum de l'impôt à 10 p. o/o. »

L'amendement fut renvoyé à la section centrale, dont le rapporteur, M. dΉuart, s'exprima ainsi : « La section centrale, après avoir entendu M. de Garcia, auteur de l'amendement par lequel il propose de déterminer à l'art. 14 du projet du gouvernement, un maximum au delà duquel le produit des différentes bases d'imposition ne pourra s'élever, a cru devoir consulter M. le ministre de l'intérieur sur l'utilité de cette proposition. Elle s'est trouvée d'accord avec ce haut fonctionnaire pour vous proposer la rédaction suivante, en remplacement de celle présentée par M. de Garcia :-

 

« Le produit total de ces diverses bases ne pourra, qu'en vertu d'un arrêté royal, excéder le dixième du montant en principal de toutes les contributions directes de la commune.-Cette proposition diffère de celle de l'honorable membre, en ce que le maximum indiqué pourra être dépassé en vertu d'un arrêté royal. - M. le ministre de l'intérieur a présenté à l'appui de la proposition du recours près du roi, la considération que le gouvernement trouverait ainsi l'occasion de subordonner dans certains cas l'autorisation de dépasser le maximum à l'allocation d'un subside de la province en faveur de la commune. - La section centrale a trouvé dans l'intervention du gouvernement une garantie suffisante pour les contribuables, et elle a dès lors pensé qu'il serait utile de conserver, par exception, la possibilité d'élever à plus du dixième des impositions directes de la commune, les prestations pour la réparation des chemins vicinaux, en considérant que sous l'empire des règlements provinciaux actuels il existe des communes qui contribuent annuellement, sans réclamation, pour le tiers des impositions directes. »

« Il me semble, disait M. de Mérode, que si l'on ne perçoit que le 10e des contributions directes tout en évaluant en argent les prestations en nature, la somme sera bien faible dans beaucoup de communes, et s'il faut des arrêtés royaux chaque fois qu'un produit aussi faible sera insuffisant, il y aura une masse d'arrêtés royaux à prendre. »

M. le ministre de l'intérieur lui répondit : « Il ne faut pas croire, messieurs, qu'il soit nécessaire de porter tous les ans un arrêté, ni qu’il faille un arrêté royal pour chaque commune. Lorsque, par exemple, on aura résolu dans une province d'empierrer un chemin et lorsqu'on aura fait le devis de la dépense, un seul arrêté royal pourra autoriser toutes les communes que la chose concernera, à prélever pendant un certain nombre d’années les centimes additionnels qui seront nécessaires. » (Monit. du 16 février 1840, supplément.)

 

(1) M. Mast de Vries avait demandé comment, dans certaines localités, les prestations pourraient ètre perçues : « Bruxelles, par exemple, disait-il, demande que les faubourgs soient joints à la ville ; dans l'hypothèse de cette réunion vous aurez à Bruxelles des chemins vicinaux ; vous avez dans beaucoup de localités des chemins vicinaux qui s'étendent à une lieue ou une lieue et demie hors des portes. - Maintenant, en appliquant la loi à la ville de Bruxelles, qui est obérée, comment voulez-vous que chaque propriétaire soit frappé pour l'entretien des chemins vicinaux ? Les centimes additionnels doivent toujours fournir dans la proportion d'un tiers. Cela fera un chiffre très-considérable. On peut avoir besoin de dix mille francs pour la réparation des chemins vicinaux et l'application des centimes additionnels, en en mettant un seul, vous donnera 20 ou 25 mille francs. Vous aurez les propriétaires d'attelages qui seront encore forces de fournir leur contribution ? »

M. le ministre de l'intérieur avait répondu : « Il est évident que l'art. 14 n'est pas applicable aux villes qui ont des octrois. C'est une chose impossible dans la pratique. Aussi telle n'a jamais été la pensée de la loi. C est laª disposition générale de l'art. 14, portant qu'il est pourvu à l'entretien des chemins, sur les ressources ordinaires de la commune, qui s'applique aux villes. Ainsi la manière d'opérer, quant aux villes, est extrêmement simple.

Tous les habitants agglomérés sont soumis à l'octroi ; il n'y a aucune espèce de prestation conformément aux 4 numéros de l'art. 14. Seulement s'il y avait des habitants extra muros qui ne fussent pas soumis aux taxes d'octroi de la ville, ceux-là seraient régis par les dispositions de l'article, mais elles ne sont là nullement applicables à ceux qui vivent sous le régime de l'octroi. On fait contribuer la ville d'après ses revenus ordinaires. »

« Toutefois à la fin de la séance il proposa la dernière disposition de l'article en disant : « Il faut une disposition positive qui assure des revenus, sans cela il y aurait une lacune dans la loi ; l'article 14 ne peut pas s'appliquer aux villes, il faut donc y pourvoir d'une manière spéciale. »

 

(2) A la chambre des représentants la remise avait été fixée à 10 centimes ; cette réduction avait été approuvée par le rapporteur de la commission du sénat, qui s'exprimait ainsi : « La disposition de l'art. 14 devenu 15, qui prescrit la réduction de dix centimes sur chaque journée de travail, quand le contribuable préfère l'acquitter en argent, mérite une entière approbation. - Peut-être même, en augmentant cette remise, et en la fixant de telle manière que le contribuable eût gagné le quart de sa journée en payant le prix en argent, aurait-on fait beaucoup plus encore pour l'amélioration des chemins vicinaux; car on ne peut le dénier, nous en appelons à l'expérience de tous les membres de cette assemblée qui se sont occupés de l'administration provinciale ou communale, le travail que l'on obtient de la corvée ne vaut presque jamais la moitié de celui que l'on obtiendrait des ouvriers salariés ; dans la plupart des localités, les hommes de corvée arrivent tard, se retirent de bonne heure, restent sans rien faire, quand le surveillant n'est pas à chaque instant auprès d'eux. – Lors même que les autorités communales voudraient exercer une sérieuse surveillance, combien n'y a-t-il pas de moyens de s'y soustraire? - On ne saurait, et c'est à regret que nous le disons, se dispenser d'admettre la corvée, puisqu'il semble reconnu que, dans certaines localités, il faut en laisser l'option aux contribuables ; mais il serait à désirer que les administrations provinciales eussent l'attention de régler la valeur des journées de travail, de manière à engager ceux qui doivent les fournir, à préférer le rachat en argent. Ce serait même un moyen plus facile d'obtenir les résultats que l'on doit avoir en vue, sans froisser aucun préjugé ni aucun intérêt, et d’épargner aux conseils provinciaux, la nécessité de faire souvent usage du droit d'ordonner d'office la conversion en argent des prestations en nature, droit que l'article 17 devenu 18 du projet leur a fort sagement conféré quelque étendu qu'il puisse paraître. »(Rapp. de M. de Macar.)

 

Lors de la discussion au sénat, plusieurs membres proposèrent de porter cette remise à 20 centimes : avant que l'amendement fût mis aux voix, M. de Macar demanda une explication : « Le prix de la journée de travail, dit-il, varie suivant les provinces ; entendons, nonobstant ces différences, que la remise sera partout la même, de 20 centimes indistinctement ou bien de 20 pour cent; en d'autres termes, la remise sera-t-elle de 20 centimes là où le prix de la journée est de 80 centimes comme là où elle est d'un franc?- II est à remarquer, en effet, que ce prix n'est pas uniforme ; il diffère assez grandement d’une province à l'autre; il me semble par conséquent, et c'est une réflexion qui vient de me venir qu'il serait peu juste dans ce cas de stipuler une remise invariable, car il arriverait alors que dans telle province où le prix de la journée est de 80 c., la remise serait en définitive d'un quart ou de 25 p. c., tandis que dans telle autre, où le prix serait d'un franc, la remise ne serait que du cinquième ou de 20 p. c. Je crois, par ce motif, qu'il y aurait lieu de modifier l'amendement, et qu'il conviendrait de substituer

20 p. c. à 20 c.

M. Liedts, ministre de l'intérieur: « Messieurs, la loi de 1791 a déterminé le mode d'après lequel on évaluerait le prix de la journée de travail, mais elle n'a pas fixé le prix, et cela se conçoit aisément. Cette fixation n'était pas possible ; il eût été presque absurde de vouloir arrêter un même prix pour toutes les parties de la république française, la quotité devait varier suivant les localités, et c'est cette règle qui a toujours été maintenue.

» Je ferai à présent une autre observation sur le fond même de, l'amendement qui vous est soumis. Messieurs, dans le Brabant, si ma mémoire est bonne, le prix de la journée de travail est fixé à 60 centimes, et la remise de 10 centimes en réduit le montant à 50 centimes pour ceux qui veulent se libérer en argent de leurs obligations. Mais il faut faire attention qu'il ne suffit pas de pousser au rachat en argent de la tâche imposée par la loi; il y a un autre inconvénient a éviter, c'est de ne plus obtenir par ces rachats qu'une somme insuffisante pour pourvoir à l'entretien des chemins. Sans doute, les prestations en nature ne donnent que d'assez mauvais travail ; mais cependant si vous baissez trop le prix de la journée, vous arriverez à racheter la presque totalité du travail et à n'avoir pourtant pas assez pour parer aux travaux indispensables. C'est un inconvénient très-grave qu'il faut prévenir. »

 

(1) M.Liedts, alors ministre de l'intérieur, disait: « Le second paragraphe de l'art. 15 est en corrélation directe avec la disposition du no 5 de l'article 14. Il est impossible d'interdire le rachat en argent de cette prestation, car on ne peut pas tirer de force d'une écurie le cheval d'un fermier et le faire travailler, si son propriétaire s'y refuse.

 

Tout ce que l'on peut faire, au cas de refus, est donc d'exiger l'équivalent en argent, et dès lors il y a obligation de déterminer l'autorité qui fixera cet équivalent. (Monit. du 12 mars 1841, suppl.)

 

(2) Plusieurs membres avaient demandé la suppression des mots « tombereaux, charrettes et autres voitures. »

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères répondit : « Il est évident que quand on parle de chevaux de trait, ils doivent être fournis avec des voitures ; car on ne pourrait rien faire des chevaux sans voitures. Mais les voitures non attelées ne seront pas imposées. » (Séance du 15 février. - Monit. du 14.)

 

(1) L'article proposé par la section centrale se terminait ainsi : « d'après les bases et évaluations des travaux, préalablement arrêtées par le conseil communal. » Elle le justifiait en ces termes : « Cet article contient une disposition nouvelle, introduite par la section centrale dans le but d'amener les contribuables à employer les journées qu'ils doivent faire pour l'entretien des chemins d'une manière plus profitable pour la commune ; il n'est pas besoin d'insister sur l'utilité de cette disposition : elle est tellement sentie, que tous les membres de la section centrale l'ont adoptée avec empressement. Mais en admettant que les communes seraient autorisées à convertir les cotisations de journées en tâches, il fallait prévenir les abus auxquels cette réduction pouvait donner lieu, et éviter l'arbitraire et les vexations dans la conversion ; à cette fin, les conseils municipaux sont tenus de fixer à l'avance les bases et le tarif d'après lesquels la réduction des journées en tâches devra être faite ; cette mesure était nécessaire pour que le contribuable pût opter avec connaissance de cause ; il doit savoir quelle quantité d'ouvrage il aura à faire pour se libérer de la cotisation d'une journée de travail. » (1er Rapport de la section centrale.)

Sur l'observation de M. de Theux, que la partie finale de l'article était devenue inutile par suite de la décision qui avait été prise relativement à l'article 14, elle fut supprimée. (Monit. du 18 février 1840.)

 

(2) « Comme on ne saurait se dissimuler qu'il existe des localités où la prestation en nature ne pourrait être exigée sans la plus grande difficulté et les plus graves inconvénients, la section centrale a pensé qu'il était convenable de laisser aux députations des conseils provinciaux la faculté d'ordonner, sur la demande des conseils communaux, que les cotisations en nature devront être acquittées en argent. Ce moyen concilie tous les intérêts, et doit faire cesser l'opposition des adversaires de la corvée ; en effet, cette nouvelle disposition laissera aux autorités communales et provinciales la faculté d'écarter le mode de prestation en nature là où elles le croiront inexécutable, et en même temps de pouvoir le conserver là où il donne des résultats satisfaisants. - « Cependant cette disposition n'a pas satisfait tous les opposants à la corvée, on aurait désiré qu'au lieu autoriser les députations des conseils provinciaux a convertir en argent la cotisation en nature par une disposition spéciale pour chaque commune, on les eût autorisées à le faire par une disposition générale pour toute la province. Mais la section centrale n'a pu se rallier à cette idée ; elle a pensé qu'il était dangereux de laisser aux députations provinciales le pouvoir de procéder par des dispositions générales qui ne feraient que déplacer les inconvénients ; qu'il suffisait , pour satisfaire aux véritables besoins , de leur laisser le droit de prendre des mesures particulières pour chaque commune : toutes les localités de la même province ne sont jamais dans la même position ; dans un arrondissement, dans un canton même, la prestation en nature produira de bons résultats, tandis qu'il n'en sera pas de même dans les communes ou cantons voisins. Si le conseil provincial procède par disposition générale, il le fera dans l'intérêt du plus grand nombre, et l'intérêt de la minorité sera sacrifié sans utilité pour la majorité. La section centrale a pensé qu'il valait mieux chercher à satisfaire l'intérêt de chaque commune en particulier, en exigeant une décision spéciale pour chacune ; ce qui, d'ailleurs, ne donnera pas un travail bien considérable aux députations, ces décisions devant servir de règle pour plusieurs années et jusqu'à révocation. » (1er Rapport de la section centrale.)

 

(3) « Les reproches qu'on a adressés à la prestation ou cotisation en nature ont attiré l'attention sérieuse de la section centrale. - Le point sur lequel on paraît insister le plus est l'apathie des autorités communales, qui n'oseront jamais, nous dit-on, forcer leurs administrés à travailler, ni réduire la prestation en argent, ce qui déplairait aux habitants. - Il y a, dans ce langage, un aveu qu'il importe de remarquer, savoir, que les autorités communales encourraient le blâme de leurs administrés si elles les cotisaient en argent au lieu de leur laisser la faculté de se libérer en nature. Il résulte de là que la cotisation en argent ne serait pas populaire, qu'elle gênerait les populations ; et cela n'est pas étonnant, quand on réfléchit que le paysan manque souvent d'argent, tandis que ses bras sont tous les jours à sa disposition. - Néanmoins, la section centrale n'a pu méconnaître que l'espèce de dépendance dans laquelle se trouvent des administrateurs électifs, ne leur permet pas toujours de déployer tout le zèle dont ils peuvent être animés, et qu'il convenait, sous ce rapport, de leur prêter plus d'appui en renforçant l'autorité des magistrats supérieurs. – Vous savez que, selon le projet de la section centrale, les communes pouvaient, sous l'approbation de la députation du conseil provincial, réduire la cotisation en nature en une somme d'argent à payer par le contribuable : elle vous propose d'ajouter que la députation du conseil provincial pourra faire cette réduction d'office, quand la commune montrera de la négligence ou de la mauvaise volonté ; mais en ce cas , l'approbation du gouvernement a paru nécessaire pour éviter tout arbitraire et garantir les intérêts des contribuables. – La section centrale attend un heureux effet de cette disposition ; elle aidera les autorités communales à vaincre la paresse ou les résistances de leurs administrés ; elle sera un puissant aiguillon pour engager ceux-ci à exécuter convenablement les prestations en nature, dans le cas où ils n'aimeraient pas de se libérer en argent. De leur côté, quand les autorités communales sauront que la députation du conseil provincial peut, en cas de négligence de leur part, frapper leurs administrés d'une cotisation pécuniaire qui leur déplairait, le même motif qui les engageait à l'inertie, les engagera à ne rien négliger pour faire exécuter les prestations en nature d'une manière satisfaisante ; elles auront soin de faire remarquer aux habitants qui s'acquitteraient négligemment de leur travail en nature, qu'ils s'exposent à payer en argent, même malgré la volonté du conseil communal. – Au moyen de ce léger amendement à son premier projet, la section centrale espère avoir écarté le principal inconvénient de la cotisation en nature, sur lequel les adversaires de la corvée motivaient leur opposition ; ce ne sera plus la loi qui pourra être accusée d'impuissance, ni les moyens mis à la disposition des autorités taxés d'insuffisance, si les chemins vicinaux sont encore négligés, il faudra attribuer ce résultat à la mauvaise volonté des conseils communaux et provinciaux, contre laquelle une loi quelle qu'elle soit ne peut rien. » (2e Rapport de la section centrale.)

 

(1) M. Lebeau avait demandé comment, il sera possible d'appliquer aux propriétés, de l’état les prestations des journées de travail? Evidemment, disait-il, pour ces propriétés, la conversion en argent devra être faite d'office. »

M. de Theux répondit : « Il ne s'agit dans l'article 20 que des centimes dont les propriétés de l Έtat sont passibles.  On supposera que ces propriétés sont imposées en principal comme les propriétés privées, et à cette taxe ainsi supposée on ajoutera les centimes additionnels, comme s'il s'agissait d'une autre propriété. » ( Moniteur du 27 février 1840.)

 

(2) M. Desmet avait demandé quelle est l'époque de l'année où la députation provinciale pourra faire dresser le devis des travaux qui n'auraient pas été exécutés par les communes : « C'est là, lui répondit M. le ministre de l'intérieur, une question qui devra être résolue par les règlements à faire par les conseils provinciaux; déjà la chambre a adopté une disposition analogue à l'art. 14. » ( Monit. Du 27 février 1840.)

 

(3) Cet article a été présenté par la section centrale, qui s'exprimait ainsi dans son rapport : « Lorsqu'on parcourt une localité où il se trouve quelque grande exploitation industrielle, telle que mines, carrières, hauts fourneaux, fabriques de sucre de betterave, ou autre semblable, on est frappé des dégradations que ces établissements occasionnent sur les chemins vicinaux ; labourés par des voitures nombreuses et pesamment chargées, ils deviennent impraticables aussitôt que viennent les premières pluies de l'automne, et on ne les répare plus qu'à grands frais ; il n'est pas juste, en ce cas, de charger la commune où le chemin est établi d'un entretien dispendieux , dont les établissements dont il vient d'être parlé profitent presque exclusivement, tandis que les habitants sont privés de l'usage de ces chemins pendant une partie de l'année, et voient la dépense qu'ils ont à supporter croître en raison inverse de l'utilité qu'ils retirent. - La section centrale, ainsi que l'avaient désiré plusieurs sections, propose une disposition qui aura pour but de faire contribuer ces établissements a l'entretien des chemins qu'ils dégradent, au moyen d'une subvention qu'ils payeront à la commune. Le projet propose de donner au gouvernement la faculté d'autoriser la commune à établir des péages même sur un chemin non empierré. La section aurait désiré pouvoir donner plus de garantie aux communes en leur donnant un moyen plus assuré pour forcer les exploitants ou usiniers à contribuer; mais elle en a été empêchée par notre législation politique, qui ne laisse aucun moyen de coercition. »

 

(4) Après ces mots, l'article portait : Par une ou plusieurs communes : « Je crois, dit M. de Roo, que cette disposition devrait recevoir plus d'extension ; on devrait la rendre applicable à tous ceux qui seront obligés par la loi d'entretenir les chemins vicinaux. Il faudra pour cela supprimer les mots « par une ou plusieurs communes, » qui sont au commencement de l'article. J'en fais la proposition. »

 

(5) « Dans les établissements industriels et commerciaux, disait, M. Desmet, sont compris toutes les usines et les moulins à moudre du grain, ainsi que les rivages où se débitent les charbons de terre, les chaux, etc., dont l'exploitation endommage communément beaucoup les chemins de campagne. Je le dis ici afin qu'il n'y ait point de doute sur la portée de la disposition, et que la règle soit que tout établissement particulier qui ferait un dommage extraordinaire aux chemins devra y contribuer dans une forte mesure. » (Monit. du 18 février 1840.)

 

(1) « L'article en discussion, dit M. Lebeau, est le même que l'art. 14 de la loi française. Mais je n'y Vois pas le mot forêts qui est mentionné dans la loi française. Je crois qu'il est indispensable de rétablir ce mot qui aura sans doute été oublié ; car, il est à la connaissance de plusieurs d'entre vous que la vidange des forêts est une des opérations qui détériorent le plus les chemins. C'est un motif pour assimiler les forêts aux exploitations de mines et de carrières. »

 

M. de Garcia : « J'ai une observation à faire relativement à l’addition du mot forêts. Je crois que si l'on ajoute ce mot, vous aurez des difficultés sur l'application de la loi. Les forêts, dans les provinces de Namur, du Luxembourg et de Liège, approvisionnent des exploitations d'industrie. Je veux parler des forgeries. - D'après l'article tel qu'il est rédigé, ces établissements devront payer quelque chose pour la réparation des chemins des communes. - Ces exploitations font ordinairement le transport des bois qui se trouvent dans les forêts. Il y aura donc des difficultés dans l'application, parce que si vous mentionnez dans le même article, et les exploitations d'industrie, et les forêts, vous appelez à concourir aux mêmes charges les propriétaires des forêts et les exploitants des entreprises industrielles. - Il est certain que si on ajoute le mot forêt dans la loi, on

Atteindra doublement les forêts; d’abord en faisant contribuer les propriétaires de ces forêts, ensuite les propriétaires des usines qui vont chercher le charbon de bois. - Je fais cette observation pour montrer qu'il y aura des difficultés dans l'application de la loi et qu'il y aura double emploi, à moins qu'on ne fasse une répartition des charges résultant des détériorations aux chemins, entre les propriétaires des forêts et les exploitants des industries qui absorbent les produits des bois. »

 

M. dΉuart : « Je désirerais savoir si la section centrale n'a pas eu des motifs pour ne point insérer le mot/forêt dans l'article.0n conçoit que les exploitants de carrières, de minières, soient atteints, par une disposition spéciale, puisqu'ils n'ont point de ce chef d'impôt direct à payer, mais quant aux propriétaires de forêts, comme ils verseront déjà des centimes additionnels à l'impôt foncier, est-il convenable de les atteindre encore spécialement d'un autre côté? Il est permis d'en douter.

 

» L'honorable M. de Mérode nous a dit qu'on transportait des forêts, des objets très-pondéreux; qu'on faisait beaucoup de charrois pour leur exploitation, et que ces propriétés détruisaient les chemins beaucoup plus que les autres propriétés.

Il serait permis de douter de ces assertions ; car les terres arables, se cultivant annuellement dans toute leur superficie, exigent des charrois tous les ans, tandis que les forêts ne s'exploitent que tous les 10, 15 ou 20 ans, et payent l'impôt pour la réparation des chemins vicinaux, chaque année, à raison de toute la superficie. –

Ces considérations, si elles ne sont pas suffisantes pour faire rejeter la proposition de M. Lebeau, doivent du moins nous engager à bien envisager la question sous toutes ses faces. »

M. Lebeau : « Messieurs, je crois, malgré les observations d'un honorable préopinant, devoir  insister sur l'insertion dans la loi de l'addition que je réclame. - Le silence de la section centrale est le résultat d une pure erreur de rédaction.

L'objection de M. dΉuart, que l'on peut faire concourir deux fois le même établissement pour l'entretien de la voirie vicinale, a sans doute été faite en France; car la loi française assujettit les forêts domaniales à l'entretien des chemins vicinaux quoiqu'elles soient déjà frappées de centimes additionnels par l'article 15 de la même loi. – Il y a deux manières d'user d'un chemin vicinal : un propriétaire de forêts, qui n'exploite pas encore, n'interviendra que pour les prestations et les centimes additionnels, de la même manière que le propriétaire d'une terre arable ; mais remarquez que la loi parle d'une dégradation exceptionnelle ; et c'est dans ce cas que la loi aura son application.

- On imposera les propriétaires de forêts à titre de propriétaires et à titre d'exploitants ; et ils ne seront assujettis que comme propriétaires quand ils n'exploiteront pas ou qu'ils ne détruiront pas le chemin. Au reste, ils peuvent réclamer devant la députation permanente et devant le gouvernement : après avoir parcouru ces deux degrés de juridiction, si la taxe est maintenue, il y a présomption que c'est avec convenance et justice qu'elle a été imposée. - Comme administrateur, j'ai reçu de fréquentes réclamations de la part des communes sur les dégradations faites aux chemins vicinaux par l'exploitation de forêts souvent situées dans des communes limitrophes. Il n'y a pas d’exploitation qui dégrade davantage ces chemins ; aussi je crois qu'on ne peut se dispenser d'introduire le mot forêts dans la loi. »

 

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « J'ai parfaitement compris les nombreuses difficultés auxquelles l'application de cet article peut donner lieu ; il n'y a pas un seul article dans la loi qui puisse faire naître des questions plus difficiles à apprécier. Cependant on ne peut nier qu'on ne doive faire contribuer d'une manière extraordinaire les propriétés qui y sont mentionnées ; mais il faudra avoir égard à toutes les circonstances pour établir la cotisation.

S'agira-t-il du propriétaire d'une forêt, il faudra tenir compte de ce qu'elle a payé en centimes additionnels pendant les années de nos exploitations ; il faudra capitaliser ces centimes, et voir s'ils n'équivalent pas aux dégradations faites pendant l'exploitation. »

 M. d'Huart : « Comme l'a dit l'honorable M. Vandensteen, je crois qu'il est indispensable de définir ce que nous entendrons par forêts. Est-ce qu'un bois de quelques arpents sera considéré comme une forêt, ou bien ne considérera-t-on comme forêts que les bois d'une très-grande superficie ?

 

» Les bois des particuliers sont, selon leur aménagement, divisés par exemple, en 10, 12 ou 15 parties égales, et tous les ans les propriétaires font opérer la coupe d'une de ces portions; il y aura donc temporairement et même habituellement (car les deux conditions prévues dans l'article se trouveront réunies), il y aura, dis-je, temporairement et habituellement, chaque année, dégradation des chemins : est-ce que vous exigerez de ce chef une contribution spéciale de la part des propriétaires, indépendamment des centimes additionnels qu’ils sont déjà tenus de payer ? Il me semble que cela n'est pas admissible, surtout quand l'administration communale pourra en quelque sorte fixer à son gré le montant de cette contribution spéciale. Je ne conçois pas qu'il y ait de la justice dans une semblable disposition. - M. le ministre de l'intérieur a dit tout à l'heure que si une forêt ne s exploitait qu'une fois tous les 30 ans, les communes auront égard à la circonstance que les propriétaires auront payé pendant 29 ans des centimes additionnels, sans avoir usé des chemins vicinaux, qu'ainsi la 50e année on déduira de la subvention extraordinaire à payer, la somme qui aura été fournie pendant les 29 années précédentes en centimes additionnels. Je vous demande, messieurs, dans quel dédale vous allez jeter les administrations communales ; quels sont les experts qui pourront estimer ces choses ? Vous voyez qu'il y a dans ce système quelque chose d'insolite, d’impraticable, et je trouve qu'il aurait été beaucoup plus convenable de s'en tenir ici au projet primitif du gouvernement qui ne s'occupait point de ces impositions tout à fait arbitraires. »

 

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « Voici encore un cas qui peut se présenter : une forêt est située dans une commune ; elle acquitte dans cette commune des-contributions pour l entretien des chemins vicinaux ; cependant, pour l'exploitation de la forêt, il faut dégrader le chemin d'une commune limitrophe qui ne profite pas des centimes additionnels payés sur la contribution de cette forêt ; faudra-t-il, dans ce cas, que le propriétaire de la forêt supporte une double contribution, c'est-à-dire indépendamment des centimes au profit de la commune dans laquelle la forêt est située, une autre contribution au profit de la commune que traverse le chemin dégradé par l'exploitation. Je crois que, dans une semblable circonstance, il faudrait, pour agir équitablement, que la députation provinciale usât de la faculté qui lui est accordée par l’art. 24, et qu'elle fît contribuer à l'entretien du chemin la commune qui perçoit les centimes additionnels et la commune où se trouve le chemin ; mais c'est ce qui devient très-difficile ; parce que le gouvernement ne peut pas prescrire à la députation de prendre une mesure qui fasse contribuer, conformément à l'art. 24, une commune à l'entretien d'un chemin situé dans une autre commune. C'est une faculté dont la députation n'est pas obligée de faire usage. - D'un autre côté, cependant, on ne peut pas méconnaître que la disposition renferme un principe d'équité ; mais c'est une chose extrêmement difficile pour l'administration supérieure. »

 

M. Pirmez : « On sait comment se fait l'exploitation des bois ; on sait que les charbons, par exemple, doivent souvent traverser plusieurs communes pour arriver aux fourneaux. Toutes ces communes devront donc soutenir, devant l'autorité provinciale, des espèces de procès administratifs, soit contre les propriétaires des bois, soit contre les propriétaires des fourneaux. Ce seront des discussions sans fin. »

 

M. Lebeau: « Messieurs, on a d'abord reproché à mon amendement de manquer de définition. Il me semble que le mot forêts se comprend assez bien, et je ne vois pas que le législateur en France ait accompagné cet article d'un commentaire. Il ne s'agit pas ici d'une distinction académique : il s'agit d'une loi qui sera appliquée avec bon sens et bonne foi par les autorités communales, sous le contrôle de l’administration provinciale, et aube soin sous celui du gouvernement; c'est tout ce que le législateur en France a recommandé aux autorités inférieures.-On a rendu compte de l'application de la loi en France. Je n'ai pas vu qu'on ait signalé, comme ayant entraîné à l'arbitraire, la disposition qui est dans la loi française ; je n'ai pas vu qu'on s'en soit plaint un seul instant. Si maintenant je réfléchis à l'objection de l'honorable M. Pirmez, je trouve que ce n'est pas seulement le mot forets qu'il faut supprimer, mais qu'il faut rejeter tout l'article, car toute l'argumentation de l'honorable M. Pirmez s'adresse aux abus qui peuvent résulter non-seulement de l’exploitation d'une forêt, mais encore de l’exploitation d'une mine de houille, pour laquelle on devra traverser plusieurs communes, pour conduire le combustible à sa destination. L'exploitation de la mine de houille sera exposée à la double charge dont parle l'honorable M. Pirmez, pour l'exploitant des forêts. Il ne faut pas de privilège en faveur de l'exploitant d'une forêt, et il faut alors supprimer tout l'article que je considère comme l'un des plus utiles de la loi.

Mais si nous voulons maintenir le système de l'article 26, nous devons absolument introduire le mot/forets, comme on l'a introduit dans la loi française, et ce n'est certainement que par erreur qu'on l'a omis dans le projet actuel.» (Séance du 17 février 1840. - Monit. du 18.)

La chambre des représentants avait admis l'amendement de M. Lebeau ; au sénat cet amendement fut combattu en principe : seulement une exception fut admise pour l'exploitation des forêts en cas de défrichement. Voici comment s'exprimait à cet égard la commission, par l'organe de M. de Macar, son rapporteur :

«L'examen approfondi de l'art, 22 devenu le 25e qui, dans le projet présenté par le gouvernement et dans la rédaction adoptée par la section centrale, ne parlait pas de forêts, a fait penser qu'il serait injuste d'assujettir les propriétaires de forêts à des subventions spéciales plutôt que les propriétaires de terrains d'autres natures de cultures.-L'exécution de ce principe introduit dans la loi serait aussi litigieuse que difficile et ne tendrait à rien moins qu'à détruire cette égalité de charges garantie par notre pacte constitutif.-En effet, l'usage que font ces derniers propriétaires des chemins vicinaux pour la culture des céréales est plus continu et cause, pour ce motif, autant et même plus de dégradations que l'exploitation ordinaire et régulière d'une forêt, et entraîne par conséquent des frais d'entretien plus considérables : d'ailleurs, quand une forêt est exploitée, il en résulte qu'ensuite, pendant longues années, c'est-à-dire 15 à 20 ans, si elle est formée de taillis, et pendant 60 ans, et même plus, si elle est en futaie, cette propriété aura payé une large part dans les centimes spéciaux destinés à couvrir les dépenses de réparation de chemins dont toutefois, pendant tout ce laps de temps, son propriétaire n'aura fait aucun usage pour son exploitation. Il y aurait encore à l'adoption de l'article, tel qu'il à été amendé à la chambre des représentants, un autre effet fâcheux dont on n'a pas sans doute calculé toute la portée, c'est que ce surcroit d'impôt porterait encore moins en définitive sur les propriétaires de bois dans quelques provinces que sur les industries qui les utilisent, de telle sorte que l’industriel qui, aux termes de l'art. 13 de la loi, aurait déjà subvenu à la cotisation pour les chemins comme père de famille, comme chef d'établissement, comme patenté et du chef du revenu et de la propriété foncière de son usine, aurait encore, en vertu de l'art. 23, à payer pour les dégradations des chemins, comme acquéreur du bois nécessaire à l'alimentation de ses usines: et comme ces achats de bois surtout, s’ils étaient éloignés, auraient pour premier effet de le mettre en comptes et en difficultés probables avec les communes dont ces transports parcourraient la voirie, il finirait, sans doute, pour éviter toute tracasserie, par restreindre autant que possible ses achats au rayon le plus rapproché de ses établissements, et les forêts qui s'en trouveraient éloignées seraient alors frappées de moins value pour le fonds comme pour le revenu. - Ainsi, en résumé, il y aurait à la conservation dans la loi de ce mot forêt une aggravation de charges pour les propriétés boisées, beaucoup de gêne pour l'industrie, peu de bénéfices pour les communes et tout à la fois des occasions continuelles de discussions et de difficultés. - Toutefois, il a paru équitable de soumettre au payement d'une subvention à raison des dégradations qui en résulteraient, les bois exploités pour défrichement ; d'une part, cette mesure ne peut être que conservatrice des propriétés boisées qui disparaissent si rapidement de notre sol, et de l'autre, le dérodage des racines, des souches et de la dépouille complète des forêts, entraîne après lui un surcroît de charrois qui n’est plus en proportion avec ceux que pourrait exiger la culture d'une terre arable de même contenance pendant un espace de temps donné ; votre commission a donc compris les défrichements dans l'art. 25. »

 

« Une simple lecture de l'amendement, disait M. le ministre de l'intérieur lors de la discussion, suffit pour vous en faire apprécier toute la portée. D'après le projet adopté par l'autre chambre, lorsque les chemins étaient temporairement dégradés par l'exploitation de forêts, on imposait une contribution extraordinaire aux propriétaires de ces forêts. Votre commission  a cru que cette disposition était trop large et elle a voulu la restreindre au cas où les propriétaires feraient défricher leurs forêts. Mais il me paraît, messieurs, que quand il s’agit d'une coupe extraordinaire, qui arrive tous les cinq ou six ans, il n'y a pas de raison pour exempter le propriétaire de payer une contribution extraordinaire.  Je pense que les coupes extraordinaires devraient être mises sur la même ligne que les défrichements. S'il en était autrement, on pourrait éluder la disposition telle qu'elle est rédigée par la commission ; le défrichement, au lieu de se faire en une fois, se ferait en deux ou plusieurs fois, et le propriétaire ne contribuerait plus à réparer les dégradations qu'il ferait aux chemins. Je pense donc qu'on devrait ajouter à l'amendement de la commission les mots: Ou de coupes extraordinaires. »

 

M. le baron de Stassart : La disposition telle qu'elle était consignée dans la loi a paru injuste à votre commission. Les propriétaires de forêts contribuent pour leur part à l'entretien des chemins vicinaux ; mais les propriétaires ruraux se servent continuellement de ces chemins et peut-être les dégradent-ils plus que les propriétaires de forêts qui ne s'en servent guère que tous les quatorze ans. - Nous avons cru devoir faire une exception pour les défrichements complets ; parce qu'en défrichant des forêts, vous dégradez davantage les chemins, vous sortez de la règle ordinaire, vous transformez vos propriétés boisées en bois ruraux.

 

M. le ministre dit: «Mais on pourra éluder la disposition de la loi ; au lieu de couper toute une forêt, on n'en coupera que la moitié. » Nous n'avons pas dit qu'il fallait défricher totalement. Si sur un bois de 50 ou 60 hectares, on ne coupe que la moitié ; eh bien, on payera pour cette moitié et en raison des dégradations que l'on aura faites aux chemins. Je regarde donc la proposition de la commission comme éminemment juste ; tandis que la disposition adoptée par l'autre chambre aurait consacré une injustice. Quelle que fût la coupe qu'un propriétaire eût faite, d'après cette disposition, il eût été obligé de payer une contribution extraordinaire. C'est par ces motifs que la commission a proposé cet amendement. »

 

M. le comte de Quarré : « Je conçois qu'on fasse payer une contribution extraordinaire à ceux qui dégradent les routes pour une exploitation quelconque, mais qu'est-ce qu'on entend par coupe extraordinaire? Est-ce une coupe anticipée? Si par exemple je fais aujourd'hui une coupe qui n'aurait dû se faire que dans deux ans, je ne dois pas payer plus cher que si je la faisais l’année d'ensuite. - Dans quelques provinces les coupes

se font assez généralement tous les 8 ans ; dans la province de Liège, de Namur, dans le Hainaut et dans le Luxembourg surtout, les coupes les plus hâtives se font tous les dix ans ; mais le plus régulièrement ce n'est que tous les 17 ans. Si je fais une coupe au bout de 16 ans, je ne puis pas payer davantage que si je la faisais au bout de dix-sept ans. Je n'appelle pas cela une coupe extraordinaire, j'appelle cela une coupe anticipée.»

(Séance du 11 mars 1841. - Monit. du 12.)

 

(1) « La crainte que, dans certaines localités, les administrations n'abusassent de la disposition du paragraphe précédent pour imposer les industriels et les propriétaires de forêts qui souvent même habitent d'autres communes, a frappé la commission ; il lui a semblé qu'il fallait donner une garantie contre les abus possibles de la disposition, non seulement à ces propriétaires, mais aussi aux citoyens qui consacrent leurs capitaux et leurs soins à des entreprises industrielles de toute autre espèce. - Il faut qu'ils n'aient rien à redouter de la fausse application de la loi et l'on obtient ce résultat en astreignant à une expertise contradictoire, en cas de dissentiment, le montant des subventions à exiger d'eux. » (Rapport de la commission du sénat.)

 

(2) M. Dumont : « Je désire savoir si, lorsqu'un péage sera établi par suite du refus du propriétaire de l'usine ou de la forêt, de payer l'indemnité, la commune sera tenue d'entretenir le chemin dans un état convenable. Je crois qu'il en sera de cette taxe commune comme de toutes celles qui étaient établies chez nous au profit des communes ; sous la dénomination de chausséage, on payait le droit, et le chemin n'était pas entretenu. »

 

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « Messieurs, l'article exige que la commune mette le chemin en état de viabilité. Je dirai de plus que chaque fois que le gouvernement accorde à une commune un droit de péage, c'est toujours à la condition que les sommes provenant de ce péage formeront un fonds spécial exclusivement destiné à l'entretien ou à l'extension de la chaussée vicinale. »

 

M. Pirmez : « L'honorable M. Lebeau entend qu'une commune, éloignée, je suppose, de 3 lieues d’une houillère, d'une carrière ou d'une forêt, pourra réclamer de l'exploitant de cette houillère, de cette carrière ou de cette forêt, une indemnité pour le passage sur le chemin de cette commune.

 

Eh bien, l'article entendu de cette manière me paraît devoir provoquer des réclamations interminables, et pour ce motif je rejetterai l'amendement de tout l'article. »

 

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « Messieurs, dans le cas supposé par l'honorable préopinant, l'exploitant de la houillère, ainsi que l'exploitant de la forêt, refuseront de consentir à la taxe, et alors la commune n'aura d'autre ressource que de demander l'établissement d'un péage: ce qui est dans le droit commun, car, en définitive, le gouvernement peut accorder des péages pour les chemins pavés et empierrés.

 

» Du reste, je ne regrette pas la discussion a laquelle on vient de se livrer. Cela fixera davantage l'attention de l'administration sur l'exécution de la loi. Ce .ne sera qu'après s'être bien rendu compte des contributions déjà payées par le propriétaire ou par l'industriel pour l'entretien des chemins, et avoir ensuite apprécié les considérations d'équité que les communes auront à faire valoir, qu'on se déterminera à faire concession d'un péage. »

 

(3) La section centrale avait proposé un article nouveau ainsi conçu : a Lorsqu'un chemin vicinal intéressera plusieurs communes, la députation du conseil provincial, sur l’avis des conseils communaux, pourra dans des cas extraordinaires désigner les communes qui devront concourir à sa construction et à son entretien, et fixera la proportion dans laquelle chacune d'elles devra y contribuer. »

 

Voici comment elle l'appuyait dans son rapport : « Il arrive souvent qu'un chemin vicinal traverse le territoire d'une commune, et se trouve considérablement dégradé par les habitants des communes voisines auxquels il sert plus spécialement, sans que la commune qu'il traverse en retire presque aucune utilité ; il n'était pas juste qu'en pareil cas cette dernière commune supportât la charge d'un entretien coûteux d'un chemin qui ne lui sert presque pas ; la section centrale a cru devoir admettre pour ce cas une disposition qui autorise la députation du conseil provincial à faire contribuer les communes qui profitent de ce chemin , quoi qu'il ne soit pas établi sur leur territoire.

» Cependant le projet n'autorise cette mesure que dans les cas extraordinaires et rares où les dégradations commises par les habitants des communes voisines seraient considérables, et où ceux-ci tireraient un grand avantage de l'usage du chemin, Quoiqu'il soit juste en principe que ceux-là qui profitent d'un chemin fournissent à son entretien, ou sent que dans les cas ordinaires l’application de cette règle équitable ferait surgir des difficultés immenses et des conflits sans nombre entre les communes, qui toutes voudraient faire contribuer leurs voisines à l’entretien de leurs chemins, qui sont toujours plus ou moins utiles aux habitants des communes environnantes ; cependant la loi, pour être juste, doit prévoir le cas où les dégradations commises par des étrangers seraient une charge trop lourde pour la laisser peser sur la commune seule sur le territoire de laquelle le chemin est établi. »

 

M. de Theux, ministre de l'intérieur, proposa à la séance du 17 février 1840, la rédaction suivante : « Lorsqu'un chemin vicinal intéressera plusieurs communes, la députation du conseil provincial, après avoir pris l'avis des conseils communaux, pourra le déclarer chemin vicinal de grande communication. Elle pourra prescrire soit l'empierrement, soit le pavement en tout ou en partie, ou toute autre dépense extraordinaire, et régler le mode d'exécution et de surveillance.

 

» La députation provinciale désignera les communes qui devront contribuer à ces dépenses ainsi qu'aux dépenses d'entretien, et fixera la proportion dans laquelle chacune d'elles devra y contribuer, sauf recours au roi de la part des communes intéressées, ou de la part du gouverneur de la province.»

 

(1) Ce paragraphe fut proposé dans le cours de la discussion à laquelle donna lieu le changement de rédaction, présenté par M. de Theux. M. Angillis avait dit : « Je pense qu'il est convenu que les communes ne devront payer les frais de réparation que pour les chemins renfermés dans leur territoire. En effet, il serait évidemment injuste de forcer une commune à réparer un chemin qui traverserait une autre commune, attendu qu'il y a des communes où l'on n'a aucun soin des chemins, et d'autres où on les entretient mieux. Je voudrais qu'on s'expliquât à cet égard. »

 

« En règle générale, répondit M. de Theux, et conformément à la disposition déjà adoptée par la chambre, les communes devront entretenir les chemins sur leur territoire, ou concourir à cet entretien en proportion de la partie qui traverse leur territoire. Cependant il y a des cas exceptionnels où cette obligation absolue serait injuste, surtout quand il s'agit d'un empierrement ou d'un pavement, car il peut arriver qu'un chemin allant d'une commune vers une ville, traverse l'extrémité d'une autre commune, et que l'empierrement de cette partie de chemin tende à éloigner la circulation du centre de la commune traversée, et que cependant ce chemin profite grandement à plusieurs autres communes qui n'ont pas d'autre communication pour arriver à la ville. Dans ce cas il ne serait pas juste que ces communes fussent chargées d'entretenir le chemin uniquement dans la proportion dans laquelle chacune d'elles est traversée par ce chemin. Il convient alors que les communes qui en profitent le plus concourent aussi à l’entretien d'une manière extraordinaire. Il a bien fallu laisser une certaine faculté à la députation. »

 

« La section centrale, disait M. dΉuart, qui a présenté la disposition à laquelle M. le ministre de l'intérieur propose une modification, a fort bien compris que cet article pouvait avoir une très grande portée et qu'il ne fallait en user que dans des cas extraordinaires.- Je crois qu'il faut laisser au gouvernement et à la députation la faculté dont il s'agit dans cette disposition ; toutefois je voudrais qu'il fût stipulé que l'usage de cette faculté serait restreint aux cas extraordinaires. Je de manderai à M. le ministre de l'intérieur s'il verrait de la difficulté à insérer dans l'article cette disposition : que la députation pourra, dans des cas extraordinaires, déclarer un chemin vicinal de grande communication. On me dira que ces mots n'auront pas une grande force dans l'article. Je dirai cependant que cette expression rendra les autorités constamment attentives sur la portée restrictive de cette faculté, que M. Angillis trouve exorbitante. »

 

« Ainsi que l'a fait observer l'honorable préopinant, dit à son tour M. de Theux, la rédaction de la section centrale contenait ces mots : dans les cas extraordinaires. Mais veuillez remarquer que si nous n'avons pas reproduit ces mots, nous avons introduit dans l’article une garantie nouvelle : nous avons permis le recours au roi de la part des communes intéressées ou de la part du gouverneur de la province. Je crois que cette garantie est encore plus forte que celle résultants des mots : dans les cas extraordinaires.

 

« Je ferai observer d'ailleurs que la disposition n'est plus la même non plus sous un autre rapport.

La section centrale ne s'est occupée que de l'entretien des chemins, et elle proposait de dire que dans des cas extraordinaires « la députation provinciale pourrait faire intervenir dans l'entretien les communes autres que celles dont le territoire est traversé par le chemin. Alors qu'il ne s'agissait que de l’entretien, l'addition proposée par la section centrale était absolument nécessaire. Mais aujourd'hui que, d'après mon amendement, l'article acquiert une nouvelle extension, et s'applique à l'amélioration, à l'empierrement et au pavement des chemins, ainsi qu'à toutes autre réparations extraordinaires, je crois qu'il vaut mieux supprimer les mots : dans les cas extraordinaires. »

 

La loi que nous discutons, disait M. Fleussu, imposera des charges fort lourdes aux communes rurales, tandis que les villes en auront de légères à supporter, parce que le territoire des villes s'arrête ordinairement à leur enceinte. Voilà ce qui est pour la loi en elle-même. Il s'agit maintenant d'un article relatif aux grandes communications.- Or, les grandes communications aboutissent presque toujours à des villes ; s'il est vrai que les communes seules qui sont traversées par ces chemins doivent en supporter les dépenses d'entretien , d'amélioration et de confection , ce sera une nouvelle charge que vous ajouterez aux charges déjà très lourdes des communes. Je crois que les villes doivent aussi contribuer à ces dépenses. »

 

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : «C'est dans ce sens que l'article est conçu.»

M. Fleussu : « C'est pour ajouter de nouvelles considérations à celles présentées par M. le ministre. Ces considérations ne m'appartiennent pas, je les ai trouvées dans la loi française. »  

 

M.le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « Comme le fait observer M. Fleussu, il est juste que la députation fasse contribuer une ville à l'entretien d'un chemin qui aboutit à ses portes, car les habitants de cette ville useraient considérablement de ce chemin.

 

» Pour faire droit aux observations de M. dΉuart, on pourrait ajouter à l'article que j'ai proposé la disposition suivante : - Sauf les cas extraordinaires, aucune commune ne devra contribuer à l'entretien ou amélioration des chemins traversant le territoire d’une autre commune.- Alors nous restons dans les termes du projet de la section centrale.-On maintient la règle générale déjà posée dans la loi et on stipule que ce n'est que dans les cas exceptionnels que ceci aura lieu. - On demande s'il ne faut pas ajouter le mot ville; c'est inutile, car d'après notre langage législatif, le mot commune comprend les villes. »

M. Lebeau : « L’article dont il s'agit est à mon avis un des meilleurs et des plus importants de la loi. Je prends la parole parce que je vois que les honorables membres qui l'appuient craignent qu'il n'en résulte une charge trop lourde pour les communes.

J’appellerai leur attention sur un article de la section centrale qui est en corrélation directe avec celui-ci, et d'après lequel les provinces accorderont des subsides dans les cas dont il s'agit. Je pourrais prouver que ce que j'ai dit là n'est pas une hypothèse, et faire voir par le présent ce qui sera dans l'avenir ; déjà des sommes considérables, des sommes qui s'élèvent jusqu'à 80,000 francs, sont portées à certains budgets provinciaux pour aider les communes, dont les ressources sont insuffisantes, à améliorer la voirie vicinale. – Une bonne loi stimulera davantage encore la sollicitude provinciale dans l'intérêt des communes. »

 

M. Cools : « Je partage l'opinion de l'honorable préopinant, que la disposition qui nous occupe est une des meilleures de la loi. Mais je ferai observer qu'il ne faut pas donner un sens trop restrictif aux mots : « sauf les cas extraordinaires ; » sans cela il sera impossible de faire entretenir par les communes les chemins qui ne vont qu'à l'extrémité de leur territoire. Déjà il y a de grandes difficultés dans les Flandres pour faire entretenir ces chemins; à l'avenir ces difficultés seront encore plus grandes. Aujourd'hui ces ont les riverains qui entretiennent les chemins. Ils ont intérêt à ce qu'ils soient en bon état, parce qu'ils passent près de leurs propriétés. Les communes n'auront plus le même intérêt, et ne soigneront pas les chemins passant à l'extrémité de leur territoire; elles espéreront y trouver un moyen de diminuer les charges de la commune déjà rendues assez lourdes par la loi que nous faisons.- Je pense que l'exception doit s'appliquer à tous les chemins de terre ou autres intéressant plusieurs communes. »

 

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « L'article s'applique aussi bien à l'entretien qu'à l'amélioration. Le cas cité par l'honorable préopinant est celui qu'a eu en vue la section centrale. »

 

M. dΉuart : « Je crois qu'on n'a rien pu trouver dans mes paroles qui indiquât que je fusse contraire à la proposition de M. le ministre de l’intérieur. Si je lui ai adressé quelques observations, c'est que cette proposition apporte une grande extension au système analogue de la section centrale; elle aussi veut donner aux députations le pouvoir de déterminer, dans des cas extraordinaires, les communes qui devront concourir à la construction et à l'entretien de tel chemin en dehors de leur territoire. Mais l'amendement du ministre ajoute que la députation pourra prescrire, soit l'empierrement, soit le pavement, en tout ou en partie, ou toute autre dépense extraordinaire. C'est là une extension à la première rédaction et j'ai cru qu'il était prudent de prescrire quelque circonspection à l'autorité provinciale. Que veut dire pavement, empierrement ou toute autre dépense extraordinaire? Sans doute la construction de ponts ou autres ouvrages d'art dont les dépenses peuvent être très-lourdes pour les communes. Je ne dis pas qu'il faille ôter aux députations la faculté de prescrire ces dépenses, mais qu'il importe qu'elles n'en usent qu'en cas d'indispensable nécessité et après s'être assuré que les communes peuvent les supporter. - Si on croit que la discussion qui s'est élevée en ce moment suffit pour préciser le sens et l'esprit de la loi à ceux qui l'exécuteront, je n'insisterai pas pour l'introduction de la réserve proposée d'abord par la section centrale. » (Séance du 17 février 1840. - Monit. du 18.)

(1) « Il serait à désirer que l'on pût arriver à faire, des chemins vicinaux, un ensemble de communications qui complétât le système des routes de l’Etat et des provinces et y suppléât au besoin ;  pour arriver à ce but, il faut qu'ils soient viables dans toutes les communes qu'ils traversent et qu'ils satisfassent aux besoins de la circulation ; il suit de là que l'on doit en pareil cas attribuer à l'autorité supérieure le pouvoir d’en fixer la largeur et la direction. Si ce soin était laissé aux communes, elles choisiraient souvent la direction qui leur convient le mieux et celle qui leur occasionnerait le moins de dépenses, sans' s'inquiéter des besoins des communes voisines, et, ce qui serait pis, elles pourraient souvent se conduire de manière à empêcher la circulation et à se soustraire par ce moyen indirect et blâmable à la charge d'un entretien plus ou moins onéreux. - Ces considérations ont porté la section centrale à adopter un article qui autorise le conseil à déclarer certaines lignes de chemins vicinaux, chemins de grande communication, dont l'entretien sera à charge des communes et de la province intéressées. - Si le chemin qui sera ainsi considéré comme étant de grande communication, se trouve établi dans des communes appartenant à des provinces différentes, le gouvernement est alors la seule autorité compétente pour en fixer la direction, la largeur et les quotités pour lesquelles les communes devront contribuer à son entretien. - Si au contraire, le chemin ne s'étend pas hors d'une seule province, le conseil provincial est le juge naturel de ce qu'il convient de faire, le projet lui en donne le pouvoir. » (Rapp. de la section centrale.)

 

(1) «La section centrale a pensé qu'il convenait d’introduire dans le projet une disposition analogue à celle qui se trouve dans la loi provinciale, art. 69, no 20, pour autoriser les conseils provinciaux à venir en aide aux communes qui se trouveraient dans l'impossibilité de subvenir aux dépenses qu'exige la réparation de leurs chemins. -

Il peut être juste aussi que la province intervienne dans la dépense d'entretien d'un chemin d'intérêt général, soit pour toute une province, soit pour une partie plus ou moins considérable d'une province ; en ce cas le projet autorise la province à accorder des subsides sur les fonds de la province.

 

- Inutile d'observer que, dans tous ces cas, les conseils provinciaux pourront fixer la direction, la largeur des chemins, et imposer aux communes l'obligation de fournir une quote-part des frais d'entretien ; car n'étant pas obligés d'une manière absolue de donner des subventions, ils pourront y mettre telles conditions qu'ils jugeront convenir.

(1er Rapport de la section centrale.)

« Je conçois, dit M. Lebeau, cette disposition dans la loi française, parce que les conseils généraux sont loin d'avoir les prérogatives de nos conseils provinciaux ; il était nécessaire de leur accorder l’autorisation préalable de voter des centimes additionnels pour subsides aux communes dans l'intérêt des chemins vicinaux. A moins qu'on ne considère ici cette disposition comme une sorte d'invitation adressée aux conseils provinciaux, législativement parlant, elle est tout à fait inutile.

En ce sens seulement, elle peut avoir un bon effet, et, toute réflexion faite, je n'en demanderai pas le retranchement. » (Monit. du 18 février 1840, 1er supplément.)

 

(2) « Vous remarquerez, disait M. dΉuart, que l’article doit avoir pour objet de prescrire aux conseils communaux de délibérer à la réquisition de la députation provinciale, aussi bien sur la suppression que sur l'ouverture, le redressement ou l'élargissement des chemins vicinaux ; car si la députation juge nécessaire la suppression d'un chemin vicinal , il faut qu'elle ait la faculté d'inviter le conseil communal à en délibérer. Dira-t-on qu'il y a des dépenses à faire dans ces divers cas? Mais pour la suppression d’un chemin, il y a lieu à un travail, et par suite il y a lieu également à une dépense. »

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « Je me rappelle le motif pour lequel on n'a pas inséré dans l'article le mot suppression, c'est qu'on n'a pas voulu qu'un chemin vicinal pût être supprimé sans l'assentiment du conseil communal ; si l'on veut que la suppression puisse avoir lieu malgré l'opposition du conseil communal, alors je ne m'oppose pas à l'addition du mot suppression.

 

Mais convient-il qu'un chemin puisse être supprimé malgré l'opposition du conseil communal ? Voilà la question que je pose. M. Lebeau : « J'appuie la proposition de l'honorable M. dΉuart. Je comprends très-bien que la section centrale ait jugé indispensable de faire intervenir le gouvernement, lorsqu'il s'agira de faire ouvrir ou perfectionner une route, parce qu'elle a pensé qu'il y aurait toujours dans ce cas une certaine opposition du conseil municipal, puisqu'il s'agirait d'une charge imposée à la commune ; mais on aura pensé que les charges étant plutôt restreintes par la suppression d’un chemin, le conseil communal ne manquerait pas de l'admettre si elle était utile, et que sous ce rapport l'intervention de l'autorité supérieure serait inutile. Mais ce qui peut paraître vrai en théorie ne l'est pas toujours dans la pratique. Il est certain que parfois, grâce à l'influence de quelques propriétaires grands ou moyens, on ne peut parvenir à la suppression de certains chemins vicinaux quoiqu'elle soit réclamée par la presque universalité de la commune.

Il y a là une résistance qui brave toutes les réclamations de l'intérêt général.-Je puis affirmer que j'ai vu des communes où la construction de routes de 1Έtat ou de routes provinciales devait entraîner la suppression de routes vicinales presque parallèles que cependant on maintenait. Je me suis enquis des motifs pour lesquels n'avait pas lieu cette suppression qui devait tourner au profit de la caisse communale par la vente du terrain et par la suppression des frais d'entretien. Il m'a été répondu qu'on désirait beaucoup cette suppression, mais que, comme elle ne convenait pas à tel propriétaire, on ne pouvait réussir à la faire mettre en délibération. J'y suis quelquefois parvenu par mon influence et par celle des commissaires de district, et avec le produit de la vente des chemins supprimés, on a créé des chemins nouveaux, très-utiles et même des chemins empierrés. Mais, pour arriver à ce résultat, il a fallu vaincre une grande force d'inertie. »

 

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « Je veux appeler l'attention de la chambre sur l'addition demandée. Si elle était admise, la députation provinciale pourrait elle ordonner la suppression d'un chemin malgré l'opposition du conseil communal? »

Plusieurs membres : « Sans doute. »

 

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « Puisqu'on l'entend ainsi et que l'autorisation du gouvernement sera nécessaire, je n'ai pas de motif pour m'opposer à l'addition du mot suppression. » (Séance du 17 février 1840. - Moniteur du 18.)

 

« Cet article n'est pas complet, disait M. Lebeau, lors du vote définitif, on parle de l'ouverture et de la suppression des chemins vicinaux : maintenant on accorde à la députation les moyens de vaincre la résistance des conseils communaux. Il faut mettre le second paragraphe en harmonie avec le premier. Il faut que la députation puisse ordonner la suppression et l'aliénation d'un chemin. Si on ne le faisait pas, la députation n'aurait qu'un demi-pouvoir ; elle pourrait prescrire et elle n'aurait pas de moyen d'exécution. »

 

Le ministre de l'intérieur lui répondit : « J'avais cru qu'il résultait assez de garanties des dispositions de l'art. 29, qui dit qu'en cas d'abandon ou de changement de direction, total ou partiel, d'un chemin vicinal, les riverains de la partie devenue sans emploi auront le droit, pendant six mois, à dater de la publication par le collège échevinal de l'arrêté qui approuve le changement ou l'abandon, de se faire autoriser à disposer en pleine propriété du terrain devenu libre, en s'engageant à payer à dire d’experts, soit la propriété, soit la plus value, dans le cas où ils seraient propriétaires du fond. »

D'après cette explication, M. Lebeau n'insista plus. (Monit. du 27 février 1840.)

 

(1) Ce paragraphe, dans le projet du gouvernement, était conçu dans les mêmes termes que ceux de la loi : la section centrale y proposa un changement, que son rapporteur expliquait ainsi : « Cet article a été l'objet de critiques dans la 6e section. - La commune, a-t-on dit, ne doit pas être chargée malgré elle, et peut-être arbitrairement, d'élargir ou redresser un chemin, et pour ce faire, être obligée à recourir à des expropriations coûteuses ; elle ne peut pas plus y être forcée qu'on ne pourrait la forcer à ouvrir un chemin nouveau. Si, dit cette section, le chemin est d'intérêt communal, alors la commune a le droit d’en délibérer et de décider que la dépense sera faite ; si au contraire le chemin est d'intérêt provincial, ce n'est pas la commune, mais la province qui doit supporter la dépense. - La section centrale a reconnu qu'il y aurait du danger de laisser subsister l'article tel qu'il est au projet, en ce que dans certains cas, on pourrait s'en prévaloir pour imposer à des communes sans revenus des charges au dessus de leurs moyens ; cependant d'un autre côté, il convient de laisser à l'autorité supérieure le moyen de vaincre la résistance d'une commune riche, qui, sans raison, s'opposerait à un élargissement ou à redressement utile au public.- Pour concilier ces intérêts opposés et prévenir les abus possibles, la section centrale propose un changement de rédaction qui ne laisse le droit aux députations des conseils provinciaux d'ordonner les dépenses de redressement que quand la commune peut y faire face, au moyen de son revenu annuel, ou de ses économies, sans s'imposer des charges extraordinaires qui excèdent cinq centimes par franc en addition aux contributions directes. »

(Rapp. de la section centrale.)

Cette addition, proposée par la section centrale, fut considérée comme inutile lors de la discussion, par suite de l'amendement qui fixe un maximum adopté sur la proposition de M.de Garcia. Foy. la note 5, p. 181.

 

 (2) M. Lebeau : « Je crois qu'il faudrait déclarer que les parcelles seront vendues en adjudication publique. Je craindrais qu'on n'abusât de la faculté des ventes de gré à gré pour céder les parcelles à vil prix ; par les enchères on en retirera plus de profit. »

M. Cools : « Il faut laisser l'article tel qu'il est, car s'il y a des inconvénients dans un sens, il y en a dans d’autre. Je suppose un chemin supprimé d'office contre le gré du propriétaire ordinaire.

Si des particuliers sont mécontents de cette opposition et qu'on expose le terrain abandonné en vente publique, on pourra pousser les enchères tellement hautes qu'il y aura véritablement vexation. »

 

M. dΉuart : « Je pense que l'observation faite par M. Lebeau est parfaitement juste, et qu'on peut obvier à l'inconvénient qu'il signale en insérant ces mots : à dire d'experts, dans l'article. Il pourrait y avoir des abus à laisser les propriétaires fixer le prix de gré à gré avec l’autorité communale.

 

» Quant à la voie des enchères, je n'en voudrais pas plus que la section centrale ; il convient d'éviter qu'on ne trouble le propriétaire du fonds et que l'on ne l'expose à de grands préjudices, en le mettant souvent dans la nécessité de racheter sa tranquillité à trop chers deniers. La voie de l'expertise remédierait à cet inconvénient et à celui que M. Lebeau veut prévenir. »

 

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères : « L'article, tel qu'il est rédigé, me semble offrir toutes les garanties ; il ne déroge en aucune manière aux règles établies par la commune. Le propriétaire ne peut demander à la commune la cession d'un chemin ou d'une parcelle de chemin, sans qu'elle soit autorisée par la députation permanente ou par le roi. Dans le cas de dissentiment, il n'y a d'autre moyen que de recourir aux tribunaux pour faire fixer la valeur.

C'est là le droit commun. - Vous accordez au propriétaire le droit d'exproprier la commune ; mais cette expropriation doit être prononcée par les tribunaux quand elle n'a pu être arrangée à l’amiable.»

 

M. Lebeau : « Je n'en persiste pas moins à penser que les mots à dire d'experts, sont utiles.

- Je ferai remarquer qu'on s'était trompé sur la portée de mon amendement. Je ne disais pas qu'il fallait toujours procéder par adjudication publique ; je disais que la députation pourrait ordonner l'adjudication publique. Dans tous les cas analogues, la députation ordonne la vente de gré à gré, mais si elle supposait de la connivence entre le propriétaire et l'administration communale, la députation ayant la faculté d'ordonner l'adjudication, recourrait à ce moyen pour déjouer la connivence. Du reste, je crois que maintenant on n'a plus de scrupules. (Séance du 26 février 1840.- Monit. du 27.)

 

(1) Cet article a été adopté sur la proposition de M. Lebeau : il a été appuyé par les considérations suivantes qu'on lit dans le rapport de la commission du sénat :

« L'art. 51 nouveau laisse la faculté d'instituer des commissaires-voyers ; il est à désirer que, dans chaque province, on soit convaincu de l'importance de cette institution et qu'on lui donne la force nécessaire ; la loi qui organise le pouvoir municipal a laissé trop peu d'action à l'autorité provinciale, pour que celle-ci puisse faire exécuter convenablement par des fonctionnaires temporaires électifs les dispositions des lois, lors qu'elles contrarient les intérêts particuliers de ceux-là mêmes dont dépend leur réélection. »

 

(2) « La 3e section propose que les bourgmestres, les échevins et tous les officiers de police judiciaire puissent constater les contraventions sur la voirie vicinale ; les autres sections ont adopté l'article sans y proposer aucun changement. La section centrale s'est ralliée à la proposition de la troisième section, en ce qu'elle concerne les bourgmestres et les échevins, mais elle n'a pas cru qu'il convenait d'étendre le droit de constater les délits aux autres officiers auxquels elle proposait de le conférer. Le plus souvent ces officiers manquent des connaissances locales nécessaires pour reconnaître et bien apprécier s'il y a contravention, et, d'un autre côté, il peut être dangereux d'attribuer à un grand nombre de personnes le droit de rechercher les contraventions sur la voirie, et de leur donner ainsi l'occasion de satisfaire les passions haineuses qu'elles pourraient avoir contre leurs voisins. » (Premier rapport de la section centrale.)

 

(3) M. Desmet : « Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s'il ne juge pas nécessaire d'ajouter les mots : « et les commissaires spéciaux délégués par la députation permanente. » Vous savez, messieurs, que souvent les commissaires d'arrondissement n'ont pas le temps d'aller s'assurer si les chemins vicinaux sont bien entretenus : cette circonstance rend nécessaire l'envoi fréquent de commissaires spéciaux pour procéder à cette inspection. - Messieurs, vous devez connaître que si vous n'avez pas une autorité supérieure qui vienne faire de contre-visite, les autorités communales ne font guère quelque chose de bon pour l'entretien des chemins. Toujours on a senti cela, et c'est pourquoi toujours les administrations provinciales et départementales ont délégué des commissaires spéciaux pour faire des contre-visites et surveiller les opérations des autorités communales.- Je crois donc qu'il serait bon d'étendre le pouvoir de constater les contraventions aux commissaires délégués ; car, comme je viens de le dire, les commissaires d'arrondissements ont toujours tant d'occupations , qu'ils n'auront pas toujours le loisir de bien surveiller l'entretien et la police des chemins de communes. »

 

M. le Ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « Messieurs, cette addition est inutile, parce que dans le cas où la députation permanente enverrait un commissaire spécial pour inspecter les chemins vicinaux, le commissaire ferait son rapport à la députation, et le gouverneur pourrait inviter le commissaire d'arrondissement à faire dresser les procès-verbaux ou à les dresser lui-même. » ( Séance du 18 février 1840.

- Monit. du 19.)

 

(1) « L'art. 52 nouveau devrait subir quelques modifications pour donner plus de force à l'action des commissaires voyers ; il faudrait exempter leurs procès-verbaux de l'obligation d'être affirmés et les placer, ainsi, sur la même ligne que ceux des bourgmestres, qui font foi jusqu'à preuve contraire, sans affirmation. Il y aurait alors à rayer les mots et des commissaires voyers, au dernier paragraphe de cet article. On s'est demandé si les dispositions de cet article qui investissent les fonctionnaires qui y sont indiqués du droit de constater les contraventions et les délits commis en matière de voirie vicinale, ne devraient pas être impératives, et leur imposer le devoir de constater toujours, et dans tous les cas, ces contraventions. - Mais la crainte qu'une pareille obligation n'entraînât de graves inconvénients et n'eût pour premier résultat de diminuer encore le nombre des citoyens qui sont à même de remplir et consentent à accepter ces fonctions presque gratuites, doit déterminer à ne pas accueillir cette innovation qui, au premier coup d'œil, semblait devoir faire obtenir d'heureux effets. » (Rapport du sénat.)

 

(2) M. de Garcia : « Messieurs, il me semble qu'il serait utile d'exiger que les procès verbaux fussent soumis à l'affirmation devant le juge de paix. Ces procès-verbaux ont une grande portée : ils doivent faire foi jusqu'à preuve contraire. Je voudrais qu'ils fussent soumis à l'affirmation dans les trois jours. »

M. le ministre de la justice : « Il suffirait d'un délai de 24 heures. »

M. de Garcia : « Ce délai serait un peu court, parce que les cantons de justice de paix sont assez étendus. »

M. le ministre de la justice : « On fera affirmer les procès-verbaux devant le bourgmestre. » (Séance du 18 février 1840. - Monit. du 19.)

 

(3) M. de Garcia: « Je demanderai à M. le ministre si les règlements provinciaux atteindront les délits dont il est parlé à l'art. 54, c'est-à-dire si ces règlements pourront déterminer les peines des contraventions dont il est parlé à l'art. 54. Cet article porte : « L'action publique ayant pour objet la répression d'une usurpation ou d'un empiétement sur un chemin vicinal sera prescrite par une année révolue. » - Il parle de deux délits spéciaux, des empiétements et usurpations ; il ne parle pas d'autre délit. Cependant les règlements provinciaux sur la police des routes prévoiront et puniront d'autres délits. Il se fait sur les routes une grande quantité de délits qui ne sont ni des empiétements ni des usurpations. Je demande si ce qui sera déclaré délit par les règlements provinciaux sera prescrit par le délai déterminé par ledit article, c'est-à-dire par le délai d'un an.

 

» Il pourrait se faire que les empiétements et les usurpations fussent punies par le Code pénal, comme elles le sont aujourd'hui. Je demanderai encore si les délits de petite voirie, tels que l'enlèvement de bornes et le comblement de fossés, pourront être réglés par les règlements provinciaux. »

 

M. Angillis : « Il faut nécessairement changer cet article, parce que ce ne seront pas seulement les règlements provinciaux qui prévoiront les délits commis sur les chemins. Je trouve dans le Code pénal des peines plus fortes que celles de simple police contre des délits de ce genre. On ne peut nier qu'un fossé ne fasse partie intégrante du chemin public. En comblant un fossé, on commet un délit de voirie que l'art. 456 du Code pénal punit d'un mois à un an d'emprisonnement et d'une amende égale au quart des restitutions et dommages-intérêts, qui dans aucun cas ne peut s'élever au-dessus de 50 fr. Voilà une peine plus forte que celles qui seront comminées par les règlements provinciaux. Pour être conséquent, si on veut que toutes les peines résultant de contraventions soient comprises dans les règlements que feront les conseils provinciaux, il faut ajouter un article comprenant les fossés dont la loi ne parle pas et qui cependant ont toujours été considérés comme partie intégrante des chemins publics. Si vous n'en parlez pas, vous aurez beau diminuer les peines par les règlements provinciaux, l'article 456 du Code pénal existera toujours. »

 

M. Lebeau : « Je crois que, quant aux peines prononcées par le Code pénal, elles peuvent coexister avec les dispositions de la loi actuelle.

Remarquez qu'il ne s'agit ici que de règlements provinciaux. On réduit la compétence des conseils provinciaux, qui peuvent prononcer des peines plus fortes que celle de simple police. Seulement, en matière de voirie, dans les règlements provinciaux, on ne pourra aller au delà des peines de simple police. Il ne s'ensuit pas qu'on puisse déroger au Code pénal. Quand la loi parle, la compétence des conseils communaux et provinciaux, en matière de pénalité, expire. Je ne crois donc pas que, par l'article dont il s'agit il puisse être porté atteinte aux dispositions du Code pénal. Cependant, s'il y avait quelques doutes, la question vaudrait la peine d'être examinée: et il faudrait inviter les honorables membres qui ont manifesté des scrupules, à proposer un amendement. »

 

M. de Garcia : « Je ferai observer que l'article ne s'appliquera pas à la loi, mais à des délits prévus par le Code pénal.

» J'ai demandé à M. le ministre de quels délits, de quelles contraventions il entendait parler à l'article 54. Je suis porté à croire qu'il s'agit de délits prévus, car l'article concernant la prescription parle de délits prévus par le Code pénal. Si l'article n'est pas changé, il se trouvera qu'il y aura un article de prescription pour les délits prévus par le Code pénal et il n'y en aura pas pour ceux prévus par les règlements provinciaux.-Il y aura incohérence.

 

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « Il n'y a aucune difficulté à étendre l'article 54 aux contraventions. On peut les mettre sur la même ligne que les cas d'empiétement ou d'usurpation. »

 

M. Milcamps : « La prescription établie par l'article 54 n'a aucun rapport avec les articles précédents. Les auteurs du projet de loi ont voulu établir une prescription plus longue que celle qui existait auparavant. Le gouvernement a voulu étendre à une année la prescription qui n'était que d'un mois d'après le Code rural, mais cela n'a aucun rapport avec les peines et avec les contraventions. »

 

M. Verhaegen : « Je prends la parole parce que je crois dangereux de laisser passer sans observation ce que vient de dire M. Angillis. L'honorable membre vous a parlé de l'art. 456 du Code pénal.

Dans cet article il s'agit du fait de combler des fossés, qui est puni d'une peine assez sévère : un mois à un an d'emprisonnement. Vous ne devez pas confondre les fossés dont il s’agit avec ceux dont parle l'art. 456. Combler un fossé qui longerait un chemin, ne constituerait pas le délit prévu par cet article qui concerne les destructions de clôtures particulières. Une propriété est entourée d'un fossé de clôture, celui qui se permettrait de combler ce fossé tomberait sous le coup de l'article 456. Quelle serait la prescription ? La prescription ordinaire, d'après le Code d’instruction criminelle. Si quelqu'un comblait un fossé longeant un chemin vicinal, il pourrait être puni d'un mois à un an d'emprisonnement, alors que vous ne puniriez que d'une amende le fait d'avoir empiété sur un chemin. Le fait de combler un fossé n'est pas plus important que celui d'usurper, et ne peut pas être puni d'une peine plus forte. Il n'y a pas de doute à cet égard. Il est possible que M. Angillis en ait, mais la doctrine et la jurisprudence ont établi cette distinction. Il suffit de peser les termes de l'art. 456 pour être convaincu qu'il ne concerne pas les fossés longeant les routes.

Voici comment cet article est conçu : « Quiconque aura en tout ou en partie, comblé des fossés, détruit des clôtures, de quelques matériaux qu'elles soient faites, coupé ou arraché des haies vives ou sèches ; quiconque aura déplacé ou supprimé des bornes ou pieds corniers ou autres arbres plantés ou reconnus pour établir les limites entre différents héritages, sera puni, etc. » - C'est un fait qui porte atteinte à la propriété particulière. Il est rangé sous le chapitre qui traite des atteintes portées à la propriété.- Le fait de combler un fossé, longeant une route, est une contravention, et n'a jamais été entendu dans le sens de ľart. 456. Rentrerait-il d'ailleurs dans cet article, que cela ne devrait pas nous arrêter, parce que le Code d'instruction criminelle contient des dispositions prescrivant les peines établies par le Code pénal. »

 

M. Angillis : « L'honorable M. Verbaegen vous a dit que l'art. 456 du Code pénal ne s'applique pas à l'espèce. Il dit qu'à cet égard il n'y a pas de doute ; pour moi je n'ai pas de doute non plus, quoi que je sois d'une opinion contraire à la sienne.

 

Les fossés qui appartiennent au chemin public servent à le séparer de la propriété privée. Si donc vous comblez ces fossés, vous portez atteinte à la propriété privée, puisque cette propriété se trouve alors confondue pour ainsi dire avec la voie publique dont elle n'est plus séparée par rien.

Cette opinion ne m'est pas personnelle ; elle est celle qu'exprime Carnot dans son excellent commentaire sur le Code pénal.»

 

M. Demonceau : « Je vois que l'on interprète l'art. 456 de différentes manières ; il me semble qu'il vaudrait mieux laisser cette interprétation aux tribunaux. Que faisons-nous? Rien autre chose que modérer le pouvoir que les conseils provinciaux et communaux tiennent de la loi du 6 mars1818. Cette loi autorise ces conseils à établir des pénalités dans leurs règlements, pourvus, toutefois, que des lois particulières ne portent pas des peines spéciales. Il est donc inutile de nous occuper de cela ; les tribunaux sont là. Si des règlements provinciaux établissaient des pénalités dans des matières où une pénalité serait déjà établie par des lois spéciales, les tribunaux n'appliqueraient pas les règlements. » (Séance du 18 février 1840.)

 

M. Desmet : « Je demande à M. le ministre s'il abandonne aux conseils provinciaux le pouvoir d'établir les contraventions, et de remplacer ce qui avait été réglé par nos anciennes lois. Si ou doit supprimer ce qui avait été réglé par nos anciennes lois, je ferai observer que le Code pénal ne prévient pas tout, notamment ce qui concerne les empiétements sur le chemin, les plantations, les dégradations de ponts ou chemins, le comblement de fossés. Je ne vois rien de cela non plus dans la loi que nous discutons. Je demande si vous laissez aux conseils la faculté d'établir de nouvelles contraventions ou si vous maintenez celles qui ont été déterminées par nos anciennes lois.

» Je fais cette remarque, parce que les contraventions, bien ou mal établies, font beaucoup pour la conservation de chemins en bon état, et pour prévenir qu'ils ne soient pas dégradés ; et qu'il ne suffit point pour faire entretenir, mais qu'il faut surtout prendre des mesures pour prévenir qu'ils ne soient endommagés. »

 

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « Nous n'accordons aux conseils provinciaux que le droit d'abolir les peines établies par les règlements actuels sur les chemins vicinaux, règlements faits par les anciens états provinciaux. S'il y a dans ces pénalités des lacunes, il est évident que le conseil provincial peut les combler ; le droit d'établir des peines est corrélatif à celui de faire des règlements. Toute disposition réglementaire dans les attributions du conseil provincial est susceptible d'une sanction pénale établie par lui. » (Séance du 18 février 1840.)

 

(1) « Quoique cet article n'ait rencontré aucune objection, il aurait cependant pu être critiqué en ce qu'il trouble le système actuel de juridiction des tribunaux de répression, en statuant que du jour où la loi sera mise en vigueur ces tribunaux appliqueront les peines prononcées par les règlements actuels sur les chemins vicinaux, malgré que ces peines soient supérieures à celles que la loi qui règle la compétence de ces tribunaux leur permet de prononcer... Mais il est à remarquer que la chambre n'a eu aucun égard à cette objection, lorsqu'elle lui a été faite contre l'art. 78 de la loi communale, qui contient des dispositions identiques à celles du projet actuel. Cette considération a paru décisive à la section centrale, qui propose l'adoption.  ( 1er Rapport de la section centrale.)

 

« Maintenant, disait M. de Theux, ministre de l'intérieur, il vous reste à voir qu'elle sera la portée de l'art. 32. Cet article autorise les conseils provinciaux, lors de la révision des règlements, à introduire des pénalités semblables à celles portées dans les anciens règlements; seulement ces peines ne pourront pas excéder le maximum déterminé dans l'article que nous discutons, mais cela ne va pas jusqu'à abolir la dispositions du Code pénal qui établit une peine très-forte, par exemple, pour le comblement d'un fossé. Il s'agit de statuer sur ce que pourront faire les conseils provinciaux dans les limites de leurs attributions, pour réglementer les chemins vicinaux et fixer le maximum des peines qu'ils pourront appliquer aux contraventions. Nous avons réduit le maximum, mais par là nous n'avons nullement étendu le droit de réglementer sur des délits qui sont prévus par des dispositions législatives. » (Moni(.du 19 février.)

 

(2) « Cette disposition s'écarte des principes reçus, en ce qu'elle permet au juge de répression de prononcer une réparation en faveur de la commune, sans que celle-ci soit obligée d'intervenir au procès et de se porter partie civile, tandis qu'en règle générale un juge ne peut prononcer aucune condamnation en faveur d'une personne, si elle n'assiste au litige et si elle n'en fait la demande formelle. Cependant cette disposition a été admise comme moyen d'obtenir une prompte répression des contraventions, tout en évitant aux communes des procédures longues et dispendieuses et des difficultés sans nombre, qui souvent a mèneraient 1 impunité des délinquants. Les communes n'aiment pas à entreprendre des procès qui peuvent devenir coûteux. Souvent la présence des délinquants ou de leurs amis au conseil municipal empêchera ou entravera la délibération de celui-ci, nécessaire pour commencer la poursuite ; l'obtention de l'autorisation indispensable à la commune, peut aussi donner lieu à des difficultés. Tout ces inconvénients disparaissent au moyen de la première disposition de l'article actuel du projet, que la section centrale a adopté à l'unanimité. » (Premier rapport de la section centrale.)

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « Je n'ai demandé la parole que pour faire une observation. On avait mis en doute si l'article précédent n'interdit pas à l'autorité administrative le droit que lui confère la loi de 1791, de maintenir la circulation des chemins publics, de les tenir libres et sûrs. Dans mon opinion, il ne peut y avoir aucun doute à cet égard. Il ne s'agit ici que d'établir la compétence de l’autorité judiciaire, quant aux peines. L'autorité administrative n'en reste pas moins chargée de veiller à la sûreté des habitants et de tenir constamment les routes sûres et praticables.»

 

(3) Ce paragraphe fut adopté sur la proposition de M. de Roo, qui disait pour le justifier :

« Cet article n'atteint pas le but qu'on se propose; on serait paralysé par l'exception qu'opposerait le contrevenant; celui-ci ne suivrait pas la cause ; les choses resteraient dans le statu quo. »

M. Demonceau : « L'amendement proposé n'établit rien que ce que décident les tribunaux. Il est certain que, quand un tribunal renvoie les parties à fins civiles, il fixe le délai dans lequel l'action civile devra être introduite. Si l'action n'est pas introduite dans ce délai, le tribunal juge comme s'il n'y avait pas eu d'exceptions préjudicielles. »

 

M. Donny : « L'honorable M. Demonceau pense que chaque fois qu'un tribunal de répression renvoie les parties à fins civiles, afin qu'il soit statué sur une exception préjudicielle de propriété opposée par un prévenu, ce tribunal fixe en même temps un délai dans lequel l'action civile doit être introduite. Il est possible qu'il en soit ainsi devant certains tribunaux ; mais ce n'est pas là une règle générale ; car il y a des tribunaux et des cours (celle près de laquelle j'exerce mes fonctions est dans ce cas) qui ne fixent pas de délai et se contentent de renvoyer les parties purement et simplement à fins civiles. »

 

M. Liedts : « Je crois l'amendement très-utile, attendu qu'il y a à cet égard divergence entre les cours de Bruxelles et de Gand. La cour de Bruxelles décide que tout jugement qui suspend une action publique, à raison d'une question préjudicielle, doit fixer le délai dans lequel l'action civil et doit être introduite. La cour de Gand décide dans un sens contraire. - Pour mettre un terme à cette divergence, il est bon que la loi prescrive au juge de paix, lorsqu'il renverra les parties à se pourvoir à fins civiles, de fixer le délai dans lequel l'action civile devra être introduite. Je n'y vois que des avantages et aucun inconvénient. »

 

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « Je croyais que l'honorable M. de

Roo aurait fixé un délai maximum dans lequel l'action devrait être introduite. La loi pourrait au moins recommander au juge de fixer un bref délai. »

 

M. de Behr : « Si vous ne fixez pas de délai, les juges de paix en fixeront de différents; je crois qu'il conviendrait de fixer dans la loi un délai de 15 jours où d'un mois. »

 

M. de Garcia : « Je crois que le délai d'un mois sera plus que suffisant ; il n'est pas nécessaire que le procès soit vidé dans ce délai ; on devra seulement justifier que dans le mois on a introduit l'action. Si l'on n'avait pas les titres, on pourrait demander le temps de se les procurer pour justifier l'action. »

 

M. Demonceau : « Je n'insiste pas ; je voterai pour la proposition; mais je voudrais que la loi fixât le délai et qu'elle fixât un délai rapproché, par exemple, celui d'un mois. Ce délai me parait suffisant. » (Séance du 18 février 1840.)

Lors du deuxième vote, M. Lebeau disait : « Je comprendrais cet article dans le cas où l'action publique est dirigée contre un particulier à qui on impute d'avoir incorporé un chemin dans sa propriété. Mais je crois qu'il y a une lacune pour les emprises faites sur un chemin livré à la circulation et porté dans les plans, chemins que votre loi déclare imprescriptibles. Je voudrais que le recours au tribunal ne fût pas indispensable pour autoriser l'autorité administrative à rentrer en possession, sauf le recours au possessoire et l'action en dommages et intérêts à l'égard de celui qui a troublé cette possession. - S'il s'agissait d'un sentier incorporé dans une propriété et qu'on prétende avoir acquis par prescription ou autrement, je comprends que l'action publique doive s'arrêter devant l'exception de propriété, mais je ne comprends pas l'intervention toujours obligée du tribunal pour le cas où l'on voudrait bâtir sur un chemin déclaré imprescriptible. Je voudrais que, dans ce cas, l'autorité administrative pût faire remettre immédiatement le chemin en état. »

« Je crois, répondit M. le ministre de l'intérieur, qu'il ne faut pas porter de disposition et qu'il faut rester dans les termes du droit commun. La loi accorde à l'administration le droit et lui fait même un devoir de maintenir les chemins libres et sûrs, et d'ôter toute entrave. Ainsi il me paraît constant que si quelqu'un apporte des entraves à la circulation par un fossé ou par tout autre obstacle, l'administration peut le faire combler ou enlever d'office. L'autorité administrative étant en possession d'un chemin, peut faire pour le conserver tout ce qu'un propriétaire peut faire pour conserver sa propriété. Si quelqu'un usurpe votre propriété, vous pouvez de votre autorité repousser l'usurpation, sauf à recourir aux tribunaux, s'il y a lieu. De même l'autorité administrative n'est pas obligée de consentir à ce qu'on viole la propriété d'un chemin dont elle est en possession. Il faut rester dans les principes généraux. »

 

M. Lebeau dit alors : « Ainsi, il est reconnu que l'intervention de l'autorité judiciaire n'est pas exclusive de l'intervention de l'autorité administrative. Dès lors je n'insiste pas. » (Monit.du 27 février 1840.)

 

(1) « La sixième section a demandé que le terme de la prescription fût porté à trois années ; cette proposition n'a pas été adoptée par la section centrale, qui n'a vu aucun motif de s'écarter de la règle générale posée par l'article 646 du Code d'instruction criminelle, qui fixe à un an le temps de la prescription de toutes les contraventions de police ; il arriverait même que, si on étendait à trois ans le terme de la prescription, les traces et les preuves de la contravention auraient disparu avant le jugement ; ou bien que les autorités chargées d'en provoquer la répression la perdraient de vue et la laisseraient impunie.

» Je viens de dire que la règle générale pour toutes les contraventions de police est qu'elles se prescrivent par un an, d'où l'on pourrait conclure que l'article proposé est inutile, puisque les contraventions sur la voirie vicinale sont rangées par le projet actuel parmi les contraventions de simple police, et par cela seul doivent tomber sous l'application de la règle générale de l'article 646 du Code d’instruction criminelle. Quoique ce raisonnement paraisse fondé, l’article proposé a paru nécessaire pour faire cesser la jurisprudence adoptée récemment par la cour de cassation, qui a décidé que les contraventions pour usurpations sur les chemins vicinaux se prescrivent par le laps d'un mois : cette prescription était évidemment trop courte, à moins que l'on ne Veuille laisser ces contraventions impunies. » (ier Rapport de la sect. centr.)

 

M. de Villegas avait présenté l'amendement suivant : « Le délai porté au présent article commencera à courir du jour où l'existence de l'usurpation ou de l'empiétement aura été reconnue et légalement constatée. » Voici comment il le mortivait : « La section centrale, qui a examiné le projet primitif du gouvernement, a pensé que la prescription d'un mois était insuffisante, et qu'il était nécessaire de la remplacer par la prescription annale, attendu que les contraventions de cette nature sont portées devant les tribunaux correctionnels, Mais la prescription doit-elle courir du jour de l'usurpation ou de l'empiétement, ou bien du jour où la contravention aura été légalement reconnue? Mais il est difficile de constater le jour de l'usurpation ; car on ne découvre le plus souvent un fait que longtemps après sa perpétration.

Il se peut encore que l'administration néglige ou ait intérêt à négliger la recherche des contraventions; ainsi il faut faire courir la prescription du jour où l'usurpation aura été légalement  reconnue.

Toutefois, messieurs, si la chambre devait n'être pas de cet avis, il me paraît qu'il faudrait toujours trancher dans la loi une difficulté qui s'est présentée déjà devant les tribunaux. La cour de cassation de notre pays a été saisie d'une pareille contestation. Autrefois on disait qu'en matière de voirie les contraventions étaient prescrites par un mois ; mais on a demandé si, sous l'empire de la loi de 1791, cette prescription d'un mois pouvait encore avoir lieu ; cette question n'a pas été résolue ; c'est pourquoi, afin de trancher les difficultés,   je demanderai que la prescription soit soumise aux règles du Code d'instruction criminelle. »

 

M. Liedts : « Messieurs, j'ai peine à me rendre aux motifs développés par l'honorable membre, quoi que je convienne avec lui qu'il est utile de trancher une difficulté qui s'est présentée devant les tribunaux. Il ne s'agit pas ici de redresser l'usurpation et l'empiétement ; car ce redressement peut toujours avoir lieu, parce que les chemins vicinaux sont imprescriptibles. Mais il s'agit de savoir pendant quel laps de temps celui qui est l'auteur de l'usurpation ou de l'empiétement peut être puni de ce chef. Le projet fixe la prescription à un an ; si vous ne faites courir cette prescription que du jour de la constatation de la contravention, il pourra arriver qu'on poursuive un homme au bout de 25 ans, pour le punir du chef d'une simple contravention; tandis que, s'il avait commis un crime ou un délit, il aurait prescrit l'action publique. Ce serait là une anomalie dans l'échelle des délais requis par la loi pour la prescription des crimes et délits. La raison veut donc que l’année coure du jour où la contravention a été commise. »

(Séance du18 février1840.) voy. la note 3, p.195.

 

(1) La 3e section a proposé la suppression de la partie de l'article qui attribue une part dans les amendes aux officiers qui ont constaté les contraventions : en ceci elle n'a pas été d'accord avec la section centrale qui a pensé que  quoiqu'il soit quelquefois dangereux de trop stimuler le zèle des agents chargés de constater les délits, on devait cependant reconnaître que les abus de ce chef sont fort rares, et que, d'un autre côté, il est fort utile d'encourager la répression de contraventions aussi nuisibles à l'intérêt public que le sont celles qui se commettent sur les chemins vicinaux. »

(Rapport de la section centrale.)

 

(2) « Messieurs, disait M. le ministre de l'intérieur, dans la loi sur les chemins vicinaux , il n'a pas été question des fossés, et je crois, en effet, qu'il était inutile d'en faire mention dans les trois premiers chapitres, parce que la loi communale contient, à cet égard, des dispositions suffisantes ; cependant je crois que dans le chap. IV, relatif à la police, il pourrait être utile de parler des fossés. »

 

M. Desmet : « Messieurs, je crois que M. le ministre de l'intérieur fait bien d’introduire une disposition relativement aux fossés. Mais cela ne suffit pas. Si vous n'avez aucune mesure concernant les cours d'eau et les ruisseaux, à quoi bon une disposition sur les fossés ? Le projet ne renferme également aucune disposition quant à-l'entretien des ponts qui appartiennent en partie aux communes et en partie aux riverains. Il y a encore un autre sujet important : ce sont les plantations sur les rives; je parle non du plantis latéral, mais du plantis dans les chemins. On ne parle pas non plus de la distance à observer dans les plantations. - Je demande à cet égard des explications à M. le ministre, car il ne suffit point d'entretenir les chemins, il faut encore songer à les conserver en bon état ; eh bien, si vous ne prenez point de mesures pour le bon entretien des cours d'eau et sur les plantis qui se trouvent dans le chemin, et principalement sur les haies qui se trouvent trop près des chemins, lesquelles très -souvent ne sont pas élaguées et offusquent tout le chemin, vous aurez toujours les chemins humides, et vous sentez qu'alors il est impossible de les tenir en bon état de viabilité. »

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « Les dispositions de chap. 111 sont suffisantes pour les ponts et les aqueducs sous les chemins vicinaux. J'ai pensé qu'en matière de police et de pénalité, il était nécessaire de s'exprimer clairement sur la manière de réprimer les contraventions, en ce qui concerne les fossés; d'après les dispositions que je propose, les commissaires voyers et les commissaires des arrondissements pourront dresser ou faire dresser des procès verbaux. Les usurpations sur les fossés seront aussi réprimées conformément à l'art. 29 du projet.

 

Cette disposition pourra être utile. Quand les travaux dont la chambre est saisie seront terminés, on pourra s'occuper des ruisseaux et des cours d’eau en général, et aussi de ce qui concerne les plantations. Il ne faut pas multiplier inutilement les dispositions de la loi, car on courrait risque de l'embrouiller. »

 

M. ďHuart : a La disposition proposée par M. le ministre ne me paraît pas nécessaire. Le but qu'il se propose est rempli par l'art. 2 du projet où nous avons introduit après les chemins,  les mots : y compris les fosses. Il était bien entendu dès lors qu'en parlant des chemins, les fossés étaient compris. - Je suis toutefois d'accord avec M. le ministre sur le but de sa proposition ; il convient d'empêcher les usurpations et les dégradations qui peuvent se commettre dans les fossés ; mais a mon sens, les fossés et les chemins ne font qu’un. »

 

M. Angillis : « Dans le projet de loi, on ne parle pas du tout des fossés. Cependant je ferai observer qu'ils ne sont pas seulement nécessaires, indispensables pour l'écoulement des eaux, mais ils ont encore une autre destination, celle de conserver les limites des chemins, d'empêcher les usurpations. Quand les fossés sont bien entretenus, les usurpations, les empiétements deviennent impossibles. » (Séance du 18 février 1840. – Monit du 19,)

 

(1) M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères: « Ce chapitre est intitulé : Règlements provinciaux. Je pense qu'on pourrait ici adopter un article consacrant deux principes relatifs aux chemins vicinaux. Ils ont pour objet le bornage des chemins et le récolement des plans dressés en exécution de l'article 1er. Dans tout le projet, il n'en est pas parlé. On pourra peut-être critiquer l'opportunité de la présentation de cette disposition qui pourrait être placée ailleurs qu'au chapitre V, mais c'est pour éviter toute difficulté au second vote, que je la présente maintenant sauf à la classer plus tard, si elle est adoptée. »

 

(2) « Nous avons autorisé les conseils provinciaux, disait M. 1e ministre de l'intérieur, à établir des commissaires voyers; je propose de laisser aux conseils provinciaux la faculté d'établir ce que dans le Luxembourg on appelle des piqueurs cantonaux, institution dont on s'est très-bien trouvé dans cette province.

» J'entends qu'on demande si ces agents chargés de surveiller et de diriger les travaux ne seront pas les mêmes que les commissaires dont il est fait mention à Part. 50. Je ferai observer qu'il y a deux espèces d'agents. Les commissaires voyers ne seront pas à la tête des ouvriers, ne dirigeront pas les ouvriers, c'est à ceux-là que nous avons conféré la qualité d'officiers de police, le droit de dresser des procès-verbaux. Mais indépendamment d'eux, il y aura des piqueurs cantonaux qui n'ont pas le droit de dresser des procès-verbaux et de faire des prescriptions aux autorités. »

 

M. dΉuart : Lorsque M. Lebeau a proposé sa disposition nouvelle tendant à créer des agents voyers, je croyais que ces agents voyers étaient des chefs d'atelier chargés de veiller à la bonne exécution des travaux. Si ce n'est pas là la signification de sa proposition, j'appuierai celle de M. le ministre, parce que je regarde comme bien autrement importants les chefs d'atelier, les surveillants des travaux, que les agents voyers, qui seront des espèces d'inspecteurs honoraires comme ceux qui existent déjà aujourd’hui. - Une des choses les plus essentielles, c'est de donner aux administrations communales des chefs d'atelier expérimentés et sachant conduire les travaux, et qui surveillent avec fermeté les ouvriers qui se rachèteront par des prestations en nature. J'appuie donc la proposition. Je l'aurais faite moi même, si je n'avais pas cru que la rédaction de M. Lebeau concernait les chefs d'atelier dont il est question ici.»

 

M. le ministre de l'intérieur : « Les commissaires voyers seront les personnes les plus notables dans les provinces, et ils exerceront leurs fonctions gratuitement. »

M. loy de Burdinne : « Je partage l'opinion des honorables MM. dΉuart et Lebeau ; s'il n'y a pas des hommes spéciaux pour diriger les travaux, jamais les chemins ne seront convenablement réparés. J'appellerai l'attention de la chambre. Sur un autre moyen. S'il était admis, il y aurait beaucoup moins à faire pour l'entretien des chemins. Non seulement il faut réparer les chemins, mais il faudrait encore éviter les dégradations.

Pour cela il faudrait avoir des cantonniers, car dans un chemin de terre il suffit d'une ornière qu'on néglige de combler et d'un peu d'eau qu'on ne fait pas écouler pour le dégrader et le rendre impraticable, tandis qu'en comblant l'ornière ou en faisant une rigole en temps opportun, on mettrait le chemin en état de viabilité. Je crois donc qu'il faut non-seulement des conducteurs, mais encore des cantonniers. Ce serait une économie pour les communes en ce qu'on préviendrait ainsi des dégradations considérables. »

M. Desmet : « Il est certain qu'il faut des cantonniers pour entretenir les chemins en bon état ; mais je demande sous quelle autorité ils seront : sans doute sous l'autorité communale puisqu'ils seront toute l'année dans la commune. Mais les commissaires voyers sont des agents de l'autorité provinciale ; n'est-il pas à craindre que les cantonniers qui dépendront d'une autorité n'entravent les travaux? Au lieu d'aider à bien réparer et entretenir les chemins, ils serviront à arrêter les travaux et à contrarier parfois les autorités communales. - Messieurs, je vois dans la nomination des commissaires voyers une création des plus utiles pour avoir les chemins bien entretenus ; ce sont ces agents qui seront les commissaires spéciaux de l'autorité provinciale et qui surveilleront les opérations de l'autorité communale en faisant d'office tous les travaux qu'elles auront négligé de faire ; rnais ces cantonniers, dont fait mention l'amendement présenté, ne pourront être envisagés que comme des piqueurs ou contremaîtres qui seront placés pour conduire les travaux, mais qui n'auront aucune autorité et qui seront placés parles agents voyers. Je ne vois donc aucune utilité de faire mention de cette nomination dans la loi, c'est moins dangereux, car on se croira obligé de les nommer, tandis que c'est une simple mesure d'exécution que vous devez abandonner à l'autorité provinciale ; en faire mention dans la loi sera trouvé très-étrange, surtout que vous avez abandonné aux règlements provinciaux beaucoup d'autres mesures qui étaient bien moins administratives que cette nomination de piqueurs de travaux. »

 

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères: «Il n'y aura pas d'agents dans chaque commune, mais seulement par canton. Leurs rapports avec l'autorité communale, les commissaires d'arrondissement et les commissaires voyers et l'autorité supérieure provinciale seront déterminés dans les règlements provinciaux. - Il sera utile que ces sortes d'agents aient un traitement et une indemnité pour stimuler leur zèle, tandis que les commissaires voyers, agents supérieurs, ne devront peut-être avoir qu'une indemnité. Au reste, les conseils provinciaux seront meilleurs juges de ce qu'il convient de faire; ils auront égard aux ressources de la commune et de la province pour régler le taux des traitements et des indemnités.»

 

M. d'Huart : « Il serait bon de réfléchir à la disposition que vous avez adoptée en ce qui concerne les agents voyers et les surveillants dont on parle; car évidemment l'honorable M. Lebeau avait en vue les employés dont il est question maintenant, puisqu'il proposait que ces agents prêtassent serment devant le juge de paix de leur domicile, et qu'ils eussent un traitement fixé par le conseil provincial. Or il est évident que M. Lebeau n'a pu entendre parler des inspecteurs voyers, qui sont dans beaucoup de provinces les notables de l'arrondissement. - M. Lebeau a voulu, dans chaque canton, au moins un homme d'action capable de diriger les travaux. La disposition qui institue ces agents est la plus essentielle de la loi; car dans le Luxembourg, je le répète, c'est à l'institution de ces agents qu'est dû le bon état des chemins vicinaux, et le bon emploi du temps de tous les individus qui se sont rachetés par des prestations en nature. On conçoit facilement, en effet, l'heureuse influence que doit avoir sur les travaux la direction donnée par un homme qui les connaît.»

 

M. Dumont : « Je prie l'honorable préopinant de vouloir bien remarquer que la réparation des chemins vicinaux se fait dans toutes les communes en même temps, c'est-a-dire, au mois de juin; du moins il en est ainsi dans les provinces du Hainaut et du Brabant. Si vous voulez que les travaux soient surveillés par un agent jouissant d'un traitement annuel, cela coûtera à chaque commune 4 ou 5 cents francs environ ; avec cela on ferait bien des réparations. J'ai cru devoir signaler cet inconvénient. »

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères : « Je ne pense pas que les chemins vicinaux soient réparés le même jour dans toutes les communes ; il sera facile de déterminer un ordre tel qu'il n'en soit pas ainsi. Cela fera l'objet des règlements provinciaux. L'institution des agents dont il est question ne sera pas obligatoire ; ce sera une faculté ; chaque province sera juge des besoins de sa localité. » (Séance du 18 février 1840. - Monit. du 19.)

 

(3) « L'art. 59 pourrait aussi être complété dans le sens des observations qui précèdent, par l'addition à la fin du paragraphe premier des mots et en déterminer les attributions. Ce qui laisserait une entière liberté aux conseils provinciaux, pour arrêter les  dispositions qu'ils croiraient les plus utiles à chaque province. » (Rapport de la commission du Sénat.)

 

(4) Voy. la note 2, p. 200.

 

(5) « A propos de cette révision des règlements provinciaux, la section centrale a examiné s'il ne conviendrait pas que la loi indiquât aux conseils provinciaux les divers objets qu'ils devront prévoir et régler par leurs nouvelles ordonnances ; si elle s'est prononcée pour la négative c'est par le motif qu'une énumération qui serait faite de tous les points à régler, pourrait être incomplète, ou comprendre des choses dont il est inutile de s'occuper : ce qui pourrait amener les conseils provinciaux à omettre des points essentiels dans les règlements qu'ils feront, sous prétexte que la loi ne les autorise pas à réglementer, ou à insérer dans leurs règlements des choses inutiles, sous prétexte que la loi leur ordonne de les y traiter.

Il a paru préférable d'abandonner aux conseils provinciaux le soin de reconnaître les besoins de leurs provinces. » (Bapp. de la section centrale.)

 

Le projet du gouvernement et celui de la section centrale attribuaient la révision des règlements existants aux conseils provinciaux ; M. de Theux proposa de l'attribuer aux députations permanentes : « J'ai proposé cette disposition, disait-il, parce que celle du projet du gouvernement et la section centrale était absolument insuffisante. En effet, par la promulgation de cette loi, toutes les dispositions des anciens règlements contraires à cette loi viennent à tomber. Il y aurait donc un véritable chaos, car on ne saurait déterminer ce qui, dans les anciens règlements, devra continuer à être mis à exécution à la suite de la promulgation de la loi. - D'autre part, il est moralement impossible que les conseils provinciaux fassent de suite un bon règlement pour l'exécution de la loi. C'est un travail long et difficile. Je crois donc que la disposition que j'ai proposée est nécessaire pour ne pas arrêter l'exécution de la loi; d'autant plus que la loi introduit, dans le système des chemins vicinaux des Flandres, des modifications radicales.

Vous remarquerez que, d'après cette disposition, les conseils provinciaux pourront faire la révision des règlements dans la session de cette année; mais s'ils trouvent les anciens règlements suffisants, et s'ils veulent attendre la session de 1841, pour procéder à cette révision avec plus de maturité, ils en auront la faculté. - Je crois que, de cette manière, il n'y aura aucune difficulté. »

(Séance du18 février 1840. - Monit. du 19.)

Le terme fut reculé, d'après une proposition faite au sénat ; à la deuxième session ordinaire après la promulgation de la loi.

 

(1) Voy. la note précédente.

 

(2) Rapport à la chambre des représentants par M. de Roo, le 18 février 1841. - Monil. du 19- Adoption sans discussion le 11 mars, à l'unanimité des 61 membres présents. - Monit. du 12 mars.

Rapport au sénat par M. Dupont d'Aherée le18 mars. - Monst. du 19. - Adoption le 20 mars à l'unanimité des 29 membres présents Monit.du 21.